Mission périlleuse pour le nouveau gouvernement de Michel Barnier : le dérapage des finances publiques risque de valoir à la France de nouvelles remontrances de la Commission européenne, qui a placé le pays sous procédure pour déficit public excessif. Paris devra présenter une nouvelle trajectoire budgétaire, pour convaincre ses partenaires européens et rassurer les marchés financiers.
Après l'euphorie des Jeux, Paris risque de vivre un automne tourmenté. Bruxelles surveille déjà de près la situation des finances publiques. Depuis le 26 juillet, La France est sous le coup d'une procédure de déficit public excessif, avec six autres pays, la Belgique, la Hongrie, la Pologne, la Slovaquie, Malte et la Roumanie.
L’an dernier, le déficit public de la France a atteint 5,5 % du PIB, dépassant largement la limite des 3 %, fixée par le Pacte de stabilité et de croissance, ce qui a valu à Paris cet avertissement. Dans la trajectoire pluriannuelle des finances publiques qu’il a transmis à Bruxelles au printemps dernier, le ministre démissionnaire des Finances Bruno Le Maire a promis un effort de 25 milliards d’euros d’économies dès 2024.
À ce jour, seuls 10 milliards d’euros de crédits ont été gelés, avant la dissolution de l’Assemblée nationale le 9 juin. Et le déficit français pourrait atteindre 5,6 % cette année, selon une note de la Direction générale du Trésor, que les rapporteurs généraux et les présidents de la commission des Finances de l’Assemblée et du Sénat ont pu consulter.
Cette nouvelle détérioration des comptes met la France, deuxième économie de la zone euro, dans une position inconfortable.
Paris doit envoyer à Bruxelles, le 20 septembre au plus tard, son programme de stabilité, qui précise les mesures budgétaires et fiscales envisagées, sur plusieurs années, en vue de revenir dans les clous européens. Le plan français sera étudié à la loupe par la Commission européenne, qui adressera, en novembre, ses recommandations. Fin décembre, les propositions de Bruxelles seront soumises au Conseil de l’Union européenne, qui regroupe les ministres des Finances européens, selon le calendrier du « semestre européen », qui assure une surveillance globale de la situation économique des 27 États-membres.
En cas de non-respect des règles, Bruxelles peut prononcer contre un État-membre des sanctions financières pouvant atteindre 0,1 % du PIB, ce qui représenterait près de 2,5 milliards d’euros dans le cas de la France. La France a déjà fait l'objet d'une procédure de déficit excessif pendant près de dix ans, entre 2009 et 2018. Mais à ce jour, aucune sanction n’a jamais été prononcée contre un pays de l’Union européenne. Bruxelles a par ailleurs légèrement assoupli les règles budgétaires en vigueur : la France a désormais jusqu’à 7 ans pour ramener son déficit en dessous de 3% du PIB, et sa dette sous les 60%, seuils fixés par le Pacte de stabilité.
Mais dans la situation de crise politique actuelle, les objectifs européens pourraient vite devenir insoutenables.
D’autant que la France est dans une situation dangereuse aussi pour sa dette, qui a atteint 110,7% du PIB à la fin du premier trimestre, contre 109,9% EN 2023 selon les chiffres de l'Insee. Les marchés scrutent eux aussi avec attention les finances françaises. En juin dernier, l’agence de notation américaine Standard & Poor’s a abaissé sa notation sur la capacité du pays à rembourser sa dette, de AA à AA −. Cette décision a eu peu d’effets, Paris conservant une crédibilité économique qui lui permet de continuer à se financer dans de bonnes conditions. Mais pour combien de temps ?
Par Kathia Gilder.