Alors que l'état d'urgence sanitaire se terminera le 10 juillet, le gouvernement souhaite imposer une période de "vigilance" durant laquelle des restrictions de libertés resteront possibles. Les oppositions dénoncent une "supercherie".
Sortir de l'état d'urgence oui, mais de manière "organisée". C'est l'objectif poursuivi par le projet de loi du gouvernement débattu et voté mercredi par la majorité parlementaire en première lecture. Alors qu'Emmanuel Macron a demandé à ses ministres d'accélérer le déconfinement, "la vigilance reste de mise" selon Olivier Véran :
Fin de l'état d'urgence : "Il prendra fin le 11 juillet mais cette sortie doit rester organisée parce que la vigilance reste de mise", préconise @olivierveran#DirectAN pic.twitter.com/GLZIvWn5is
— LCP (@LCP) June 17, 2020
À ce titre, le ministre des Solidarités et de la Santé a justifié la possibilité pour le gouvernement de prendre certaines mesures après le 10 juillet, date de la fin de l'état d'urgence sanitaire, et ce jusqu'au 30 octobre.
Près de quatre mois pendant lesquels l'exécutif pourra toujours prononcer des restrictions de déplacements ou conditionner l'accès aux transports (comme le port du masque obligatoire), fermer ou limiter l'ouverture des établissements recevant du public et encadrer les manifestations.
Sur ce dernier point, alors que le gouvernement souhaitait se laisser la possibilité d'"interdire les rassemblements sur la voie publique de toute nature", la rapporteure Marie Guévenoux (LaREM) a rappelé le compromis trouvé en commission :
Quel droit de manifester ? Les explications de @mguevenoux :
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- "Les rassemblements spontanés ne pourront être interdits"
- Les manifestations déclarées "feront l'objet d'un régime d'autorisation adapté, circonstancié et transitoire" au "regard des mesures barrières"#DirectAN pic.twitter.com/YWXNPlvv0t
Une nouvelle rédaction qui n'a pas convaincu Charles de Courson (Libertés et Territoires), qui doute que les intentions du gouvernement soient purement sanitaires, alors même que le climat social pourrait encore se tendre avec la récession :
Encadrement du droit de manifester après le 10 juillet : "Tout le monde sait que la rentrée va être socialement difficile et vous nous proposez un texte susceptible de réduire, interdire. C'est un grand sens politique que de faire cela !", pointe @C_deCourson#DirectAN #Covid19 pic.twitter.com/qm5MkajUjz
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"Vous prolongez tout bonnement un état d'urgence qui ne porte pas son nom, sous un titre subtilement choisi et redoutablement trompeur", s'est insurgé Hervé Saulignac (PS), qui a défendu en vain une motion de rejet contre cette "supercherie".
La droite était, elle aussi, contre l'opportunité de ce "régime transitoire", à la nature juridique pour le moins novatrice selon Philippe Gosselin (LR) :
"Ce texte est un peu un Opni : un objet politique non identifié, s'étonne @phgosselin. Ce texte nous dit 'c'est la fin de l'état d'urgence' mais en fait réintroduit des mesures de l'état d'urgence !"#DirectAN #Covid19 pic.twitter.com/daYN4cYdD9
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De nombreux parlementaires ont aussi fait valoir que le Code de la santé, dans son article L3131-1, permettait déjà de prendre des mesures par "arrêté motivé" au nom de la santé publique :
"Cette loi est inutile", estime @Paul_Molac. Il cite le Code de la santé qui autorise le ministre à prendre "en cas de menace grave notamment d'épidémie (...) toute mesure proportionnée au risque couru". #DirectAN #Covid19 pic.twitter.com/CI6GIAkjvX
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Une base juridique jugée au contraire insuffisante par la rapporteure, qui cite le conseil d'État pour s'opposer à cet argument :
Le Code de la santé suffisant pour gérer une reprise épidémique ? "Tous les aspects de police sanitaire ne seraient pas possibles sur cette base", argue @mguevenoux.#DirectAN #Covid19 pic.twitter.com/SI4ZqavzH9
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En tout état de cause, les élus de la majorité ont appuyé la demande gouvernementale de pouvoir être le plus réactif possible en cas de reprise épidémique. "Même quand nous étions dans le consensus, nous avons mis six jours à voter la première loi d'urgence sanitaire", a rappelé Guillaume Vuilletet (LaREM) en référence à la loi d'urgence du 23 mars 2020.
Dernier volet polémique du projet de loi, la prolongation par décret de la conservation de "certaines données personnelles" collectées au sujet des malades et des cas contacts, prévue initialement pour 3 mois après la fin de l'état d'urgence par la loi du 11 mai 2020.
Cela concerne les données liées aux fichiers Sidep (malades) et Contact Covid (personnes contacts) mais pas les données recueillies par l'application Stop Covid.
Pour Patrick Hetzel (LR), qui s'appuie sur les déclarations de l'Ordre des médecins, le gouvernement rompt ses engagements pris auprès des personnels de santé, qui participent au recensement des malades :
Prolongation de la conservation de certaines données personnelles (malades, cas contacts) : "Les professionnels de santé avaient accepté de s'engager sous réserve que ces données soient détruites. Il y a une rupture de vos engagements !", tacle @patrickhetzel#DirectAN #COVID19 pic.twitter.com/GSuwk0lXa2
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De son côté, le ministre explique que ce prolongement est crucial pour éviter le "désarmement sanitaire" :
On ne peut pas dire aux épidémiologistes 'je suis désolé, on n'a plus les données, on a tout jeté ! Les parlementaires ne voulaient pas garder les données pseudonymisées non identifiantes pendant 4 mois' Olivier Véran, le 17 juin 2020
Le projet de loi a finalement été approuvé par les seuls groupes de la majorité (LaREM, MoDem et Agir).