Selon l'ancien directeur général de la Santé William Dab, en fonction de 2003 à 2005, auditionné mardi à l'Assemblée nationale, la France doit s'attendre non pas à une "deuxième vague" de l'épidémie de coronavirus, mais plutôt à l'apparition de foyers localisés entraînant des confinements "ciblés".
"Des confinements ciblés, localisés, seront nécessaires." Mardi, William Dab, l'ancien directeur général de la Santé (2003-2005) a évoqué devant la commission d'enquête parlementaire de l'Assemblée sur l'épidémie de coronavirus "l'impossibilité" de confiner à nouveau l'ensemble du territoire français.
Selon cet épidémiologiste, il faut se préparer, en cas de résurgence de l'épidémie, à "organiser le mieux possible" des "confinements ciblés". Pour cela, il faudra "être absolument certain que l'on aura les capacités de tests y compris chez les personnes asymptomatiques", a expliqué William Dan.
"Il fau[dra] pouvoir accompagner le confinement dans toutes ses dimensions, comme la nutrition ou l'éducation des enfants, l'isolement", a-t-il continué.
La France doit, selon William Dab, se préparer à mener une véritable "guérilla" face à des dizaines de foyers épidémiques localisés. Il ne s'agira pas, estime-t-il, d'une "vague" mais de "points d'attaques pouvant survenir de façon hétérogène sur le territoire".
"L'épidémie est maîtrisable" à condition de "bien s'organiser", de "surveiller", de "diagnostiquer", d'"isoler dans des conditions correctes" mais aussi de "tracer", a-t-il estimé.
Lors de son audition, William Dab est revenu sur le caractère inévitable de la propagation de l'épidémie : "On ne peut pas éviter, dans le monde d'aujourd'hui, à un virus de sortir de Chine, même si l'épicentre est confiné", a assuré l'épidémiologiste
L'ancien directeur général de la Santé a, par ailleurs, pointé un certain attentisme français au début de l'épidémie : "Mon constat, c'est que l'OMS déclenche l'urgence de santé publique de santé internationale le 30 janvier et que jusqu'au 16 mars il ne s'est quand même pas passé grand chose dans notre pays."
L'épidémiologiste estime ainsi que la France "en a fait trop et pas assez". D'un côté, la France n'en a pas fait assez car "nous étions en déficit de capacité d'action sur le terrain". Mais de l'autre côté, l'épidémologiste sous-entend que la décision de confiner tout le pays a été excessive : "Si l'objectif du confinement était de soulager les tensions hospitalières, alors il était logique de le faire dans trois régions, mais pas dans les vingt-quatre autres."
"Dans ces situations incertaines, on n'est pas obligé de prendre des décisions générales et généralisées tout de suite", a précisé William Dab. Selon lui, "le confinement de trois régions s'imposait mi-mars sans aucun doute [mais] pour le reste on pouvait laisser l'activité économique se développer".
L'épidémiologiste estime également que "certaines régions [auraient pu] être déconfinées plus vite que d'autres".
Sur la question des masques, William Dab a pointé des fautes de communication : "Au lieu de dire 'nous n'avons pas la preuve de l'efficacité des masques', on a dit péremptoirement 'ils ne sont pas efficaces'."
"Nous avons été remarquables et excellents dans le domaine des soins", a-t-il en revanche estimé, saluant "l'ensemble de la communauté des soignants".
L'ancien directeur général de la Santé a également profité de son audition pour dénoncer "la faiblesse de la santé publique en France", mais aussi la "vision comptable des missions de l'Etat".
Citant plusieurs problématiques comme la chlordécone, le Mediator, l'incendie de Lubrizol, ou encore les bébés sans bras, William Dab a déploré la "grande faiblesse des forces de santé publique sur le terrain".
L'épidémiologiste estime que le système de santé français a tendance, après "une phase de forte inquiétude", à "passer à autre chose". Cette "difficulté à apprendre" est selon lui une des raisons de la situation actuelle.
On s'intéresse à la santé publique en temps de crise mais en temps de paix on l'oublie. William Dab
"Il ne faut pas changer sans arrêt" de doctrine, a ajouté William Dab, qui estime que "globalement quand on investit dans la prévention, on gagne".