Industrie verte : le projet de loi examiné en commission spéciale à l'Assemblée

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Site sur lequel l'entreprise Verkor va construire sa "gigafactory" de batteries électriques pour constructeurs automobiles, près de Dunkerque. Le projet est présenté par le gouvernement comme emblématique de la réindustrialisation décarbonée de la France.© Verkor
par Léonard DERMARKARIAN, le Lundi 3 juillet 2023 à 09:45, mis à jour le Vendredi 7 juillet 2023 à 16:19

Après son adoption en première lecture par le Sénat, le projet de loi relatif "à l'industrie verte" est examiné à partir de cette semaine à l'Assemblée nationale. Présenté par le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, et par le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, le texte vise à "faciliter, favoriser et financer" le développement d'une industrie décarbonée en France.

"Faire de la France la championne de l'industrie verte en Europe" : telle est l'ambition affichée par l'exposé des motifs du projet de loi relatif "à l'industrie verte", actuellement examiné par le Parlement. Après son adoption en première lecture par le Sénat au mois de juin, le texte est examiné à partir de cette semaine à l'Assemblée nationale. D'abord par une commission spéciale composée à cet effet, à partir de mardi 4 juillet au soir, puis la semaine prochaine dans l'hémicycle du Palais-Bourbon. 

Depuis la pandémie de Covid, les évolutions géopolitiques mondiales et la déstabilisation des chaînes de production poussent de nombreux Etats à accroître leur souveraineté industrielle et réduire leur dépendance à certains produits notamment importés de Chine. États-Unis et Union européenne ont ainsi récemment adopté un ensemble de mesures destinées à favoriser leur relance industrielle. C'est dans ce cadre que s'inscrit ce projet de loi porté par le ministre de l'Economie et des Finances, Bruno Le Maire, et par le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, Christophe Béchu. 

Alors que 2,5 millions d'emplois industriels ont été détruits en 50 ans et la part de l'industrie divisée par deux dans le PIB annuel de la France, le projet de loi prévoit une simplification des mesures administratives, un recours accru aux friches industrielles, ainsi que des financements publics et privés, afin de favoriser une "réindustrialisation décarbonée" visant à créer 40 000 emplois industriels directs, tout en réduisant l'empreinte carbone française de près de 40 millions de tonnes de CO2 - l'équivalent de la ville de Lyon - d'ici à 2030.

"Accélérer les implantations industrielles et réhabiliter les friches"

Sans espace foncier disponible, pas de nouvelles usines. Or, ceux-ci peuvent être difficilement mobilisables, pour des raisons environnementales ou administratives. C'est pourquoi, afin d'"accélérer les implantations industrielles", le texte comporte de nombreuses mesures en la matière, notamment en établissant une planification et des "objectifs de développement industriel" à travers le schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet), devant être révisé par les collectivités territoriales d'ici 42 mois (article 1).

Le texte prévoit des mesures pour mieux exploiter les friches industrielles et commerciales. Celles-ci, au nombre de 2 400 en France selon un rapport parlementaire de 2021, sont envisagées comme un outil précieux pour relancer des activités industrielles, tout en limitant l'empreinte des activités humaines sur les milieux naturels, alors que ceux-ci doivent être parallèlement préservés et protégés face au réchauffement et au dérèglement climatiques. Selon le rapporteur sénatorial Laurent Somon (Les Républicains), la revalorisation des friches occupera une part similaire à l'artificialisation des sols envisagée dans l'effort de réindustrialisation dans la prochaine décennie.

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Extrait du rapport d'information sénatorial présenté par Laurent Somon (LR), rapporteur du projet de loi "Industrie verte", adopté le 14 juin 2023.
Extrait du rapport d'information sénatorial présenté par Laurent Somon (LR), rapporteur du projet de loi "Industrie verte", adopté le 14 juin 2023.

C'est pourquoi, à l'image des mesures précédentes prises pour favoriser le déploiement de l'éolien sur terre ou en mer et relancer l'industrie nucléaire, les procédures administratives seront simplifiées et révisées pour "diviser par deux les délais de délivrance des autorisations, de 17 mois aujourd'hui à neuf mois demain", notamment en simplifiant l'octroi d'autorisations environnementales ou en fusionnant les procédures pour plusieurs projets situés sur un même territoire (article 3). Alors que la France en est relativement dépourvue actuellement, la simplification permettra d'offrir, espère le gouvernement, près de 50 sites industriels "prêts à l'emploi" d'ici à 2027, en investissant parallèlement un milliard d'euros grâce à la Banque des territoires.

Le texte prévoit également diverses mesures pour contribuer au développement d'une industrie décarbonée en France : renforcement souhaité de l'économie circulaire (article 4) ; création d'un "plan d'épargne avenir climat" pour les particuliers proposant une rémunération supérieure à celle du livret A, placement préféré des Français (article 16).

Le Sénat défend un renforcement du rôle des élus locaux

Entre préservation du vivant et activités de production, la question du l'utilisation du foncier a suscité un bras de fer interministériel, tant sur ce projet de loi que sur l'objectif "zéro artificialisation nette" (ZAN) des sols, entre le ministère de l’Économie et celui de la Transition écologique. Les "projets d'intérêt national majeur pour la souveraineté nationale ou la transition écologique", à l'image de la "giga-usine" de batteries électroniques près de Dunkerque annoncée par Verkor, seront finalement exclus des calculs d'artificialisation des sols. 

Un texte "incomplet, mais important"

Au terme de son examen en première lecture par le Sénat, le projet de loi - amendé - a été largement adopté, par 251 voix pour, 80 abstentions et 12 contre. Les Républicains et et l'Union centriste ont voté en faveur du texte, tandis que les sénateurs socialistes et communistes se sont abstenus, et que les écologistes ont voté contre.

A l'issue du vote, le rapporteur du texte au Sénat, Laurent Somon (Les Républicains), a salué au terme du vote un texte "incomplet, mais important". Du côté des associations environnementales, plusieurs critiques ont été émises depuis le début de l'examen parlementaire : la Fondation nationale pour la Nature et l'Homme (FNH) a ainsi regretté un texte qui "n'intègre pas les limites planétaires" et craint une relance d'activités industrielles ne prenant pas en compte les impératifs de protection de la biodiversité et de la ressource en eau.

A l'Assemblée nationale, la commission spéciale composée de députés issus des commissions permanentes et des différents groupes politiques du Palais-Bourbon examinera le projet de loi à partir du mardi 4 juillet à 21h30. Le texte sera ensuite débattu dans l'hémicycle à partir du lundi 17 juillet.