Le gouvernement était bien fondé à recourir au 49.3 au cours de deux sessions parlementaires successives - extraordinaire et ordinaire - pour faire adopter la loi de programmation des finances publiques, a tranché le Conseil constitutionnel, dans une décision publiée jeudi 14 décembre. En revanche, les Sages ne disent pas si cela laisse la possibilité au gouvernement d'utiliser à nouveau le 49.3 d'ici fin juin sur un autre projet de loi, hors textes budgétaires.
C'était une décision attendue, qui répond à certaines interrogations - mais pas à toutes. Le Conseil constitutionnel a validé la stratégie automnale du gouvernement quant à l'utilisation de l'article 49.3, qui permet l'adoption d'un texte sans vote sauf dépôt d'une motion de censure, dans le cadre de l'examen de la loi de programmation des finances publiques 2023-2027 (LPFP). Pour rappel, depuis la révision constitutionnelle de 2008, le recours au 49.3, n'est permis que par un texte par session, hors textes budgétaires (projet de loi de finances, projet de loi de financement de la Sécurité sociale) pour lesquels cette utilisation est de droit.
En septembre dernier, l'exécutif avait convoqué l'Assemblée nationale en session extraordinaire, afin de recourir au 49.3 sur le projet de loi de programmation des finances publiques pour la période 2023-2027, en nouvelle lecture, puis une nouvelle fois en lecture définitive, en novembre. En déclenchant un premier 49.3 en période de session extraordinaire sur ce texte, le gouvernement considère que l'utiliser à nouveau - dans la continuité - en période de session ordinaire sur le même texte, lui laisse ensuite la possibilité de recourir au 49.3 sur un projet de loi différent d'ici à la fin du mois de juin. L'idée de l'exécutif et de la majorité présidentielle - avis juridiques à l'appui - étant que la session de référence est celle au cours de laquelle cette disposition est utilisée sur un texte pour la première fois. A l'époque, l'hypothèse d'un 49.3 sur le projet de loi immigration était notamment envisagée.
Espérant obtenir une réponse sur la possibilité pour le gouvernement d'utiliser le 49.3 sur un autre projet de loi après l'avoir utilisé sur un texte au cours de deux sessions différentes, le groupe Rassemblement national de l'Assemblée avait déposé un recours auprès du Conseil constitutionnel. Dans ce recours, les députés du groupe de Marine Le Pen contestaient la procédure utilisée pour la mise en œuvre du 49.3 sur la LPFP au cours de deux sessions successives. L'objectif étant, en creux, d'obtenir des Sages une jurisprudence précisant ce que dit la Constitution en matière d'utilisation du 49.3. Et éventuellement de priver le gouvernement de cette disposition pour un autre texte.
Sur le fond du recours, le Conseil constitutionnel valide le choix du gouvernement concernant la loi de programmation des finances publiques. La Première ministre "peut recourir à la procédure prévue par le troisième alinéa de l’article 49 de la Constitution pour des lectures successives d’un même projet ou proposition de loi au cours de sessions différentes", peut-on lire dans la décision du Conseil. Dans la foulée de la publication de cette décision, certaines interprétations ont considéré que celle-ci laissait le champ libre au gouvernement pour avoir recours au 49.3 sur un autre texte au cours de la session ordinaire qui se terminera fin juin.
Mais le Conseil constitutionnel n'a fait que répondre en droit et en dur au recours qui avait été déposé sur la LPFP. A ce stade, les Sages ne se sont pas prononcés sur l'éventuelle utilisation du 49.3 sur un autre projet de loi d'ici à la fin du mois de juin. Pour cela, il faudrait que le gouvernement fasse à nouveau usage de cette disposition hors textes budgétaires dans les prochains mois. Un groupe d'opposition ne manquerait alors pas de déposer un nouveau recours, ce qui amènerait le Conseil constitutionnel à trancher.
La question semble cependant moins d'actualité dans l'immédiat, l'Elysée ayant fait savoir ces derniers jours que l'objectif concernant le projet de loi sur l'immigration est d'obtenir un accord en commission mixte paritaire, afin de le soumettre au vote du Sénat et de l'Assemblée. Quitte à renoncer au texte en cas d'impasse.
Par ailleurs, le Rassemblement national contestait que l'annonce du dernier recours au 49.3 sur la loi de programmation des finances publiques ait été faite par le ministre délégué chargé des Relations avec le Parlement, Franck Riester, qui avait lu à la tribune une lettre de la Première ministre. Elisabeth Borne effectuant ce jour-là un déplacement en Irlande. Pour ce faire, les députés RN jugeait nécessaire la parution d'un décret "attribuant l'intérim" à Franck Riester. Le Conseil constitutionnel a écarté cette interprétation, jugeant qu'il n'y a "aucun obstacle" à ce que la Première ministre puisse charger un ministre de procéder, en son nom, à l'annonce de l'engagement de la responsabilité du gouvernement.