Le garde des Sceaux a présenté aux députés de la commission des lois la soixantaine de mesures du plan d'action qui doit permettre d'améliorer le fonctionnement de la justice. Il prévoit notamment une simplification des procédures et une hausse des budgets.
Remédier à une justice "trop lente et trop complexe". Tel est le serment qu'Éric Dupond-Moretti a fait aux députés de la commission des lois, mardi 10 janvier, en leur résumant le plan d'action issu des États généraux de la justice. Le constat est tout sauf surprenant, tant les acteurs du secteur ont fait part de leur mal-être au cours des dernières années. Le garde des Sceaux a toutefois vanté cet "exercice démocratique inédit" que représentent les États généraux de la justice, grande consultation étalée sur 8 mois.
Ce plan d'action est composée de 60 mesures "opérationnelles et concrètes", qui doivent permettre de réconcilier les professionnels de la justice d'une part, mais également rapprocher les justiciables de l'institution. Il concerne aussi bien la justice civile que la procédure pénale, ou la prison. Premier engagement, qui constitue le nerf de la guerre : la poursuite du renforcement budgétaire entrepris depuis le premier quinquennat d'Emmanuel Macron.
Le budget de la justice est en Hausse de 44 % depuis l'élection d'Emmanuel Macron. 26 % depuis que votre serviteur est garde des Sceaux. Éric Dupond-Moretti, ministre de la Justice
Le budget de l'institution judiciaire devrait donc passer de 6,8 milliards en 2017 à quelque 11 milliards d'euros en 2027. Cette hausse doit permettre une revalorisation des agents du ministère et 10 000 recrutements supplémentaires, la numérisation de l'institution ainsi que la poursuite du plan de construction de 15 000 places supplémentaires de prison.
Afin de simplifier le fonctionnement de la justice, notamment civile, Éric Dupond-Moretti prône une petite révolution : favoriser la culture de l'amiable entre les justiciables, afin de désengorger les juridictions et d'accélérer les procédures. Seuls 1 % des litiges sont réglés par ce biais à l'heure actuelle.
Prenant exemple sur ce qui se fait aux Pays-Bas et au Canada, le garde des Sceaux souhaite développer deux nouveaux modes amiables de règlement des différends : la césure - le juge tranche sur le fond puis demande aux parties de s'accorder - et la procédure de règlement amiable - le juge aide les parties et leurs avocats à trouver un accord.
Le ministre de la Justice n'a pas oublié le volet pénal : pour contrer une procédure devenue "illisible", Éric Dupond-Moretti plaide pour une refonte à droit constant du code de procédure pénale. Pour ce faire, il proposera une réécriture complète du code par voie d'ordonnance, mené sous l'égide d'un "comité scientifique" et d'un organe parlementaire transpartisan.
Autre axe majeur du plan d'action : améliorer le quotidien des magistrats, qui ont exprimé leur mal-être à travers un mouvement de grogne inédit lancé fin novembre dernier. Outre la négociation d'un "accord-cadre" sur la qualité de vie au travail, le ministre de la Justice souhaite poursuivre le développement d'une "équipe" centrée autour du magistrat, censé remédier à sa "solitude".
Plus largement, Éric Dupond-Moretti a résumé le sel de son plan d'action : offrir davantage d'autonomie aux juridictions via une déconcentration des compétences des cours d'appel, aboutir à une transformation numérique visant à un "zéro papier" en 2027, mettre en place une application dédiée pour les justiciables, renforcer la protection des personnes vulnérables ou encore consolider la justice des mineurs.
Sans surprise, les élus de la majorité présidentielle ont unanimement salué l'ambition du plan d'action et des efforts financiers entrepris. Les réactions des élus de l'opposition, elles, ont été davantage mesurées. Experte des questions judiciaires, Cécile Untermaier (Socialistes et apparentés) a pour sa part salué "un grand nombre de mesures utiles", tout en apportant quelques bémols en matière de politique pénitentiaire.
La députée communiste Elsa Faucillon (Gauche démocrate et républicaine) a regretté le caractère un peu "fourre-tout" des mesures proposées par le garde des Sceaux. Ce sont les élus La France insoumise et Rassemblement national qui ont été les plus critiques, dans des dimensions diamétralement opposées. Jordan Guitton (RN) a fustigé une justice devenue laxiste pour répondre à l'objectif de régulation carcérale. A contrario, Thomas Portes et Ugo Bernalicis (LFI) ont vu dans la surpopulation carcérale la preuve de l'angle tout répressif pris au cours des dernières décennies.
Les députés auront l'occasion de débattre à nouveau de ces sujets : si une partie du plan d'action pourra être mis en place à droit constant ou par voie réglementaire, d'autres mesures devront être examinées au sein du futur projet de loi d'orientation et de programmation de la justice qui doit être présenté au cours du printemps.