Députés et sénateurs ont trouvé un accord lundi, en commission mixte paritaire, sur le projet "portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat". Les principaux points de compromis portent sur la prime "Macron" et les heures supplémentaires.
Il aura fallu un peu plus d'une heure pour que la commission mixte paritaire soit conclusive. Députés et sénateurs se sont mis d'accord, lundi 1er août, sur une version commune du projet de loi "portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat", ouvrant la voie à son adoption définitive. Sauf surprise, celle-ci sera effective mercredi 3 août, après la lecture des conclusions de la commission mixte paritaire à l'Assemblée nationale, puis au Sénat.
"On était vraiment dans la logique, tous, d'apporter des solutions efficaces, rapides", a réagi lundi soir la rapporteure Charlotte Parmentier-Lecocq (Renaissance). Le texte adopté conserve la prime dite "Macron" dans sa version adoptée par l'Assemblée nationale. La somme pouvant être versée par une entreprise à un salarié payé en dessous de 3 Smic sera de 3000 à 6000 euros (selon qu'un accord d'intéressement a aussi été conclu ou non).
Cette prime sera exonérée d’impôt sur le revenu, de cotisations salariales et patronales jusqu'au 31 décembre 2023. Versée à un salarié gagnant plus de 3 Smic, la prime sera uniquement exonérée de cotisations salariales. A partir du 1er janvier 2024, la prime sera ouverte à tous les salariés dans les mêmes conditions : elle sera uniquement exonérée de cotisations sociales.
"Nous répondons à l'urgence", s'est félicitée à l'issue de la réunion la présidente de la commission des affaires sociales Fadila Khattabi (Renaissance), qui loue un texte qui contient de "très belles avancées sociales et anticipe la problématique du coût de l'énergie". L'élue cite notamment la revalorisation des retraites et des minimas sociaux à hauteur de 4% ou encore la déconjugalisation de l'allocation aux adultes handicapés (AAH).
L'individualisation de l'AAH entrera en vigueur au plus tard le 1er octobre 2023. Une date butoir que l'opposition souhaitait avancer : "Nous avons fait une réunion transpartisane avec les ministres Jean-Christophe Combe (ministre des Solidarités, de l'Autonomie et des personnes handicapées), Geneviève Darrieussecq (ministre déléguée chargée des Personnes handicapées) et le directeur de la caisse nationale des allocations familiales, explique Fadila Khattabi, qui justifie le maintien de la date votée à l'Assemblée. Techniquement, il faut mettre en place un nouveau système d'information, c'est très complexe."
Pour faciliter la conclusion d'un accord, la majorité présidentielle a accepté d'intégrer dans le texte la réduction des cotisations patronales sur les heures supplémentaires, votée par le Sénat. La mesure complète ce qui existe déjà dans les entreprises de moins de 20 salariés. "Cela va dans l'intérêt à la fois des entreprises et des salariés", salue Thibault Bazin (LR).
La commission mixte paritaire a toutefois limité cette disposition aux entreprises de 20 à 249 salariés. Le montant précis de la réduction de cotisations sera déterminé par décret. "On a fini par se mettre d'accord avec [les sénateurs] pour permettre de prendre ces dispositions qu'ils avaient portées parce qu'elles s'inscrivent aussi dans notre logique de valoriser le travail, justifie la rapporteure Charlotte Parmentier-Lecocq. C'est aussi ce qui nous a permis de réintégrer certaines dispositions auxquelles on tenait, notamment la pérennisation de la prime."
Cette méthode a été critiquée par Hadrien Clouet (La France insoumise), qui dénonce "la nouvelle alliance" entre Renaissance et LR et évoque un "texte marqué à droite". "Il y avait clairement un accord préalable" à la CMP entre la majorité présidentielle et la majorité sénatoriale, commente encore le député.
"Tout avait été décidé au préalable", regrette également Victor Catteau (Rassemblement national), qui estime qu'il "aurait été bien de mêler tous les groupes politiques à ce travail de compromis". Le député RN évoque une vitesse d'examen "assez incroyable" au cours de la CMP : "L'article sur les heures supplémentaires est le seul à avoir fait l'objet d'un débat" par les 14 parlementaires réunis lundi soir, a-t-il affirmé.
Sur le fond, la gauche estime que la mesure sur les heures supplémentaires aura des conséquences néfastes sur l'emploi : "Il est plus rentable pour l'employeur d'augmenter le temps de travail des salariés en poste, plutôt que de recruter ailleurs", déclare ainsi Hadrien Clouet (LFI).
Une réserve partagée par certains au sein de la majorité : "Il y a parfois une contradiction entre les heures supplémentaires qui permettent de répondre tout de suite à un besoin de main d’œuvre des employeurs et d'un autre côté qui peuvent être contre-productives par rapport à ceux qui sont au chômage", concède Nicolas Turquois (Démocrate). "Rien ne nous empêche d'évaluer ce dispositif dans trois ans", a réagi de son côté la présidente de la commission des affaires sociales Fadila Khattabi.
Après la validation de l'accord par les deux chambres mercredi 3 août, le texte sera définitivement adopté. Une nouvelle commission mixte paritaire se réunira le soir même à 21 heures pour tenter de trouver un accord sur le deuxième texte du "paquet" pouvoir d'achat, à savoir le projet de loi de finances rectificative pour 2022. En cas de nouvelle CMP conclusive, l'Assemblée nationale et le Sénat adopteront définitivement ce second texte le jeudi 4 août.