La commission d'enquête sur la gestion de l'épidémie du Covid-19 a auditionné jeudi les membres du conseil scientifique. Confinement, masques, tests, connaissances sur le virus... Ils ont livré leurs ultimes préconisations.
Si tout va bien, le conseil scientifique vit ses derniers jours. Installé le 11 mars afin "d'éclairer la décision publique" dans la crise épidémique, il doit disparaître le 9 juillet. Avant de remettre la blouse, son président le médecin Jean-François Delfraissy ainsi que plusieurs autres membres du conseil scientifique étaient auditionnés jeudi par la commission d'enquête sur la gestion politique du Covid-19.
L'occasion pour ces scientifiques de livrer publiquement leurs derniers messages, alors qu'ils ont rendu sept avis en trois mois, notamment sur la tenue des élections municipales, l'école ou encore les quatre scénarios sur la suite de l'épidémie.
"Le confinement généralisé strict doit être mis en oeuvre le plus rapidement possible", écrivait ainsi le conseil scientifique le 16 mars, à la veille du confinement du pays. Était-ce la décision à prendre ? "Le confinement, à la date où la décision a été prise, on n'avait pas le choix", confirme l'épidémiologiste Arnaud Fontanet.
Vague de malades graves, expérience italienne... "Le confinement, à la date où la décision a été prise, on n'avait pas le choix", confirme Arnaud Fontanet.#DirectAN #COVID19 pic.twitter.com/STLNpqD85U
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Une décision inévitable mais difficile à assumer. Jean-François Delfraissy reconnaît avoir ensuite passé quelques nuits blanches :
Je n'ai pas dormi pendant trois, quatre nuits à la suite de ça. C'est quelque chose de très difficile, aider à prendre cette décision en notre âme et conscience Jean-François Delfraissy
Les députés ont également cherché à savoir si un confinement régionalisé aurait était préférable, alors que quatre régions françaises (Hauts-de-France, Île-de-France, Grand Est et Auvergne-Rhône-Alpes) ont concentré 72% des hospitalisations au plus fort de la crise.
Une hypothèse qui n'a pas la préférence des scientifiques, même a posteriori, notamment devant la "facilité à contourner des frontières à l'intérieur d'un pays" :
Fallait-il régionaliser le confinement ?
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"Un confinement national a permis aux régions pas encore touchées de ne pas l'être. Je comprends que la situation a pu être un peu étrange pour l'ouest de la France", explique Arnaud Fontanet.#DirectAN #COVID19 pic.twitter.com/4lexhk5ohJ
21 000 à 28 000 tests par semaine en France avant le confinement, contre 300 000 à 500 000 par en Allemagne, comment expliquer un tel écart ? Le virologue Bruno Lina le reconnaît sans détour : nos voisins ont été plus réactifs, ont bénéficié d'une information plus précoces et bénéficié "d'un circuit décisionnel plus court". Une façon polie de dire qu'on se marche moins sur les pieds Outre-Rhin avant d'agir.
Pourquoi l'Allemagne a su produire beaucoup plus de tests que la France? >>Pour Bruno Lina, la clé réside à la fois dans une information plus précoce et des circuits décisionnels "plus courts que ce que nous on avait en France, ce qui a permis cette réactivité".#DirectAN pic.twitter.com/JqUBxUl9po
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Un autre aspect, plus technique, peut aussi expliquer une moindre réactivité de la France en la matière. Alors même que l'Institut Pasteur a mis au point le "meilleur test PCR [échantillon nasal] qui existe", "les outils qu'il faut pour utiliser ces tests" ne sont plus en possession "d'énormément de laboratoires et de CHU", explique le virologue. La faute à une "automatisation" de la production qui ne permettait pas d'analyser les résultats d'un "test qui arrive en kit" :
Test PCR: "Une des difficultés auxquelles on a été confronté dans le déploiement de ce test c'est que pour utiliser ces tests il faut des outils que la plupart des laboratoires de diagnostic n'ont plus, parce qu'ils ont des automates" explique le virologue Bruno Lina#DirectAN pic.twitter.com/te3gkk0INO
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Selon Jean-François Delfraissy, le retard français a aujourd'hui été largement rattrapé. Il note cependant une "sous-utilisation" des capacités désormais disponibles et appelle à "ne pas laisser s'endormir ce système durant l'été".
Au moment où Pékin se reconfine, les conseillers ont aussi redit que le risque d'une deuxième vague devait "être considéré", mais que le danger venait "d'abord d'Amérique du Sud ou d'Afrique" où le Covid-19 circule davantage.
Deuxième vague : "Le danger se trouve beaucoup plus en Amérique du Sud ou en Afrique qu'en Chine", estime Bruno Lina qui rappelle qu'ils sont en l'hiver
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> "Le virus n'a pas besoin de muter pour une 2e vague. Certaines mutations peuvent réduire la virulence"#DirectAN #Covid19 pic.twitter.com/fmzohziIci
Cependant, une deuxième vague ne serait pas gérée au prix d'un nouveau confinement généralisé, redit Jean-François Delfraissy. Une perspective qui ne serait "ni souhaitable" vis-à-vis de l'économie, "ni acceptée" par la population.
Interrogés sur les connaissances actuelles sur le nouveau coronavirus, les scientifiques ont enfin rappelé l'importance de se protéger en milieu confiné. La transmission par particules microscopiques, ou aérosols, pouvant être un des vecteurs de transmission expliquant plusieurs foyers de contamination qui se sont déclarés après le déconfinement, comme dans des abattoirs :
Aérosols : "La suspension de particules virales permet au virus de se maintenir dans des lieux confinés. (...) On est désarmé [même si] heureusement il n'est pas le mode de transmission principal", dit A. Fontanet qui cite les dortoirs de migrants, abattoirs, croisières#DirectAN pic.twitter.com/kUbN6K6JXX
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"Il faudra penser à aérer, revoir les systèmes de ventilation et, évidemment, le port du masque que j'avais sur moi en venant dans le métro", conclut Arnaud Fontanet.
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