L'Assemblée nationale a adopté, ce jeudi 6 juin, l'article 5 du projet de loi relatif à "l'accompagnement des malades et de la fin de vie", qui définit et instaure "l'aide à mourir". Les députés ont, en revanche, retiré la possibilité pour un proche du malade d'administrer la substance létale, qui était prévue par le projet du gouvernement.
L'Assemblée nationale a adopté, ce jeudi 6 juin, l'article 5 du projet de loi relatif à "l'accompagnement des malades et de la fin de vie" (88 "pour", 50 "contre"). Cet article, au cœur du texte, instaure une "aide à mourir" et en définit les grands principes. Selon le projet de loi, "l’aide à mourir consiste à autoriser et à accompagner une personne qui en a exprimé la demande à recourir à une substance létale".
L'article 5 évoque, en outre, les grandes étapes de "l'aide à mourir", qui seront précisées dans les articles ultérieurs. Il indique ainsi que c'est la personne malade qui s'administre elle-même la substance létale sauf "lorsqu'elle n'est pas en mesure physiquement d'y procéder". Dans ce cas, le texte voté en commission prévoyait que le malade "se la fasse administrer par un médecin, un infirmier ou une personne majeure qu’elle désigne et qui se manifeste pour le faire".
Jeudi matin, c'est cette possibilité d'administration de la substance létale par "une personne majeure" - proche ou membre de la famille - que les députés ont supprimé, lors du vote, à une voix près, de plusieurs amendements identiques dont l'un était porté par Christelle Petex (Les Républicains). A ce stade du processus législatif, la possibilité pour les proches du malade de participer activement à l'aide à mourir, qui figurait dans le projet du gouvernement, a donc été rejetée par l'Assemblée nationale. "Sur les 50 heures d'auditions que nous avons eues, absolument aucun des acteurs, si ce n'est l'ADMD, ne s'est dit favorable à l'administration [de la substance létale] par un proche", a notamment expliqué Laurence Cristol (Renaissance).
Les débats, à la fois intenses et relativement apaisés, ont laissé entrevoir des lignes de fractures aussi bien au sein de la gauche, qu'au sein de la majorité présidentielle. Ainsi, Danielle Simonnet (La France insoumise), favorable à la participation active des proches dans le processus, a demandé à ses collègues "Qui sommes-nous pour juger et interdire ?", tandis que le député communiste Pierre Dharréville (Gauche démocrate et républicaine) lui a renvoyé la question : "On peut aussi se demander 'qui sommes-nous pour autoriser ?'".
Les opposants à la possibilité pour les proches d'administrer la substance létale redoutent les conséquences d'un tel acte : "Les dégâts psychiatriques et psychologiques peuvent être dramatiques", a notamment affirmé Jocelyn Dessigny (Rassemblement national). D'autres, comme Laurent Panifous (LIOT), estiment qu'une personne pourra très difficilement refuser de donner la mort à un parent qui le lui demande : "Quelle est la liberté d'une personne quand son proche lui demande de faire ce geste ?", a déclaré le député. "Que le proche, par amour, accepte de faire cet acte ou qu'il s'y refuse, dans les deux cas ce sera extrêmement lourd à porter", a ajouté Annie Genevard (Les Républicains).
A contrario, David Valence (Renaissance) a défendu la possibilité pour les proches d'administrer la substance létale : l'élu y voit une "innovation qui rassure les soignants", qui peuvent y voir une "garantie de la liberté de conscience", mais aussi une assurance pour les malades qui "auront toujours une solution" s'ils n'arrivent pas à trouver un soignant acceptant de leur injecter la substance. Stéphane Delautrette (Socialistes) jugeant par ailleurs, en substance, que la participation à l'aide à mourir pourrait même permettre à certains aidants familiaux de mieux faire leur deuil.
Le gouvernement n'était pas favorable à la suppression de la possibilité pour les proches d'administrer la substance létale. "L'important, c'est que le texte devienne effectif et que la personne qui a demandé à bénéficier [de l'aide à mourir] puisse en bénéficier", a expliqué la ministre de la Santé, Catherine Vautrin. La rapporteure de cette partie du texte, Laurence Maillart-Méhaignerie (Renaissance), s'est elle aussi prononcé contre cette suppression, considérant que cette possibilité favoriserait, pour les malades qui le souhaitent, les conditions d'une mort à leur domicile. Au cours des débats, le rapporteur général Olivier Falorni (Démocrate) a quant à lui estimé que la possibilité initialement inscrite dans le texte devait être vue comme un "acte final" pouvant être fait "par amour, par compassion".
Signe de l'absence de consensus sur la question, l'amendement a été adopté à une voix près (43 pour, 42 contre). Avec des votes divisés au sein de plusieurs groupes : c'est le cas des groupes Renaissance (14 "pour" l'amendement revenant sur cette possibilité, 18 "contre"), Démocrate (3 pour, 5 contre) et Horizons (1 contre, 2 abstentions), mais aussi du groupe Rassemblement national (8 pour, 8 abstentions) et du groupe Socialistes (2 pour, 4 contre). Les autres groupes ont voté unanimement pour la suppression de la disposition (Les Républicains, Gauche démocrate et républicaine, LIOT) ou unanimement contre (La France insoumise, Ecologiste).
Ce vote n'est pas définitif : le sujet sera de nouveau débattu par les députés lorsqu'ils examineront les articles qui définissent précisément la procédure de l'aide à mourir. En outre, le parcours législatif du projet de loi sur la fin de vie ne fait que commencer puisqu'il fera l'objet d'au moins deux lectures à l'Assemblée nationale et de deux lectures au Sénat, celle qui est en cours n'étant que la première.