Face aux députés, Didier Raoult livre sa vision de la gestion de l'épidémie de coronavirus

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Didier Raoult, le 24 juin 2020. AFP - Thomas COEX / AFP
Didier Raoult, le 24 juin 2020. AFP - Thomas COEX / AFP
par Maxence KagniJason Wiels, Aurelien Meslet, le Mercredi 24 juin 2020 à 16:35, mis à jour le Mercredi 1 juillet 2020 à 13:57

Auditionné mercredi par la commission d'enquête de l'Assemblée nationale, le chercheur dresse un bilan sévère de la réponse épidémiologique française, dénonce les conflits d'intérêts entre monde médical et pharmaceutique et critique le résultat des études contraires sur l'hydroxychloroquine, dont il continue de défendre les vertus contre le Covid-19.

C'est l'une des révélations médiatiques de la crise du Covid-19. Le professeur Didier Raoult, directeur de l'Institut hospitalo-universitaire en maladies infectieuses de Marseille, à la carrière d'infectiologue et de microbiologiste reconnue, s'est illustré en étant l'un des premiers à proposer un traitement selon lui efficace contre le Covid-19. 

Alors que la controverse scientifique continue, ce fervent défenseur de l'hydroxychloroquine a répondu aux questions de la commission d'enquête parlementaire sur l'épidémie. Que faut-il retenir de son audition ?

La France "avait les moyens" de tester massivement

"Je ne suis pas d'accord que l'on ne pouvait pas faire les tests, on pouvait les faire", cingle d'emblée Didier Raoult. Alors que nos voisins et notamment l'Allemagne ont mené des politiques de dépistage beaucoup plus massive que la France, le chercheur explique être "le premier" à expliquer directement à Emmanuel Macron que la mise en place de tests PCR (par voie nasale) "était très simple" et que "tout le monde pouvait la faire" :

Lui-même assure avoir fait "tourner la machine" jusqu'à faire préparer "450 000" kits pour dépister les malades.

Comment expliquer ce retard français ? Didier Raoult a la dent dure contre le système des centres nationaux de référence, qui ne permettrait pas d'avoir une réponse moderne aux crises épidémiques, tant en termes moyens que de méthode :

De manière plus large, le scientifique juge que la France n'est pas armée pour se mettre en ordre de bataille contre les pandémies. Il formule à ce titre une proposition : multiplier le nombre d'IHU dans tout le pays.

Le conseil scientifique critiqué

Bien qu'il n'en ait pas formellement démissionné, Didier Raoult a en pratique très rapidement cessé de venir aux réunions du conseil scientifique où il avait été nommé par Olivier Véran aux côtés d'autres blouses blanches. 

Jean-François Delfraissy, le président de cette instance créée de toute pièce début mars pour "éclairer la décision politique", a d'ailleurs regretté ce retrait devant la commission d'enquête.

"Les discussions de ce conseil scientifique ne me concernaient pas", explique dans un premier temps Didier Raoult, qui n'avait de toute façon "pas le temps" pour y siéger. Il souligne ensuite qu'on n'y parlait pas assez de science, avec des essais cliniques décidés en dehors de l'instance. Enfin, il considère que les meilleurs spécialistes du coronavirus n'y étaient pas représentés.

Un traitement sous influence industrielle ?

Autre sujet sensible : la manière dont les essais thérapeutiques ont été conduits. L'ont-ils été en toute liberté, uniquement guidés par l'intérêt des malades ? Ou des enjeux financiers et industriels ont-ils influencé les décisions en haut lieu ? 

Pour le directeur de l'IHU de Marseille, la réponse est très claire : le laboratoire américain Gilead, promoteur de la molécule remdésivir contre le Covid-19, a clairement poussé ses intérêts commerciaux au détriment de l'hydroxychloroquine, tombé de longue date dans le domaine public. 

Le scientifique affirme même avoir été menacé personnellement par un confrère lié à Gilead. Il a porté plainte. 

"Je ne vous dis pas que les gens ont été achetés", modère-t-il cependant. Il décrit plutôt tout un "écosystème" médicalo-industriel, qui amène "à une vision de nature à changer le jugement des choses".

Ce "système" s'est-il retrouvé tout en haut de la décision publique ? La députée Martine Wonner (EDS) l'interroge justement sur le rôle de Yazdan Yazdanpanah, chef du service des maladies infectieuses de l'hôpital Bichat, et promoteur du remdesivir :

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"Quand j'ai commencé à discuter avec le ministère, on m'a tout de suite dit celui qui va gérer les essais, c'est Yazdan Yazdanpanah. Et dès le début, il ne m'a parlé que du remdesivir", confirme Didier Raoult sans toutefois en tirer de conclusions.

Il dit plus généralement douter de la "qualité de l'environnement", comprendre les personnes, gravitant autour du ministre "pour les choix des médicaments et des thérapies".  Sans donner précisément de noms, il estime que des "conflits d'intérêts extrêmement sérieux" minent aussi la Haute autorité de Santé, l'autorité indépendante qui régule le monde médical français. 

Raoult à Macron, un lien régulier

S'il se montre très sévère envers les éminences grises de l'exécutif, le professeur marseillais se montre moins dur à l'égard des décideurs eux-mêmes, au premier rang desquels Emmanuel Macron et Olivier Véran. Il assure avoir communiqué régulièrement avec eux : "À chaque fois que nous avons trouvé quelque chose, nous en avons toujours parlé avec le ministre avant d'en parler publiquement", détaille-t-il.

Il dévoile aussi une partie de ses conversations avec le président de la République, comme l'idée qu'il lui partage de remettre au goût du jour la médaille des épidémies pour le personne médical :

Un vaccin pas pour demain ?

Au moment où la recherche mondiale est en quête d'un vaccin contre le coronavirus, Didier Raoult explique que ce processus s'avère "complexe bien qu'[il] n'en connaisse pas l'issue". Il prend ainsi l'exemple d'un vaccin récent, celui contrel a dengue, qui a eu des effets contre-productifs :

Reprise épidémique "possible" après l'été

Questionné sur la possibilité d'une "deuxième vague" en France, Didier Raoult se montre aussi très prudent. Selon lui, des pays comme la Nouvelle-Zélande, actuellement en hiver, seront un bon indicateur d'une possible réactivation du virus lors du retour de période froide en Europe :

L'hydroxychloroquine sera "dans les livres de référence"

"Pourquoi n'avez-vous pas fait des essais cliniques dignes de ce nom dès le départ ?" La question de Philippe Berta, élu MoDem et généticien, a piqué au vif Didier Raoult. Pour lui, aucun doute, sa solution thérapeutique s'imposera à terme et l'histoire lui donnera raison : 

Il en profite au passage pour éreinter à nouveau l'étude publiée dans The Lancet le 22 mai, et retirée depuis. "Des Pieds nickelés de la recherche", expédie-t-il. Cette étude morte-née avait conduit à la suspension de l’usage de son traitement en France, ce que dénonce vivement le chercheur :

Sur l'essai ReCovery, une étude anglaise publiée début juin démontrant un effet nul du dérivé de la chloroquine sur les malades, il estime que la méthodologie pose un problème, avec une dose prescrite "quatre fois" trop élevée.

Le chercheur n'a toutefois pas mis en avant d'autres études que son propre protocole pour avancer les vertus de son traitement. Et pour cause : aucune autre étude n'est venue pour l'instant étayer ses hypothèses. 

Le bilan chinois salué

Sur les responsabilités de Pékin depuis le début de la crise, le professeur Raoult estime ne "pas voir de raisons de ne pas croire" les chiffres donnés par les autorités chinoises. "En tout, cela fait à peu près 6.000 morts tout ça, à la fin de l'année si quelqu'un arrive à voir la différence [dans ce pays] avec 6.000 morts il est fort", a déclaré l'infectiologue, qui estime même qu'il y a eu une "surréaction de la Chine".

Hubei, c'est la population de la France et le nombre de morts en Chine c'est le nombre de morts en Ile-de-France, c'est ça la réalité. Didier Raoult

"Le plus grand bénéficiaire de la crise au monde, c'est la Chine", estime le professeur, ajoutant que "l'on a tout acheté là-bas puisque nous on ne sait pas faire de la manufacture". Didier Raoult assure par ailleurs que la Chine "a beaucoup plus souvent appliqué des stratégies thérapeutiques avec laquelle [il était] d'accord".

Une occasion de pointer en creux le lourd bilan européen : "En Europe de l'Ouest les gens se sont crus plus malins, ils ont de mauvaises habitudes et c'est là que l'on est mort le plus."

>> Revoir l'intégralité de l'audition du professeur Didier Raoult

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