Le projet de loi, qui a fait l'objet d'un accord entre députés et sénateurs, doit maintenant être adopté par le Sénat, la semaine prochaine, avant d'entrer en vigueur. Le texte ouvre notamment un droit à réparation pour une partie des harkis et de leurs familles.
L'Assemblée nationale a définitivement adopté, mercredi 9 février, le projet de loi portant "reconnaissance de la Nation et réparation des préjudices subis par les harkis, par les autres personnes rapatriées d’Algérie anciennement de statut civil de droit local et par leurs familles du fait des conditions de leur accueil sur le territoire français". Le texte, qui a été voté par 122 voix pour et 9 contre, ouvre un droit à réparation pour les harkis qui ont transité dans des camps et hameaux de forestage entre 1962 et 1975. Issu d'un accord entre députés et sénateurs, il doit définitivement être adopté par le Sénat le mardi 15 février 2022, ce qui ouvrira la voie à sa promulgation.
"Si ce projet de loi n'est certes qu'une étape, elle est historique", s'est réjoui la rapporteure Patricia Mirallès (La République en marche). L'élue a toutefois expliqué qu'il "ne pourra jamais à lui seul répondre et effacer la lourde empreinte de l'histoire sur les vies de nos concitoyens harkis".
Le texte vient inscrire dans la loi une promesse d'Emmanuel Macron, formulée en septembre 2021 : le chef de l'Etat a reconnu que les harkis avaient été "abandonnés" par la France à l'issue des accords d'Evian de mars 1962. Il leur a également demandé "pardon" et promis un projet de loi de "reconnaissance et de réparation". "Cette nouvelle étape est essentielle puisqu'elle ouvre le temps du pardon", a commenté mercredi Geneviève Darrieussecq, la ministre déléguée chargée de la Mémoire et des Anciens combattants.
L'article 1er du texte indique ainsi que "la Nation exprime sa reconnaissance envers les harkis, les moghaznis et les personnels des diverses formations supplétives et assimilés de statut civil de droit local qui ont servi la France en Algérie et qu’elle a abandonnés".
La Nation reconnaît, de plus, "sa responsabilité du fait de l’indignité des conditions d’accueil et de vie sur son territoire, à la suite des déclarations gouvernementales du 19 mars 1962 relatives à l’Algérie, des personnes rapatriées d’Algérie". Le projet de loi évoque aussi l'hébergement "dans des structures de toute nature où [les harkis] ont été soumis à des conditions de vie particulièrement précaires" et fait état de "privations" et à d'"atteintes aux libertés individuelles (...) source d’exclusion, de souffrances et de traumatismes durables".
Une "journée nationale d’hommage aux harkis, aux moghaznis et aux personnels des diverses formations supplétives et assimilés" sera organisée tous les ans, le 25 septembre. Elle sera l'occasion d'honorer, également, les "personnes qui leur ont porté secours et assistance".
Les harkis seront indemnisés pour le préjudice qu'ils ont subi. Le projet de loi prévoit une réparation financière pour les harkis, leurs conjoints et leurs enfants qui ont séjourné entre le 20 mars 1962 et le 31 décembre 1975 dans les camps et hameaux de forestage. Cette "somme forfaitaire" sera déterminée en fonction de la durée de séjour des personnes au sein de ces structures, selon un barème fixé par décret.
Le préjudice sera calculé "dès le premier jour". avait précisé en novembre Geneviève Darrieussecq. En dessous de 3 mois, "la somme proposée sera de 2000 euros". Au-delà de trois mois, il y aura une somme plancher de 3000 euros, qui sera augmentée de 1000 euros par année de présence dans les camps". "1.000 euros pour une année perdue, cela reste peu", a regretté mercredi Bertrand Pancher (Libertés et Territoires). François Ruffin (La France insoumise) a quant à lui évoqué un montant qui "relève de l'aumône".
Malgré ces critiques, seuls neuf députés ont voté contre le texte : trois députés non inscrits et six élus "Les Républicains". Parmi eux, Michèle Tabarot (LR) : "Les demandes fortes des harkis n'ont pas été prises en considération", a-t-elle regretté, estimant que la majorité ne s'intéresse à "la tragédie des harkis qu'à l'approche des élections".
Michèle Tabarot a aussi dénoncé l'"ampleur du décalage entre les promesses du chef de l'Etat et la réalité des actes qui excluent de fait des milliers de bénéficiaires potentiels". Selon les estimations de Geneviève Darrieussecq, partagées en première lecture, près de 50.000 harkis sur les 90.000 qui sont entrés en France devraient être concernés par la mesure de réparation. Mercredi, la ministre a précisé qu'elle devrait coûter à l’État environ 310 millions d'euros. Près de 50 millions d'euros ont été budgétés sur l'année 2022.
Par ailleurs, le projet de loi crée une nouvelle "commission nationale de reconnaissance et de réparation des préjudices subis par les harkis, les autres personnes rapatriées d’Algérie anciennement de statut civil de droit local et les membres de leurs familles". Elle sera chargée de statuer sur les demandes de réparation et devra proposer de nouveaux lieux de séjour ouvrant droit à réparation. La commission pourra également "signaler" à l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre "toute situation individuelle particulière, nécessitant un accompagnement social adapté".