Les députés ont voté en faveur d'une simplification de la procédure de changement de nom en adoptant une proposition du groupe La République en marche. Le texte, qui autorise un majeur à choisir son nom parmi ceux de ses deux parents, a été adopté en première lecture par 49 voix contre 5. Il doit maintenant être examiné par le Sénat.
"Cette proposition de loi fait œuvre utile ; mieux, elle fait œuvre juste." Tel a été le jugement porté par le garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti, sur la proposition de loi portée par le groupe LaREM "relative au choix du nom issu de la filiation". Le texte, adopté par 49 voix contre 5, introduit une procédure simplifiée de changement de nom, sous conditions : il autorise la substitution ou l'adjonction du nom du parent qui n'a pas été transmis, à compter du 1er juillet 2022. Cette demande pourra être effectuée devant un officier de l’état civil, et plus auprès de la Chancellerie.
L'actuelle procédure de changement de nom "est complexe, chère et extrêmement limitative", a rappelé le rapporteur, Patrick Vignal (LaREM), à l'initiative de la proposition de loi. Selon le collectif Porte mon nom, le procédé peut peut durer 6 ans et peut coûter 5 000 euros, en prenant en compte les frais d'avocat. Le changement de nom sera toutefois limité à une seule occurence au cours de la vie.
La réforme est avant tout attendue par les victimes de violences, d'abandon ou d'inceste, qui voient leur traumatisme ravivé au quotidien par le fait de porter le nom de la personne qui a commis les sévices. "J'ai reçu une quantité invraisemblable de lettres", a expliqué le ministre de la Justice, citant certains témoignages. Comme celui de cette septuagénaire, qui "porte son nom comme on porte une croix", ayant été violée par son père.
Plusieurs élus Les Républicains se sont opposés à la réforme, la jugeant moins anodine que présentée par la majorité présidentielle. ses effets trop imprévisibles, d'autant plus en l'absence d'une étude d'impact et d'un avis du Conseil d'État. À plusieurs reprises, Xavier Breton a appelé à la raison, critiquant une loi d'émotion et faisant part de son "inquiétude" quant aux témoignages cités par le ministre. "Notre devoir c'est de ne pas en parler", a-t-il tancé. "Ici, on objective les choses. Le droit ne fait pas d'émotion, il fait les choses." Le risque de déstabiliser une cellule familiale déjà fragilisée dans le droit et le débat public a également été cité dans les discussions, qui ont pris un tour politique.
Réagissant aux arguments portés par les élus LR, la député Agir ensemble Aina Kuric a partagé son expérience personnelle. Victime d'un père incestueux, elle a entamé une procédure de changement de nom afin de conserver celui de sa mère, à l'issue de démarches judiciaires. "J'ai raconté mon histoire à un officier de police judiciaire, au médecin légal, au juge [...]. Et ensuite pour la énième fois, il faut raconter son histoire et écrire ce que l'on a vécu pour justifier d'un motif légal", a-t-elle déploré. "On ne change pas de nom pour s'amuser", a conclu Aina Kuric, appelant à faire confiance aux Français.
La proposition de loi clarifie par ailleurs l'utilisation du "nom d'usage", qui peut servir au travail, dans la vie quotidienne, auprès de l'administration. Là encore, pourra être substitué ou accolé le nom du parent qui n'a pas été transmis à la naissance. L'enjeu de cet article est surtout de faciliter la vie des mères divorcées ou qui élèvent seules leur enfant, et qui se retrouvent confrontées au quotidien à des difficultés administratives.
Cette disposition pourra être appliquée aux mineurs, avec leur consentement au-delà de 13 ans. Un amendement porté par la majorité permettra à une mère divorcée d'adjoindre son nom à celui du père, en l'informant au préalable. Charge à ce dernier de saisir la justice en cas de désaccord.
Là encore, la droite de l'Hémicycle s'est montrée très critique. Un tel changement ne peut se faire en catimini, a tempêté Marc Le Fur, qui a plaidé pour que ce changement se fasse obligatoirement devant un officier d'état-civil. Dans la continuité, plusieurs élus LR — ainsi qu'Emmanuelle Ménard (non-inscrite) — ont tour à tour demandé que cette adjonction soit définitive, ou qu'elle s'applique à l'ensemble d'une fratrie. Sans qu'aucun amendement ne soit adopté.