Le gouvernement a présenté à l'Assemblée nationale ses grandes orientations pour les finances publiques d'ici à 2027, réaffirmant sa volonté de ramener le déficit sous la barre des 3% d'ici à la fin du quinquennat.
"Nous ne voulons pas d'austérité (...) Nous voulons simplement dépenser moins que nous ne produisons de richesses" a martelé Bruno Le Maire, mercredi 10 mai, à la tribune de l'Assemblée nationale, lors du débat d’orientation et de programmation des finances publiques, réaffirmant sa volonté de mener une politique volontariste en faveur de la croissance. "Augmenter le volume du PIB (...) cela suppose d'augmenter le volume du travail, d'où la réforme des retraites et la réforme de l'assurance-chômage", a aussi déclaré le ministre de l’Économie et des Finances, profitant de l'occasion pour prononcer un réquisitoire contre les propositons alternatives au report de l'âge légal de départ à la retraite à 64 ans faites par les opposants à la réforme.
"Je voudrais profiter de cette présentation pour m'adresser à tous ceux qui soutiennent ici une proposition de loi, le 8 juin prochain, visant à revenir à 62 ans, voire pour certains à 60 ans", a d'abord indiqué le ministre en référence au texte qui sera discuté dans le cadre de la journée d'initiative parlementaire réservée au groupe "Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires" (Liot). "J'ai une seule question à leur poser", a poursuivi Bruno Le Maire, "quelles sont vos solutions pour sauver le régime de retraites par répartition ?" Et de répondre à la place des oppositions : "Soit vous assumez le déficit, soit vous assumez l'appauvrissement des Français", le ministre ayant estimé que la fiscalité française pesant sur les plus riches était déjà la plus forte d'Europe, et jugé que "cela [n'était] pas une voie praticable pour financer le régime de retraites par répartition".
"En 2018, notre majorité a rétabli les comptes publics" avait souhaité rappeler un peu plus tôt Bruno Le Maire "Nous sommes revenus sous les 3% de déficit public, qui devrait être, je le rappelle, la normale partout en Europe". Évoquant les "trois crises successives" liées au gilets jaunes, au Covid et à l'inflation, il a fait valoir que "le choix de protéger nos compatriotes comme nos entreprises" avait eu un coût, celui d'une dette publique ayant progressé de 16 points de 2019 à 2021, passant de 97% à 113% du PIB.
"Nous sortons de cette succession de crises", s'est aussi réjoui l'actuel locataire de Bercy, évoquant un "moment de vérité". "Nous voulons rétablir fermement nos finances publiques d'ici 2027", a-t-il affirmé, s'inscrivant en faux par rapport à "l'inclination française vers toujours plus de dépenses publiques".
toujours plus de dette publique, et puis à un moment donné l'obligation d'augmenter les impôts qui nourrit la révolte fiscale, qui elle-même nourrit la révolte politique, c'est exactement cet engrenage-là que nous voulons éviter. Bruno Le Maire, ministre de l'Economie et des Finances
"Dans notre histoire, les moments d'instabilité politique, ont toujours été précédés de grandes difficultés financières", a souligné le ministre, avant de pousser l'analyse et d'assumer une politique d'"ordre" budgétaire : "Toujours plus de dépenses publiques, toujours plus de dette publique, et puis à un moment donné l'obligation d'augmenter les impôts qui nourrit la révolte fiscale, qui elle-même nourrit la révolte politique, c'est exactement cet engrenage-là que nous voulons éviter".
Citant comme moyens de "refroidir" la dépense publique la fin des dispositifs exceptionnels d'aide, boucliers ou chèques, d'ici à la fin 2024, ainsi que la lutte contre les fraudes fiscale et sociale, il a également indiqué que les dépenses de l’ Etat et des collectivités locales augmenteraient "moins vite que l'inflation".
Concluant sur le triptyque "produire mieux, investir plus, dépenser moins" que l'exécutif compte déployer, Bruno Le Maire a évoqué "le triste souvenir de 1981", "quand on avait les nationalisations, la retraite à 60 ans, quand on avait dépensé toujours plus, et qu'il avait fallu en 1983 lancer le tournant de la rigueur parce que le Parti socialiste et le pouvoir en place n'avaient pas été responsables".
Le ministre délégué aux Comptes publics, Gabriel Attal, a pour sa part réitéré l'ambition du gouvernement de ramener le taux de déficit sous la barre des 3% à l'horizon 2027, admettant que cela demandait "des efforts". Récusant cependant le terme d'austérité, il a évoqué "une trajectoire de responsabilité pour les prochaines années".
"Revoilà donc l'épouvantail de la dette", s'est exclamé Eric Coquerel (La France insoumise) en préambule de son intervention, avant de citer le président du Haut Conseil des finances publiques, Pierre Moscovici, qui avait mis en garde la veille contre "les baisses d'impôt non financées". Une manière pour le président de la commission des finances de renvoyer la responsabilité de la dette au gouvernement, en raison de sa politique d'allègement d'impôts des ménages et des entreprises. Philippe Brun (Socialistes) est allé dans le même sens, critiquant "un quinquennat du désarmement fiscal avec 50 milliards d'euros par an de baisses d'impôt, baisses d'impôts non financées qui ont augmenté d'autant notre dette".
"Je continue à dire que la dette écologique est bien plus grave pour les générations à venir que la dette financière aujourd'hui" a, en outre, considéré Eric Coquerel arguant de la nécessité de moyens financiers, via une "grande réforme fiscale" pour réaliser la bifurcation écologique.
Le dérèglement climatique est une circonstance exceptionnelle qui suppose des dépenses exceptionnelles. Eva Sas (Ecologiste)
De même, Eva Sas (Ecologiste) a invité le gouvernement à "sortir de cette obsession du PIB", avant de définir le dérèglement climatique comme "une circonstance exceptionnelle qui suppose des dépenses exceptionnelles (...) circonstance bien plus exceptionnelle que celle du Covid, puisque l'enjeu c'est le maintien de conditions vivables pour l'espèce humaine sur terre".
Gabriel Attal a répondu aux députés de la Nupes en estimant qu'il ne fallait pas "opposer les 3 degrés et les 3%", et en indiquant que la méthode du gouvernement consistait à dégager "des marges de manœuvre" pour investir dans la transition écologique.
Charles de Courson (Liot) a, pour sa part, estimé que les prévisions de croissance du gouvernement étaient "trop optimistes", avant de considérer que plutôt qu'une baisse de la pression fiscale, l'exécutif avait depuis 2017 mené une politique de "cadeaux", "plutôt réservés aux grandes entreprises et aux ménages les plus aisés", tandis que Véronique Louwagie (Les Républicains) a regretté "une situation de nos finances publiques plus critique que jamais" et vu dans la dégradation de la note par Fitch de la dette souveraine de la France "un véritable coup de semonce".
Au passage, le ministre de l'Economie n'a pas échappé à une référence à l'extrait de son dernier ouvrage romanesque, Fugue américaine, qui a déjà fait beaucoup parler. "Monsieur Le Maire est sûrement un fin écrivain, mais un ministre médiocre. C'est à croire qu'il accorde plus d'importance aux courbes des fesses de ces dames qu'aux courbes des prix", a osé le député de La France insoumise David Guiraud.