Auditionnés par les députés, les représentants des forces de police ont serré les rangs après l'affaire du commissariat du 17e arrondissement de Paris. Certains reconnaissent toutefois des failles du bout des lèvres et appellent à regarder, sans autoflagellation, le problème en face.
Les forces de l'ordre doivent-elles balayer devant leurs portes ? Neuf jours après l'affaire Michel Zecler, producteur de musique roué de coups et cibles d'insultes racistes par des agents de police à Paris - quatre ont été mis en examen -, une audition tombait à pic jeudi à l'Assemblée nationale. Par un hasard de calendrier, la mission d'information sur "l'émergence et l'évolution des différentes formes de racisme" lancée fin 2019 avait en effet invité les principaux syndicats de police à s'exprimer sur ce sujet.
"Il n'y a pas de racisme systémique dans la police nationale", a d'emblée évacué Sylvain Durante pour Alternative police CFDT. Des propos partagés par l'ensemble de ses collègues, auditionnés par visioconférence, et sur la même ligne que ceux tenus par leur ministre Gérald Darmanin, qui soulignait lundi que "des individualités ne sont pas un tout".
Pointant les enquêtes menées par l'Inspection générale de la police nationale (1460 en 2019, dont 30 pour allégations de racisme ou de discrimination), Stanislas Gaudon (Alliance police nationale) a appelé à "garder la tête froide quand des faits éclaboussent l'actualité" et à attendre le résultat des enquêtes. Pour le représentant du deuxième syndicat de la profession, "il n'y a pas d'impunité dans la police". Il invite par ailleurs le président de la mission d'information, Robin Reda (LR), et la rapporteure, Caroline Abadie (LREM), à se pencher sur une autre réalité, celle de "la haine anti-flics".
Thierry Clair (Unsa Police) a confirmé que l'IGPN n'était plus vue en interne comme "le cimetière des éléphants" des policiers en fin de carrière. Face à la possible réforme de la police des polices, le syndicaliste a plaidé pour qu'elle reste "une institution qui travaille dans la sérénité et qui ne [devienne] pas une institution pour 'découper' du policier et faire plaisir à certaines instances médiatiques".
Selon lui, une affaires très suivie comme celle du 17e arrondissement crée "un malaise dans les rangs des policiers" car "il a été procédé immédiatement à un amalgame, et c'est le procès de la police nationale qui a été fait rapidement".
Alors que la police est en charge de la protection des citoyens, dont la lutte contre les discriminations, la corporation ne serait donc, à entendre ses représentants, que le simple "reflet de la société". Les dérapages racistes et les stigmatisations n'y étant pas plus nombreux qu'ailleurs.
Linda Kebbab, représentante d'Unité SGP Police FO, premier syndicat professionnel, a cependant reconnu l'existence de "comportements déviants", sans en faire une généralité :
Nous constatons des remontées, aussi sporadiques et exceptionnelles soient-elles, de comportements déviants malgré notre obligation d'exemplarité. Linda Kebab
"Cela nous oblige à avoir un regard qui ne soit pas celui du déni", a témoigné la syndicaliste. Et d'ajouter que les révélations sur l'affaire Zecler "démontre une faille, celle d'une institution qui n'arrive pas à endiguer des comportements, des événements, aussi rares et exceptionnels soient-ils, qui jettent l'opprobre sur l'ensemble [des policiers]."
À travers la lecture d'une lettre ouverte au corps policier, Linda Kebbab a lancé un appel qui sonne comme un avertissement amical : "Si nous n'y prenons pas garde, nous perdrons la bataille face aux ennemis de la paix que nous nous évertuons de garder."