Immigration : début de l'examen du projet de loi au Sénat, la bataille de l'article 3 se prépare à l'Assemblée

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par Maxence Kagni, le Lundi 6 novembre 2023 à 17:55, mis à jour le Mardi 28 novembre 2023 à 09:52

Lors d'une conférence de presse transpartisane, lundi 6 novembre, des députés et sénateurs de gauche, ainsi que deux députées apparentées Renaissance, ont notamment plaidé pour le maintien de l'article 3 du projet de loi sur l'immigration, qui prévoit la régularisation à titre expérimental des travailleurs sans papiers dans les secteurs en tension. Le texte est examiné depuis ce lundi après-midi au Sénat et sera débattu à l'Assemblée nationale en décembre. 

Boris Vallaud l'a martelé : "La force de l'intégration par le travail nous paraît évidemment indiscutable." Le président du groupe Socialistes de l'Assemblée nationale s'exprimait ce lundi 6 novembre à l'occasion d'une conférence de presse organisée en fin de matinée au Sénat par plusieurs députés et sénateurs de gauche, ainsi que deux députées de la majorité. Avec ses collègues Julien Bayou (Ecologiste), Stella Dupont (apparentée Renaissance) et Ingrid Dordain (apparentée Renaissance), ils ont apporté leur contribution au bras de fer parlementaire qui a commencé autour de l'article 3 du projet de loi "pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration", dont l'examen a débuté lundi après-midi au Palais du Luxembourg. L'examen du texte à l'Assemblée nationale devrait ensuite avoir lieu dès la semaine du 27 novembre en commission, puis à partir du 11 décembre dans l'hémicycle du Palais-Bourbon. 

Bras de fer sur l'article 3

Les parlementaires ont présenté le socle commun de mesures qu'ils souhaitent défendre ensemble par le biais, notamment, d'amendements communs :

  • Le maintien de l'article 3 du texte, qui crée à titre expérimental un titre de séjour "travail des métiers en tension" qui sera demandé par le salarié. 
  • Le maintien de l'article 4, qui permet l'accès au marché du travail pour les demandeurs d'asile "dont il est fortement probable, au regard de leur nationalité, qu'ils obtiendront une protection internationale en France",
  • Une hausse "conséquente" des moyens des préfectures pour instruire les demandes de titres de séjour. 

"Notre démarche, originellement, était bien de s'assurer que ce socle minimal demeurera jusqu'au terme des discussions sur cette loi, mais la vérité c'est que nous n'en sommes pas sûrs", a expliqué Boris Vallaud. L'élu socialiste a notamment évoqué l'article 3 du texte, dont "la survivance dépend des ministres, dépend des jours, dépend des discussions avec la droite". Une inquiétude qui rejoint celle de Stella Dupont (apparentée Renaissance), qui s'inquiète de ce que le président des sénateurs Les Républicains, Bruno Retailleau, "propose de supprimer l'article 3".

Selon Boris Vallaud, le gouvernement n'a, pour l'instant, "vraisemblablement pas de majorité" : "Il est prêt à des concessions sur les principes qui nous fondent, comme République et comme Etat de droit." "Je pense que la majorité [à l'Assemblée] est attachée à l'équilibre de ce texte et s'il devait être dépouillé, on a la possibilité à l'Assemblée nationale de le retravailler, de reprendre un certain nombre des articles qui auraient été réécrits ou supprimés", a ajouté Stella Dupont. 

Aide médicale d'Etat ou Aide médicale d'urgence ?  

A ces trois sujets, s'ajoute la  défense de l'aide médicale d'Etat (AME). En mars, la droite sénatoriale, majoritaire, a profité du passage du texte en commission pour transformer l'AME en une aide médicale d'urgence (AMU) "centrée sur la prise en charge des situations les plus graves et sous réserve du paiement d’un droit de timbre". Une mesure soutenue "à titre personnel" par, le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, dans une interview donnée au Parisien, mais pas par la Première ministre Élisabeth Borne, qui a affirmé lundi matin sur France inter qu'elle n'était "pas favorable" à un tel changement.

Cette conférence de presse avait donc pour but de réitérer les propositions faites dans la tribune transpartisane publiée le 12 septembre 2023 dans Libération. Dans ce texte, 35 parlementaires avaient demandé "des mesures urgentes, humanistes et concrètes pour la régularisation des sans papiers". La tribune avait notamment été signée par 6 députés Renaissance et apparentés et 6 députés Modem.

Parmi eux, figurait notamment le président de la commission des lois Sacha Houlié (Renaissance), absent ce lundi lors de la conférence de presse, ce qu'une source interne au groupe Renaissance à l'Assemblée n'a pas manqué de faire remarquer dans la journée, soulignant que les deux députées présentes n'étaient qu'apparentées au groupe. "Je tiens à excuser Sacha Houlié, ainsi que Maud Gatel (Démocrate), et différents membres du MoDem et du groupe Renaissance qui n'ont pu être avec nous ce lundi matin, c'est vrai que ce n'est pas un jour habituel de présence à Paris pour nombre d'entre-nous", a expliqué Stella Dupont. L'entourage de Sacha Houlié fait valoir à LCP que le député Renaissance "soutient toujours l'initiative de la tribune" mais laisse pour l'instant le Sénat "faire son travail". 

Questionnée sur le nombre de députés de "l'aile gauche" de la majorité prêts à soutenir le projet de loi immigration, Stella Dupont n'a pas souhaité répondre : "La question de mon point de vue ne se pose pas en ces termes, elle est prématurée", a éludé l'élue. Avant d'ajouter : "Je ne suis pas inquiète, si on a des partenariats à gauche, on peut avancer à l'Assemblée nationale". 

Et déjà, l'hypothèse du 49.3

Ces parlementaires, parmi lesquels figuraient ce lundi le sénateur communiste Ian Brossat, espèrent peser dans le débat parlementaire : "Nous avons fait cette tribune pour essayer de placer le débat là où nous pensions qu'il devait être placé", a expliqué le sénateur écologiste Guy Benarroche. Au Sénat comme à l'Assemblée nationale, compte tenu des rapports de force politiques, les marges manœuvre semblent cependant réduites. "C'est vrai que spontanément, comme ça, je ne suis pas totalement sûre que le texte final nous convienne quand on a vu ce qu'en a fait la commission des lois du Sénat", a reconnu, sans pour autant renoncer à rien, la sénatrice socialiste Marie-Pierre de La Gontrie.

Alors que les débats s'annoncent âpres au Sénat, où l'examen du texte vient de commencer, et que le gouvernement devra trouver des voix au-delà de sa majorité pour faire adopter le projet de loi à l'Assemblée nationale, le recours au 49.3 n'est pas à exclure. Avec le risque d'une motion de censure qui, dans ce cas, pourrait être déposée par Les Républicains