Alors que le gouvernement Barnier prévoit des hausses d'impôts temporaires et ciblées, dans le cadre du projet de loi de finances 2025, Gérald Darmanin (Ensemble pour la République) a déclaré, ce jeudi 3 octobre, qu'il refusera de voter un budget comportant une augmentation de la fiscalité. Une volonté de ne pas remettre la politique fiscale et économique menée depuis 2017 globalement partagée, avec des nuances, au sein du groupe présidé par Gabriel Attal.
65 000 foyers fiscaux pourraient être davantage taxés au portefeuille dès janvier prochain. Ce jeudi 3 octobre sur le plateau de France 2, le ministre du Budget et des Comptes publics, Laurent Saint-Martin, a précisé les plans du gouvernement en matière de hausses d'impôts.
Il a ainsi évoqué "des contributions ciblées, temporaires, exceptionnelles, d’abord sur les grandes entreprises, mais aussi sur les ménages qui peuvent participer", avant de dresser le portrait-robot des particuliers concernés. "Pour quelques ménages, on parle de 0,3 %, un ménage sans enfant qui touche des revenus d’à peu près 500 000 euros par an, (...) nous pouvons demander légitimement aux contribuables les plus fortunés de ce pays de participer".
Mais quelques minutes plus tard, l'un des prédécesseurs de Laurent Saint-Martin au Budget, désormais député du parti présidentiel, Gérald Darmanin, lance un pavé dans la mare. Invité de FranceInfo, il prévient qu'en l'état actuel des choses, il ne votera pas le projet de loi de finances pour 2025 qu'il qualifie d'"inacceptable". Une déclaration qui dit beaucoup de la situation politique inédite, Gérald Darmanin s'opposant ainsi à des mesures portées par Laurent Saint-Martin, lui-même ancien député (2017-2022) de la majorité présidentielle d'Emmanuel Macron et comme lui membre de Renaissance.
"Les Républicains [la famille politique d'origine de Gérald Darmanin, ndlr.], ça ne peut pas être le parti qui augmente les impôts", a poursuivi l'ex-ministre de l'Intérieur redevenu député du Nord, s'inscrivant en faux contre "la trajectoire budgétaire" formulée par Michel Barnier. Et d'insister : "Je ne voterai pas les augmentations d'impôts, c'est une mauvaise direction (...) On aurait un retour en arrière vers François Hollande".
"Le débat parlementaire devra permettre de refuser un choc fiscal de l’ampleur de celui imposé aux Français et à leurs entreprises par François Hollande en 2012", a renchéri sur X Mathieu Lefèvre (EPR), réagissant aux propos tenus par son collègue Gérald Darmanin, dont la ligne s'avère loin d'être isolée dans les rangs du groupe présidé par Gabriel Attal.
"Une hausse d'impôts ? J'en pense le plus grand mal", avait déjà déclaré l'ancien rapporteur général du budget, Jean-René Cazeneuve (EPR) sur le plateau de LCP mardi, évoquant notamment le risque d'"effrayer les investisseurs" et érigeant comme "priorité" le fait de "baisser les dépenses".
Même du côté de l'aile gauche du groupe, plus échaudée par les sorties sur l'immigration de l'actuel ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau, les déclarations de son prédécesseur place Beauvau sur la fiscalité ne choquent pas. Ainsi, Ludovic Mendes qui a refusé de donner un chèque en blanc au nouveau Premier ministre, a relayé sur X les propos tenus par Gérald Darmanin ce jeudi.
"On a besoin d'un choc de consommation, pas d'un choc fiscal", estime auprès de LCP le député de la Moselle, pour qui il faut prioritairement "investir dans l'économie réelle, faire en sorte que le travail paye mieux. Quand on parle des impôts tout le monde a peur. Toutes les entreprises bloquent leurs investissements. On n'investit pas, on ne recrute pas", met-il aussi en garde, comparant à son tour les mesures annoncées à "du Hollande 2012".
"Pourquoi on ne s'attaque pas plutôt aux niches fiscales et sociales ?", suggère Ludovic Mendes, qui n'est pas opposé à "une limitation" du crédit impôt recherche, ou à une augmentation de la taxe sur les transactions financières, évoquant des mesures de "justice fiscale", mais "sans impact sur l'économie réelle". Et d'indiquer qu'il ne s'opposerait pas forcément à une mesure de taxation des ménages les plus riches, mais qu'il ne l'estime pas prioritaire au regard d'autres mesures que son groupe souhaite porter, et dont il espère que le gouvernement saura y accorder une oreille attentive.
Une position plutôt en ligne avec celle portée par le président du groupe Ensemble pour la République, Gabriel Attal ayant déclaré le 1er octobre, en réponse à la déclaration de politique générale du Premier ministre : "La stratégie doit être la suivante : créer de la richesse par le travail, réduire nos dépenses, lutter contre la fraude, ajuster la fiscalité, et dans cet ordre-là".
Guillaume Gouffier-Valente (EPR) va, pour sa part, un peu plus loin dans le soutien aux premières orientations formulées par Bercy : "Le ratio deux tiers de baisses de dépenses, un tiers de hausses d’impôts sur les particuliers les plus fortunés et les entreprises solides me convient". Sans désavouer Gérald Darmanin, le député du Val-de-Marne ajoute appeler de ses vœux "un cocktail de mesures pour envoyer un message de redressement mais aussi de justice fiscale, il ne faut pas s’enfermer dans un discours ‘non à toute hausse d’impôt'", confie-t-il a LCP.
Finalement, si des voix ouvertement opposées à la ligne de Gérald Darmanin se font entendre, c'est surtout du côté de ceux qui ne siègent plus parmi les députés du parti présidentiel, à l'instar de Stella Dupont. L'élue du Maine-et-Loire, qui se situe au "centre gauche", a annoncé mercredi 2 octobre sa décision de quitter le groupe Ensemble pour la République, auquel elle était jusque-là apparentée. Elle déplore notamment le fait que "ce groupe maintient une position consistant à refuser toute augmentation des impôts pour les plus aisés", ce qu'elle estime être "en décalage avec la demande de justice fiscale exprimée par de nombreux Français".