Auditionnés par la commission d'enquête sur les groupuscules violents lors de manifestations au printemps dernier, les représentants des principaux syndicats ont notamment souligné à plusieurs reprises que le maintien de l'ordre relevait des pouvoirs publics et en aucun cas de leurs organisations, qui assurent simplement la sécurité au sein de leurs cortèges.
Les syndicats ne veulent pas être tenus responsables des violences qui se sont déroulées en marge des manifestations contre la réforme des retraites. La commission d'enquête sur les "groupuscules auteurs de violences" a auditionné, jeudi 7 septembre, les leaders des centrales syndicales : Marylise Léon (CFDT), Sophie Binet (CGT), Frédéric Souillot (FO), Jean-Philippe Tanghe (CFE-CGC) et Cyril Chabanier (CFTC) ont répondu pendant deux heures aux questions de la commission présidée par Patrick Hetzel (Les Républicains) et dont Florent Boudié (Renaissance) est le rapporteur.
La commission d'enquête a pour but d'étudier "la structuration, le financement, les moyens et les modalités d'action des groupuscules auteurs de violences à l'occasion des manifestations et rassemblements intervenus entre le 16 mars et le 3 mai 2023". Après un focus particulier, la veille, sur les événements de Sainte-Soline, les échanges de jeudi se sont plutôt concentrés sur les manifestations contre la réforme des retraites, parfois émaillées de débordements violents.
"Le maintien de l'ordre public, ce n'est pas de la responsabilité des organisations syndicales", a d'emblée déclaré Frédéric Souillot (Force ouvrière). Le secrétaire général de FO a tenu, comme ses collègues, à rappeler que les syndicats ont pour seule responsabilité d'assurer la sécurité à l'intérieur de leurs cortèges mais pas de gérer les débordements violents de groupes radicaux. "Nous ne sommes absolument pas concernés par les groupuscules et la responsabilité incombe d'abord aux pouvoirs publics de les gérer et de sécuriser la voie publique", a ajouté Sophie Binet.
C'est d'abord une question qui concerne les forces de l'ordre. Marylise Léon (CFDT)
Les représentants syndicaux ont tous rappelé la nécessité de défendre le droit de grève et le droit de manifester, en appuyant sur leur dimension constitutionnelle. Revenant sur l'épisode des retraites, Sophie Binet a rappelé que les organisations syndicales avaient mis en garde contre les risques de violences après "l'utilisation du 49.3 face à une telle mobilisation sociale". "La colère qui s'est exprimée dans la rue ne peut être dissociée du passage en force qui a été choisi par le gouvernement contre le Parlement", a déclaré la secrétaire générale de la CGT, qui a aussi dénoncé l'action des Brav-M, une "hausse répressive", "l'interdiction de nombreux rassemblements" ou encore "une attaque contre le syndicalisme".
Offensive, la secrétaire générale de la CGT a semblé ne pas apprécier d'être auditionnée en personne alors que "la rentrée est chargée avec de nombreuses négociations", mais aussi avec "de nombreuses luttes sur le terrain sur la question des salaires". Sophie Binet a posé la question de l'audition des organisations syndicales par une commission d'enquête d'enquête sur les "groupuscules" : "L'ensemble des organisations syndicales, toutes ensembles, comptent plus d'adhérents que l'ensemble des organisations politiques."
"Notre commission d'enquête n'est que le prolongement d'un vote effectué comme il se doit au sein de la représentation nationale", lui a répondu Patrick Hetzel (LR). Le rapporteur de la commission d'enquête Florent Boudié (Renaissance) a de son côté ajouté avoir retiré les termes "organisation des manifestations" de l'intitulé de la commission d'enquête pour éviter toute "confusion" entre groupuscules violents et syndicats.
"Le 49.3 n'explique pas les black blocs, le 49.3 n'explique pas des personnes qui sont venues pour en découdre", a également rétorqué Florent Boudié, qui a posé la question d'organisations syndicales "dépassées, débordées par cette violence".
Une interpellation qui a fait tiquer la secrétaire générale de la CFDT, Marylise Léon : "Je renverrai la question à "Est-ce que les forces de l'ordre sont dépassées ?", car je rappelle que notre périmètre d'action c'est l'organisation de la sécurité des cortèges."
La secrétaire générale de la CFDT a également estimé que la violence constatée après l'usage du 49.3 avait une origine "multifactorielle", pointant notamment le Président et le gouvernement, qui n'ont pas, selon elle, répondu à la "main tendue" par les syndicats. "Une médiation [avait] même été proposée", a rappelé Marylise Léon, qui a toutefois souligné le fait que son organisation n'avait "aucune relation" avec les individus issus de groupuscules violents.
A la fin de l'audition, le député Rassemblement national Julien Odoul s'est dit "effaré d'entendre une sorte de passivité, d'attentisme, voire d'aveuglement par rapport aux violences qui émaillent, pourrissent [les] manifestations" : "Vous êtes concernés, vous avez une responsabilité majeure, écrasante", a déclaré l'élu RN. Le président confédéral de la CFTC, Cyril Chabanier, lui a répondu en indiquant que "la plupart des dégradations et de la casse se passent un kilomètre, 800 mètres, avant [les cortèges syndicaux]". Avant d'énoncer, une fois encore, ce qui aura été le message principal adressé par les syndicats aux députés : "La sécurité publique, ce n'est pas notre responsabilité."