La proposition de résolution des députés communistes "condamnant l’institutionnalisation par l’Etat d’Israël d’un régime d’apartheid" a été rejetée, jeudi 4 mai, par l'Assemblée nationale. Accusés d'antisémitisme par certains députés d'autres groupes, les élus GDR et LFI ont défendu leur droit de "porter un regard critique sur la dérive illibérale et coloniale" de l’Etat israélien.
71 voix "pour", 199 "contre". L'Assemblée nationale a largement rejeté, jeudi 4 mai, la proposition de résolution défendue par les députés communistes "réaffirmant la nécessité d’une solution à deux Etats et condamnant l’institutionnalisation par l’Etat d’Israël d’un régime d’apartheid consécutif à sa politique coloniale".
Le texte présenté par le groupe "Gauche démocrate et républicaine" dans le cadre de sa journée d'initiative parlementaire, a été combattu par les groupes de la coalition présidentielle, ainsi que les groupes "Rassemblement national", "Les Républicains" et "Socialistes". Il visait selon ses auteurs à critiquer la "politique de colonisation" mise en place par l’Etat d'Israël tout en dénonçant l'"institutionnalisation" d'"un régime d’oppression et de discrimination systématique appliqué à l’ensemble de la population palestinienne".
A la tribune de l'Assemblée, le rapporteur du texte, Jean-Paul Lecoq (GDR), a demandé à ses collègues de "porter un regard critique sur la dérive illibérale et coloniale de cet Etat, pour trouver le chemin de la paix". Affirmant son "attachement profond à l'existence de l’Etat d'Israël", l'élu communiste a dénoncé l'arrivée au pouvoir d'une "coalition gouvernementale composée de partis nationalistes suprémacistes et religieux ultraorthodoxes".
Jean-Paul Lecoq a par ailleurs ajouté que l’Etat d'Israël, qui a "ratifié dès 1951 la 4e Convention de Genève", "viole" ses engagements internationaux : "[L']article 49 [de cette Convention] interdit l'implantation de populations nouvelles dans un territoire conquis à la suite d'un conflit." "Les Palestiniens sont les principales victimes de cette longue dérive", a considéré Jean-Paul Lecoq, qui estime également que "les trois critères posés par le droit international pour qualifier le régime d’apartheid sont réunis".
Selon lui, le texte visait donc à réaffirmer "le ferme soutien à la solution du conflit israélo-palestinien fondé sur la coexistence de deux Etats sur la base des frontières de 1967 avec Jérusalem pour capitale des deux entités". La résolution proposait également au gouvernement français de "reconnaître l’Etat de Palestine" mais aussi de déposer devant le Conseil de sécurité de l'ONU une résolution "appelant à imposer à l'Etat d'Israël un embargo strict sur l'armement".
Les élus communistes ont reçu le soutien des députés du groupe "Écologiste", ainsi que des élus du groupe "La France insoumise", Aymeric Caron (LFI) évoquant le sort du "peuple [palestinien] colonisé, harcelé, humilié".
"Voici donc la priorité politique du Parti communiste français : contester le droit à l'existence et à la sécurité de l’Etat d'Israël", a commenté la présidente du groupe "Renaissance" de l'Assemblée, Aurore Bergé. La députée a fustigé l'"obsession" et la "détestation de l’Etat d'Israël" induite, selon elle, par le texte. "Comment pouvez-vous soutenir un texte qui tombe si ouvertement dans l'antisionisme ?", a encore demandé Aurore Bergé.
La proposition de résolution des députés communistes a également été critiquée par Hélène Laporte (Rassemblement national), qui a estimé que celle-ci "blanchit ceux qui appellent à l'anéantissement [d'Israël] et même à la mort des juifs". Son collègue Julien Odoul (RN) a, quant à lui, fustigé un texte aux "relents antisémites".
Tout juste réélu député de la 8e circonscription des Français de l'étranger (qui comprend les Français établis en Israël), Meyer Habib (apparenté Les Républicains) a dénoncé "la haine des juifs [qui] a mué en haine d'Israël". Le député a vivement critiqué l'utilisation par les communistes du mot "apartheid", la qualifiant de "mensonge ignoble" et de "plus grande fake news du XXIe siècle". Citant notamment l'affaire Sarah Halimi, Meyer Habib a ajouté que "l'esprit de cette [proposition de] résolution tue en France". "Votre haine vous aveugle", a déclaré le député, qui a également accusé "la gauche d'avoir troqué le bleu ouvrier contre le vert islamiste".
Les députés GDR et LFI qui ont soutenu la proposition de résolution ont nié tout antisémitisme : "L'antisémitisme, nous le vomissons, nous le haïssons !", a notamment lancé Aymeric Caron, qui a dénoncé une "instrumentalisation à des fins politiciennes". "C'est une insulte profonde à notre passé comme à notre présent", a déclaré la communiste Elsa Faucillon.
"Toute critique de la politique d'Israël ne peut être frappée, de fait, du sceau de l'antisémitisme", a estimé Benjamin Saint-Huile (Liberté, Indépendants, Outre-mer et Territoires). L'élu a toutefois mis en cause l'utilisation du mot d'"apartheid" qui, s'il n'est "pas tabou", risque de "disqualifier la diplomatie française" à "l'échelle internationale". Tout en condamnant "fermement" la "politique coloniale soutenue par le gouvernement d'Israël", Frédéric Zgainski (Démocrate) a, lui aussi, estimé que "la qualification d'apartheid sur l'ensemble de la population ne semble pas convenir".
Le groupe "Socialistes" n'a pas non plus voté en faveur de la proposition de résolution communiste. "Vous posez mal le débat et, pire, je pense que vous desservez la cause que vous prétendez défendre", a jugé Jérôme Guedj. Selon lui, l'usage du mot apartheid revient à "racialiser" et "essentialiser" le conflit entre Palestiniens et Israéliens en le "transformant en un conflit entre les juifs et les arabes, voire entre les juifs et les musulmans".
Le gouvernement, qui s'est exprimé par la voix de la secrétaire d’Etat chargée de l'Europe, Laurence Boone, a émis un avis défavorable à la proposition communiste et rappelé la position de la France : "Nous soutenons la solution à deux Etats qui est la seule solution qui permette aux peuples israéliens et palestiniens de vivre en paix."
"La France est l'amie d'Israël, la France est indéfectiblement attachée à la sécurité d'Israël", a expliqué la secrétaire d’Etat, qui considère l'utilisation du terme d'apartheid "largement déplacée". Laurence Boone a également cité à la tribune le président de la République, Emmanuel Macron, qui a par le passé déclaré qu'"il y a trop souvent chez certains, derrière des affirmations antisionistes, un discours hostile au peuple juif qui rappelle une période sombre de notre histoire".