Les députés examinent en séance publique à partir de ce lundi le projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche 2021-2030, qui devrait déboucher sur un investissement de 25 milliards d’euros. Dans l’opposition, certains craignent une “précarisation” des chercheurs.
Après plus de deux ans d’attente, le débat sur projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche 2021-2030 (LPPR) commence ce lundi après-midi dans l’hémicycle. Depuis février 2019, l’inscription du texte à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale a été plusieurs fois repoussée. Un texte qui suscite des nombreuses critiques dans le monde de la recherche où beaucoup craignent l'avènement d’une recherche "sélective" et "compétitive".
La ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, se montre néanmoins confiante. "Je ne pense pas que l'ensemble du monde de la recherche conteste la loi", déclarait Frédérique Vidal, aux Échos début septembre. Son projet de loi, assure-t-elle, est historique. Avec une vision sur dix ans, il engage 25 milliards d’euros pour la recherche et crée une nouvelle voie de recrutement pour les directeurs de recherche et les professeurs des Universités. Le texte prévoit aussi que les moyens de l’Agence nationale de la recherche (ANR) seront augmentés d’un milliard d’euros.
Si le Projet de loi a été légèrement modifié en commission des affaires culturelles et de l'éducation par les députés la semaine dernière, sa philosophie reste inchangée. "La durée de la programmation budgétaire de la loi, 10 ans, est inhabituellement longue", déplorent les élus du groupe Écologie démocratie solidarité (EDS). Une critique également émise par les groupes Les Républicains, Socialistes et apparentés, Gauche démocrate et républicaine et La France insoumise.
La question des objectifs budgétaires, inscrite à l’article 1er du projet de loi, sera elle aussi centrale. Le gouvernement, dans la version initiale du texte, avait annoncé que les dépenses intérieures de recherche seraient portées à 3% du PIB en 2030. En commission, les députés ont obtenu qu’elles soient portées à "au moins 3%" pour combler "le retard" pris par la France.
L’article 2 du Projet de loi, qui porte sur les crédits de paiements des programmes budgétaires, fera aussi débat. Comment vont être répartis sur dix ans les 25 milliards promis par Frédérique Vidal ? Si le gouvernement propose une hausse croissante sur la période, des députés de l’opposition, comme ceux du groupe GDR, demandent à ce que l’effort porte principalement sur les premières années afin de "provoquer un choc d’investissement". De la même façon, les députés EDS ont déposé un amendement qui vise à raccourcir la durée de la programmation budgétaire (sept ans au lieu de dix), pour des montants totaux identiques à ceux prévus par le projet de loi.
Au-delà des questions budgétaires, plusieurs députés s’inquiètent de la création d’un nouveau contrat, le CDI de mission scientifique. Concrètement, comme cela est possible dans le secteur du bâtiment avec le CDI de chantier, le contrat s'achèvera à la fin du projet ou de l’opération. Une hérésie pour les groupes de gauche (GDR, LFI, SOC) et pour le groupe Libertés et territoires qui demandent purement et simplement la suppression de l’article 6. Les élus de ces groupes dénoncent une précarisation des scientifiques.
En commission, les députés ont cependant obtenu qu’avant de rompre un contrat, chaque employeur devra justifier que la mission est bien terminée. Ils ne pourront pas non plus réembaucher un nouveau doctorant pour une mission similaire ou identique. Malgré ces deux précisions, venues d’un amendement de la rapporteure LaREM du texte, Valérie Gomez-Bassac, cette mesure reste critiquée. Les socialistes craignent notamment que les chercheurs "se retrouvent dans une situation de précarité à vie" et demandent à ce que ce contrat ne puisse durer plus de six ans.
La loi de programmation pluriannuelle de la recherche met en place un nouveau mode de recrutement les directeurs de recherche et les professeurs des universités, connu sous le nom de "tenure track", qui est traduit dans le Projet de loi par "parcours de titularisation". Concrètement, les "professeurs juniors" pourront signer des CDD de trois à six ans. Les recrutements seront ouverts chaque année et pour chaque corps dans la limite de 20 % des recrutements autorisés dans le corps concerné, précise le texte.
En commission, les députés ont obtenu qu’un rapport soit transmis au Parlement quatre ans après l’entrée en vigueur de la loi. Au terme de leurs contrats, les jeunes scientifiques verront leur valeur scientifique évaluée par une commission qui sera composée au moins pour moitié de chercheurs. Ce n’est qu’après l’avis de cette commission qu’un scientifique pourra être titularisé, ou non, par le président ou directeur général de l’établissement qui l’a accueilli.