Harkis : un projet de loi pour contribuer "à reconnaître les fautes de notre République"

Actualité
Image
Geneviève Darrieussecq, le 09/11/2021
par Maxence Kagni, le Lundi 8 novembre 2021 à 10:01, mis à jour le Mercredi 10 novembre 2021 à 07:52

L'Assemblée nationale a débuté, mardi 9 novembre, l'examen d'un projet de loi qui donne un "droit à réparation" aux harkis et à leurs familles. Ce texte avait été promis par Emmanuel Macron en septembre. Le montant du droit à réparation prévu est évalué à 302 millions d'euros, dont 44,5 millions d'euros pour l'année 2022.

La ministre déléguée chargée de la Mémoire et des Anciens combattants Geneviève Darrieussecq a été auditionnée, mardi 9 novembre, par la commission de la défense nationale et des forces armées de l'Assemblée nationale. Cette séance marque le début de l'examen du projet de loi "portant reconnaissance de la Nation et réparation des préjudices subis par les harkis". 

Ce texte "tire les conséquences" du discours d'Emmanuel Macron, prononcé le 20 septembre dernier : le chef de l'Etat avait, à cette occasion, demandé "pardon" aux harkis tout en reconnaissant qu'ils avaient été "abandonnés" par la "République française" à l'issue des accords d'Evian de mars 1962.

L'article 1er du texte exprime donc "la reconnaissance [de la Nation] aux harkis, moghaznis et personnels des diverses formations supplétives et assimilés de statut civil de droit local qui ont servi la France en Algérie et qu’elle a délaissés". "La déchirure vécue par les anciens supplétifs et leurs familles reste une blessure dans notre mémoire nationale", a souligné mardi Geneviève Darrieussecq ajoutant que "ce projet de loi rend un hommage mérité, celui de la Nation, à des soldats dévoués". "Aujourd'hui, nous contribuons à reconnaître les fautes de notre République", a déclaré la ministre.  

Un droit à réparation

Le texte proclame également que la Nation "reconnaît sa responsabilité du fait des conditions indignes de l’accueil sur son territoire [...] des personnes rapatriées d’Algérie".  "Plusieurs dizaines de milliers de harkis ont été tués [en Algérie] dans des conditions atroces après le 19 mars 1962 et entre 85.000 et 90.000 personnes, en comptant les femmes et les enfants, ont certes pu se réfugier en France, mais ils ont été parqués dans des conditions parfois indignes", a résumé le député "Les Républicains" Charles de la Verpillière.

"Bien souvent il y avait des barbelés, une privation de liberté" dans ces camps de transit, a rappelé Geneviève Darrieussecq. La ministre a aussi évoqué "un contrôle intrusif dans la vie des familles et des individus" mais aussi "l'absence d'accès aux services publics fondamentaux, aux services sanitaires, quelques fois aux médecins et à la scolarité". 

Cette mise au ban de la société a été, à juste titre, vécue comme une trahison. Geneviève Darrieussecq

L'article 2 du texte garantit un "droit à réparation par l’État" pour "les personnes rapatriées d’Algérie anciennement de statut civil de droit local ainsi que les membres de leurs familles" qui ont vécu dans des structures de transit entre le 19 mars 1962 et le 31 décembre 1975.  Les personnes concernées seront présumées avoir subi un dommage : "Les harkis n'auront pas à justifier de leur préjudice", a expliqué la rapporteure du texte Patricia Mirallès (La République en marche).

Une somme forfaitaire, dont le montant sera fixé par décret en fonction de la durée de séjour dans les structures, leur sera versée. Près de 50.000 demandes pourraient être déposées une fois le texte adopté. Selon un amendement du gouvernement au projet de loi de finances, le coût total de ce droit à réparation pour le Budget de l'Etat est évalué à 302 millions d'euros, dont 44,5 millions d'euros pour l'année 2022.

Devoir de mémoire

Le projet de loi crée également une "commission nationale de reconnaissance et de réparation des préjudices subis par les harkis". Elle aura pour mission de statuer sur les demandes de réparation. Elle devra également "contribuer au recueil et à la transmission de la mémoire de l’engagement au service de la Nation des harkis", mais aussi de leur accueil sur le territoire français.

Par ailleurs, le texte vise à faciliter l'octroi de l'allocation viagère au profit des conjoints et ex-conjoints survivants de harkis. Il étend par exemple le bénéfice de cette allocation aux conjoints et ex-conjoints vivant dans un autre pays de l'Union européenne, comme l'Allemagne par exemple. Geneviève Darrieussecq a par ailleurs évoqué sa volonté de "doubler les allocations de reconnaissance et allocations viagères".

"Trouver les bons mots"

"Nous passons des paroles aux actes", s'est réjoui le député "Agir ensemble" Thomas Gassilloud. Comme lui, l'ensemble des députés présents ont salué le projet de loi et se sont engagés à le voter. Malgré cette unanimité, plusieurs élus ont émis des réserves, à l'instar de Charles de la Verpillière (Les Républicains) : "Il faut trouver les bons mots, c'est une condition de la réparation." C'est pour cela que les députés "Les Républicains", "Socialistes", mais aussi la rapporteure Patricia Mirallès défendront mercredi des amendements visant, par exemple, à remplacer dans le texte le mot "délaissés" par celui d'"abandonnés".

Le député "La France insoumise" Alexis Corbière a, quant à lui, remis en cause la faiblesse des "sommes proposées" dans le cadre du droit à réparation : "Pour des gens qui auraient vécu plus de dix ans dans un camp de transit, à l'arrivée cela signifierait entre 12.000 et 13.000 euros", regrette l'élu. Geneviève Darrieussecq lui a répondu, rappelant que les sommes évoquées seront versées à chaque membre de la famille ayant vécu au sein d'un camp.

"Tous les harkis n'étaient pas nécessairement dans des zones de transit", a également affirmé Alexis Corbière, qui redoute que la loi ne "réouvre des tensions et des blessures". Le texte et ses amendements seront examinés mercredi 10 novembre en commission avant un examen dans l'Hémicycle prévu le 18 novembre.