La journée d'initiative parlementaire du Rassemblement national a lieu ce jeudi 31 octobre dans l'hémicycle de l'Assemblée. Parmi les propositions de loi présentées par le groupe présidé par Marine Le Pen figurent l’expulsion des étrangers constituant une menace grave pour l'ordre public et le rétablissement des peines planchers. Des thèmes également portés, en partie au moins, par la Droite républicaine et Horizons qui vont devoir se positionner sur les textes du RN.
À défaut de rallier la gauche à sa proposition de loi visant à abroger la dernière réforme des retraites, le Rassemblement national sera-t-il en mesure de convaincre la droite de l'hémicycle sur les sujets régaliens ? Parmi les propositions de loi à l'ordre du jour de sa journée d'initiative parlementaire ce jeudi 31 octobre, deux d'entre elles sont en tout cas en ligne avec ce que défend le parti Les Républicains depuis plusieurs années, à savoir le fait de faciliter l'expulsion des étrangers constituant une menace grave pour l'ordre public, et le rétablissement des peines planchers.
"Notre ligne est claire", indique Thibault Bazin (Droite républicaine), "pas d'obstruction, pas de chèque en blanc". Le député rappelle que les peines planchers constituent un dispositif historiquement porté par sa famille politique, puisqu'elles avaient été mises en place sous la présidence de Nicolas Sarkozy, avant d'être abrogées sous celle de François Hollande. Il confirme aussi que son groupe abordera la "niche parlementaire" du groupe RN en faisant primer "le fond" et en restant fidèle à son propre ADN idéologique. "Liberté et responsabilité", résume Thibault Bazin, "je pense que c'est ce que nos concitoyens attendent de nous".
"On ne va pas venir expliquer qu'on est contre les peines planchers parce que c'est le RN qui les propose", fait aussi valoir Ian Boucard (Droite républicaine). "La réalité, c'est que c'est une proposition de droite qu'ils nous ont piqués en quelque sorte, on ne va pas voter contre juste pour les embêter".
Du côté de la coalition présidentielle, l'aile droite incarnée par le groupe Horizons, émanation du parti d'Edouard Philippe, avait elle-même proposé en mars 2023 une réintroduction partielle des peines planchers dans une proposition de loi "visant à mieux lutter contre la récidive". Le texte, qui n'avait pas été soutenu par les deux autres composantes de la majorité d'alors (Renaissance et Démocrates), instaurait une peine minimale d'un an d'emprisonnement pour les délits de violences, commis en récidive, à l'encontre des forces de l'ordre, militaires, sapeurs-pompiers, gardiens de prison, magistrats, avocats, médecins, ou personnes exerçant une mission de service public.
Par décision spécialement motivée, le juge aurait cependant gardé la possibilité de prononcer une peine inférieure à celle fixée par le texte. Une manière de préserver le principe d'individualisation des peines, que le texte du RN prévoit également, mais "en considération de circonstances exceptionnelles". Les durées des peines prévues sont, par ailleurs, plus longues que dans le texte d'Horizons, allant de cinq à quinze ans pour les crimes, et de dix-huit mois à cinq ans pour les délits, couvrant un spectre d'infractions beaucoup plus large, parmi lesquelles le trafic de stupéfiants.
Rapporteure de la proposition de loi Horizons examinée l'an dernier, Naïma Moutchou défendra ce jeudi un amendement de réécriture du texte du RN afin de le rapprocher de son propre dispositif. "C'est la seule et unique condition pour que notre groupe vote cette proposition de loi portée par le groupe RN", indique aussi Agnès Firmin Le Bodo (Horizons et indépendants). Jugeant par ailleurs "simplistes" les mesures contenues dans la proposition de loi visant à faciliter les expulsions d'étrangers considérés comme dangereux, elle indique que son groupe votera contre ce texte.
"Sur le principe, on est plutôt pour", indique pour sa part Ian Boucard (Droite républicaine) au sujet de cette autre proposition de loi. Il souligne cependant que pour que son groupe puisse la soutenir, "il faut qu'elle soit constitutionnelle". Des propos à l'unisson de ceux tenus en commission par son collègue de groupe, Eric Pauget, qui avait pointé le risque d'inconstitutionnalité du texte en raison des mesures d'éloignement ciblant les mineurs. "On se prononcera en fonction de l'évolution du texte au fil de son examen", indique aussi Thibault Bazin.
Du côté du Rassemblement national, qui défendra ces propositions de loi et d'autres aujourd'hui dans l'hémicycle, "on ne tend la main à personne", affirme Kévin Mauvieux. "Si sur les peines plancher, les députés Horizons et [de la Droite républicaine] acceptent de relever la tête et d’œuvrer par rapport à leurs convictions pour la France, alors ils voteront le texte", estime le député. Encore faudrait-il qu'ils en aient l'occasion, Ensemble pour la République ayant indiqué son intention de voter des amendements de suppression qui seront présentés sur les deux textes concernés.
"On aimerait que les LR puissent être sur la même ligne que nous, mais s'ils ont envie de mettre en avant les propositions du Rassemblement national, alors c'est à eux de se poser les bonnes questions sur leur conscience politique", considère aussi Ludovic Mendes (Ensemble pour la République). Si les propositions de loi du RN ont peu de chance d'être adoptées par l'Assemblée nationale, elles devraient contribuer à exposer au grand jour les différences, voire les divergences, qui sont déjà apparues ces dernières semaines entre les groupes du socle gouvernemental.
(Avec Stéphanie Depierre)