Le Conseil constitutionnel qui a été saisi à quatre reprises sur la loi immigration se prononcera, le 25 janvier, sur la conformité des dispositions du texte vis-à-vis de la Constitution. Les Sages ont été saisis à la fois par le président de la République et la présidente de l'Assemblée nationale, ainsi que par les députés et les sénateurs de gauche.
Après un parcours législatif entre coups de théâtre et rapports de force, la loi "pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration" est sur le bureau du Conseil constitutionnel. Dans la foulée de son adoption par le Parlement au mois de décembre, le texte a fait l'objet de quatre saisines.
Très rapidement, la président de la République, Emmanuel Macron, a indiqué sa décision de saisir les Sages de la rue Montpensier, alors que l'exécutif doute de la conformité constitutionnelle de certaines dispositions intégrées au texte à la demande de la droite. En fin d'année dernière, la présidente de l'Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, a effectué la même démarche. Par ailleurs, les députés de gauche, ainsi que leurs collègues sénateurs, ont déposé des recours très offensifs, espérant que la loi immigration soit très largement censurée.
Lors d'une cérémonie d'échanges de vœux pour la nouvelle année entre le chef de l'Etat et les membres du Conseil constitutionnel, Laurent Fabius a annoncé que l'institution qu'il préside rendrait sa décision à propos de la loi immigration le jeudi 25 janvier.
Dès le 19 décembre, alors que la commission mixte paritaire (CMP) vient de parvenir à un texte de compromis sur le projet de loi relatif à l'immigration, le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, annonce que l’exécutif va saisir le Conseil constitutionnel. Lors de son intervention télévisée du 20 décembre dernier, Emmanuel Macron confirme souhaiter que les Sages de la rue de Montpensier puissent "statuer sur la conformité de tout ou partie de cette loi".
La saisine, signée du 21 janvier, fait ainsi valoir que "les 26 articles du projet de loi initial ont été complétés de 60 articles supplémentaires, correspondant principalement aux dispositions que les parlementaires ont souhaité introduire dans le texte". Le Président évoquant ainsi les ajouts voulus par les députés et les sénateurs Les Républicains, alors que le texte, frappé d'une motion de rejet préalable à l'Assemblée, a été adopté sans être examiné, article après article et amendement après amendement, dans l'hémicycle du Palais Bourbon.
Par cette saisine, le chef de l'Etat indique donc vouloir s'assurer de la conformité constitutionnelle du texte "eu égard à l'ampleur de [son] évolution par rapport à sa version initiale".
Également rédigée à la date du 21 décembre, la présidente de l'Assemblée nationale motive, elle aussi, sa saisine au regard des "nombreux ajouts" du Sénat, "qui n'ont donné lieu ni à une étude d'impact, ni à un avis du Conseil d’Etat". Elle déplore au passage le caractère "préjudiciable" de "l'absence de délibération" en séance à l'Assemblée, résultant du vote d'une motion de rejet préalable par les oppositions.
Yaël Braun-Pivet souhaite, par ailleurs, soumettre à l'examen approfondi des Sages trois articles spécifiques, insistant ainsi sur la question de la conformité des mesures qu'ils comportent "au regard du principe d'égalité, du droit au respect de la vie privée et du droit de mener une vie familiale normale".
Le document de 38 pages transmis par les quatre présidents de groupe de gauche à l'Assemblée nationale (La France insoumise, Socialistes, Ecologiste, Gauche démocrate et républicaine) - qui vise à obtenir une censure très large, voire totale, du texte -, invoque notamment une "méconnaissance du droit à la vie privée et du droit à mener une vie familiale et normale". Est particulièrement ciblé l'article 19bis C qui, considèrent les auteurs du recours, "limite le bénéfice du regroupement familial pour les seuls enfants mineurs de moins de 18 ans".
La saisine pointe également ce qu'elle estime relever d'une "méconnaissance des compétences du Parlement", au regard de l'article 1er A relatif à l'organisation par le gouvernement d'un débat au Parlement sur "les orientations pluriannuelles de la politique d'immigration et d'intégration", en raison des règles en vigueur de fixation de l'ordre du jour du Parlement, et de l'impossibilité pour le législateur d'exiger du gouvernement qu'il organise un tel débat.
Le dernier recours, enregistré au greffe du Conseil constitutionnel le 27 décembre, émane des trois groupes de gauche au Sénat (Socialiste, Communiste, Écologiste) et déploie une stratégie de contestation massive des articles du texte en s'appuyant notamment sur l'article 1er, alinéa 45 de la Constitution, selon lequel "tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis".
Les auteurs de la saisine pointent ainsi un certain nombre d'articles introduits par leurs collègues sénateurs, "ne présentant aucun lien, même indirect, avec le projet de loi initialement déposé", et par conséquent "adoptés selon une procédure contraire à la Constitution". Pour exemple, les sénateurs de gauche ciblent l'article 17, inséré par amendement sénatorial, relatif au délit de séjour irrégulier, et qui "introduit une mesure strictement pénale, qui ne présente aucun lien, même indirect, avec le projet de loi initialement déposé".
De même pour l'article 19, qui restreint le bénéfice, pour un étranger, d'un certain nombre de prestations sociales, et ce alors qu'"aucune disposition du projet de loi initial n'affectait les prestations sociales". Là encore, les auteurs de la saisine concluent que l'article concerné "ne présente aucun lien, même indirect, avec le projet de loi initialement déposé".