Dans un rapport présenté mercredi 22 janvier, les députés Stéphanie Do (LaREM) et Pierre-Henri Dumont (LR) proposent notamment "d'augmenter le nombre de personnes qui viennent pour des motifs économiques" et se prononcent en faveur d'un "véritable pilotage de l'immigration professionnelle" et d'un débat annuel au Parlement.
"Le débat est tellement nourri de fantasmes, je pense qu'il était nécessaire de se poser." Avec sa collègue de La République en Marche Stéphanie Do, l'élu Les Républicains Pierre-Henri Dumont a présenté mercredi, devant le comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques de l'Assemblée, les conclusions du rapport d'information sur "l'évaluation des coûts et bénéfices de l'immigration en matière économique et sociale".
Les deux députés dénoncent "la persistance de certaines lacunes notamment en matière de connaissance des flux de sorties du territoire" et prônent la mise en oeuvre d'études statistiques permettant de mieux connaître la réalité du phénomène migratoire en France.
Stéphanie Do et Pierre-Henri Dumont se prononcent également en faveur de l'organisation d'un débat annuel au Parlement "sur l'objectif de recrutement de travailleurs étrangers".
Un dispositif qui se rapproche des orientations dévoilées par Edouard Philippe en novembre 2019. Comme le Premier ministre, les deux députés proposent d'"instituer un véritable pilotage de l'immigration professionnelle".
Le rapport de Stéphanie Do et Pierre-Henri Dumont dresse, dans un premier temps, un état des lieux chiffré. Les immigrés sont des "personnes nées étrangères à l'étranger et résidant en France" : ils sont 6,4 millions, soit 9,7% de la population.
Les deux parlementaires notent que les entrées permanentes annuelles augmentent régulièrement depuis 2001, passant de 137.000 cette année-là, à 258.900 en 2016. Les flux de demandeurs d'asile augmentent également, passant de 76.165 en 2015 à 132.000 en 2019.
Mais ces chiffres doivent être nuancés : "L'immigration récente en France est plus faible que dans la moyenne des pays de l'OCDE", précisent les rapporteurs. Entre 2000 et 2017, la part des immigrés en France a augmenté de 2 points, contre 2,9 en Allemagne, 6,1 en Italie, 6,3 au Royaume-Uni et 8,1 en Espagne.
Autre constat : il existe en France une "très forte concentration géographique des immigrés dans quelques régions". 58% d'entre-eux vivent dans trois régions : en Provence-Alpes-Côte d'Azur, en Auvergne-Rhône-Alpes et en Île-de-France. Cette dernière concentre à elle seule 38% des immigrés.
D'autres chiffres viennent étayer cette concentration : en Île-de-France, en 2018, sur 174.439 naissances, 52.354 enfants avaient leurs deux parents qui étaient nés à l'étranger, soit 30%.
Les ménages immigrés sont plus souvent locataires d'un logement HLM (31%) que les ménages non immigrés (13%).Extrait du rapport
Pour autant, ces chiffres ne montrent pas toute la réalité des mouvements migratoires en France, selon Stéphanie Do et Pierre-Henri Dumont, qui déplorent "la persistance de certaines lacunes notamment en matière de connaissance des flux de sorties du territoire, ainsi que de l'immigration irrégulière".
"Depuis le temps que le débat sur l'immigration est en cours, que l'on en soit à cette médiocrité statistique est absolument stupéfiant", a abondé mercredi le vice-président du comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques François Cornut-Gentille (LR).
Les deux rapporteurs proposent donc plusieurs mesures visant à améliorer la connaissance statistique du phénomène. Ils souhaitent intégrer une question sur le lieu de naissance et la nationalité des parents dans le questionnaire du recensement.
Ils proposent aussi de mener davantage d'enquêtes dérogeant au principe interdisant de révéler "directement ou indirectement les origines raciales ou ethniques" des personnes interrogées. Stéphanie Do et Pierre-Henri Dumont citent en exemple les études menées en 2008-2009 et en 2019-2020 analysant les patronymes et les prénoms pour mesurer les discriminations.
On n'est pas là pour demander des quotas, des statistiques ethniques, surtout pas, mais simplement pour savoir où se trouvent les enfants d'immigrés (afin de) savoir comment ils ont pu évoluer dans la société et savoir comment fonctionne l'ascenseur social et la méritocratie républicaine.Pierre-Henri Dumont
Les deux députés proposent également d'autoriser les grands services publics comme la CAF ou Pôle emploi à "enrichir leurs données de gestion par des données objectives sur la nationalité et le lieu de naissance afin de mesurer l'accès effectif des étrangers à leurs prestations".
Le rapport affirme par ailleurs que l'immigration a "une incidence globale très modeste sur l'emploi et les salaires" des personnes non-immigrées.
L'impact sur les salaires serait le suivant : un accroissement de 1% de la main-d'oeuvre sur le marché du travail se traduirait par une variation des salaires comprise entre -0,8% et +0,5%.Extrait du rapport
Interrogé par ses collègues, Pierre-Henri Dumont évoque un "impact soit neutre soit légèrement négatif". "Notre immigration, depuis les années 1970, est une immigration familiale, ce n'est pas une immigration de travail", explique le député.
Selon lui, il est nécessaire "d'augmenter le nombre de personnes qui viennent pour des motifs économiques". L'élu Les Républicains prône également une "hausse des qualifications" des travailleurs immigrés. Il propose aussi de "s'attaquer à la question de savoir si on réduit l'immigration familiale et comment".
L'immigration pour motifs familiaux, qui représentait 43% des admissions entre 2010 et 2016, a laissé peu de place pour l'immigration de travail, sans parler de l'immigration de travail qualifié.Extrait du rapport
Comme l'a proposé en novembre Edouard Philippe, les deux rapporteurs souhaitent "instituer un véritable pilotage de l'immigration professionnelle", en identifiant "mieux les besoins de l'économie".
Le Premier ministre veut en effet "faire des choix en matière d'accueil" et "fixer des quotas en matière d'immigration professionnelle". Ces objectifs quantitatifs seront fixés en "terme de compétences" et non pas en "terme de nationalité"
"Notre volonté c'est de faire des choix en matière d'accueil (...) Fixer des objectifs quantitatifs, ou des quotas, les 2 termes me vont, en matière d'immigration professionnelle". @EPhilippePM assume la direction prise par le gouvernement pour sa politique d'#Immigration #Quotas pic.twitter.com/uNE9bZNv1a
— LCP (@LCP) November 6, 2019
Pour cela, notent Stéphanie Do et Pierre-Henri Dumont, il faudra mettre à jour la liste des métiers en tension, élaborée en 2007 et désormais obsolète. "Seuls 15% des métiers inscrits sur cette liste seraient encore en tension sur l'ensemble de la France", expliquent les députés.
Pierre-Henri Dumont souhaite donc "réformer le processus d'élaboration de cet outil de pilotage en confiant sa supervision à un comité constitué d'un petit nombre d'experts indépendants". Le travail de ces derniers pourra, selon l'élu Les Républicains, poser les bases du débat annuel prévu au Parlement sur la politique migratoire de la France.