Finances publiques : Les ultimes recettes de Bruno Le Maire pour éviter un dérapage du déficit public

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Thomas Cazenave et Bruno Le Maire 2 LCP 09/09/2024
Les ministres démissionnaires Thomas Cazenave et Bruno Le Maire devant la commission des finances de l'Assemblée, le 9 septembre 2024 (© LCP)
par Raphaël MarchalSoizic BONVARLET, le Lundi 9 septembre 2024 à 22:23

Lors de ce qui devrait être sa dernière audition devant la commission des finances de l'Assemblée nationale, après 7 années passées à Bercy, le ministre de l’Économie et des Finances du gouvernement sortant, Bruno Le Maire, a jugé que la France était en mesure de tenir ses objectifs en matière de réduction du déficit public, malgré les risques de dérapages.

C'est une page qui se tourne. Après plus de 7 années passées à Bercy, le ministre démissionnaire de l’Économie et des Finances, Bruno Le Maire, s'est présenté ce lundi 9 septembre à l'Assemblée nationale pour sa "dernière commission des finances", alors que la composition du gouvernement de Michel Barnier est attendue dans les jours à venir.

Nommé la semaine dernière, le Premier ministre aura fort à faire en matière de finances publiques a, en substance, prévenu le futur ex-ministre venu défendre son bilan, mais aussi  livrer sa conviction aux députés et distiller quelques conseils à la future équipe gouvernementale. Le rétablissement des finances publiques "est le défi le plus urgent, le défi le plus difficile, le défi le plus politique", a martelé Bruno Le Maire, alors que le risque d'un nouveau dérapage du déficit public cette année n'est pas exclu.

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Dans une note du Trésor dévoilée il y a quelques jours, Bercy faisait en effet état d'un possible dérapage du déficit à 5,6 % du PIB en 2024, tandis que les prévisions gouvernementales tablaient jusque-là sur un déficit à 5,1 %. La faute à des recettes fiscales moins importantes que ce qui était attendu, ainsi qu'à des dépenses "exceptionnelles et inattendues" venant des collectivités territoriales. "Il ne s'agit pas de dire que les élus locaux sont de mauvais gestionnaires, mais de constater que la contribution attendue des collectivités à l'effort de redressement des finances publiques n'est pas intégrée", a commenté le ministre délégué démissionnaire chargé des Comptes publics, Thomas Cazenave, qui était lui aussi auditionné ce lundi.

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Reconnaissant le risque de dérapage, Bruno Le Maire a toutefois jugé que la France était en mesure de tenir la trajectoire budgétaire qui était prévue avec pour objectif de repasser sous la barre des 3 % de déficit en 2027. Pour revenir dans les clous fixés par l'Union européenne, le ministre démissionnaire a préconisé de "tenir" l'objectif de 5,1 % de déficit pour 2024 en prenant des "décisions" fortes et en faisant des "choix politiques".

Rappelant que le choix ne lui appartenait désormais plus, Bruno Le Maire a conseillé d'annuler une partie des 16,7 milliards d'euros de crédits gelés par le gouvernement, de réunir rapidement le Haut Conseil des finances publiques locales, et de "mettre en place rapidement la loi de finances rectificative" qu'il avait proposée sans succès au printemps, afin de dégager des recettes supplémentaires, notamment via une taxation des rachats d'action et sur les énergéticiens.

"Nous sommes dans les délais"

Cette audition de Bruno Le Maire et de Thomas Cazenave a lancé le marathon budgétaire qui va, comme chaque automne, occuper une bonne partie de l'ordre du jour du Parlement avec le projet de loi de finances 2025 (PLF) dont l'élaboration et la discussion s'annoncent encore plus difficiles que ces dernières années pour l'exécutif en raison de l'absence de majorité claire à l'Assemblée nationale. Le calendrier de transmission des premiers documents budgétaires a déjà été retardé, ce que n'ont pas manqué de souligner le président de la commission des finances, Eric Coquerel (LFI), comme le rapporteur général du budget, Charles de Courson (LIOT).

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"Nous avons fait tout le nécessaire pour que les délais puissent être tenus", s'est défendu Bruno Le Maire, indiquant avoir travaillé d'arrache-pied pour que le projet de loi puisse être déposé à l'Assemblée nationale au plus tard au 1er octobre, comme le prévoit la loi. Là encore, la décision reviendra au nouveau gouvernement, a-t-il cependant tempéré, alors que Michel Barnier et son équipe vont rapidement devoir effectuer leurs propres arbitrages pour élaborer et finaliser le PLF qui sera présenté au Parlement.   

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Alors que le ministre démissionnaire prône de nouvelles économies, une ébauche des futurs débats budgétaires a eu lieu à l'occasion de l'audition de Bruno Le Maire et de Thomas Cazenave. Graphique à l'appui, Eric Coquerel a fustigé les "cadeaux fiscaux" faits aux plus riches, affirmant que la part du patrimoine des 500 plus grosses fortunes a doublé entre 2017 et 2023, et ce sans un retour équivalent selon son analyse en matière d'emploi et d'investissement. "Je considère qu'il faut d'abord produire la richesse avant de la redistribuer", a rétorqué Bruno Le Maire.

Début du marathon budgétaire

Tour à tour, les députés de différents groupes ont égrené certaines des mesures qu'ils mettront sur la table lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2025 : surtaxe de l'impôt sur les sociétés pour Philippe Brun (Socialistes), hausse du budget dédié à l'écologie pour Eva Sas (Ecologiste et social), ou encore débat sur la réforme de la fiscalité pour Jean-Paul Matteï (Les Démocrates).

Pour son ultime audition, Bruno Le Maire a également dû faire face aux critiques parfois acerbes d'élus remontés contre son bilan. Jean-Philippe Tanguy (Rassemblement national) a ainsi fustigé "l'autosatisfaction" des démissionnaires face à un "désastre budgétaire". "Je suis toujours surpris de cette manie des nationalistes de taper sur la Nation", a répondu le ministre sortant. Qui, par la suite, a été qualifié de "voleur" par Aurélien Le Coq (LFI). "Si j'étais resté dans mes fonctions, je vous [...] aurais poursuivi en diffamation", a répliqué Bruno Le Maire. Une ultime passe d'armes en commission des finances pour celui qui est encore locataire de Bercy pour quelques jours, tandis que la bataille budgétaire, elle, ne fait que commencer.