Auditionnés à l'Assemblée nationale, lundi 25 mars, les dirigeants d'universités et de grandes écoles ont dressé le constat d'une hausse des actes et des paroles antisémites depuis l'attaque terroriste du Hamas en Israël, le 7 octobre dernier. Ils ont affirmé appliquer la "tolérance zéro" et nié toute "complaisance" au sein des établissements d'enseignement supérieur vis-à-vis des auteurs d'actes antisémites.
Les campus français sont-ils menacés par un antisémitisme décomplexé ? Quelque deux semaines après la polémique qui a éclaté autour d'une mobilisation pro-palestinienne à Sciences Po Paris et alors que la justice a été saisie pour faire toute la lumière sur les faits, une table ronde "sur les actes antisémites dans les établissements d’enseignement supérieur" a été organisée, lundi 25 mars, par la commission des affaires culturelles et de l'éducation de l'Assemblée nationale.
Et, "comme dans le reste de la société", les dirigeants des universités et des grandes écoles auditionnés par les députés n'ont pu que constater une hausse des actes antisémites depuis l'attaque terroriste perpétrée par le Hamas contre Israël le 7 octobre dernier. Selon le président de France Universités, Guillaume Gellé, qui regroupe 116 établissements d'enseignement supérieur et de recherche, quelque 67 actes antisémites ont été recensés depuis cette date, contre 33 sur l'année 2022-2023.
67 actes antisémites ont été recensés par France Universités depuis le 7 octobre 2023.
Un grand nombre de remontées sont toujours en cours d'instruction, a poursuivi Guillaume Gellé, qui a précisé que six saisines de commissions disciplinaires pour des faits d'antisémitisme avait d'ores et déjà été effectuées, contre onze sur l'ensemble de l'année 2022-2023. En parallèle, 14 signalements au procureur, au titre de l'article 40 du code de procédure pénale, ont été faites par les établissements depuis le 7 octobre, alors que quatre avaient été recensés sur 2022-2023. Enfin, cinq plaintes ont été déposées depuis le déclenchement de la guerre entre entre Israël et le Hamas, contre huit sur la même période.
Face à ce constat, Guillaume Gellé a assuré que les universités françaises pratiquaient la "tolérance zéro". Les dirigeants d'établissement supérieur ne sont "ni dans la dénégation, ni dans le déni", a-t-il insisté, jugeant "déplacé" de parler de "complaisance" envers des associations ou des étudiants qui se montreraient favorables au Hamas, rappelant que France Universités a "dès le départ appelé à combattre l'antisémitisme". "Il n'y a pas de séparatisme organisé par l'institution universitaire, ni d'autonomie vis-à-vis des valeurs de la République." Et d'assurer la nécessité d'assurer la "sérénité des étudiants juifs".
Les députés présents ont diversement réagi face à ce constat. "Les étudiants juifs ont peur. Et cela fait longtemps que vous détournez les yeux", a tancé Julien Odoul (Rassemblement national), fustigeant "l'idéologie islamo-gauchiste qui gangrène le milieu universitaire". "Gêné" par la "prestation" des dirigeants d'universités, Roger Chudeau (RN) les a accusés de "chercher à ouvrir le parapluie", estimant que "rien n'est sous contrôle. L'antisémitisme est endémique."
À l'opposé, Paul Vannier (La France insoumise) a mis en cause le "prétendu wokisme" qui menacerait le milieu universitaire, évoquant une "chasse à l'islamo-gauchisme" similaire à celle annoncée en grande pompe par l'ancienne ministre de l'Enseignement supérieur, Frédérique Vidal. Tout en déplorant la hausse des actes antisémites, Jean-Paul Lecoq (Gauche démocrate et républicaine) a fustigé leur "instrumentalisation" par l'extrême droite et par le gouvernement, dans le but de "blanchir les crimes d'Israël" et de "décrédibiliser toute forme de solidarité" envers la Palestine.
Enfin, plusieurs députés, dont Annie Genevard (Les Républicains), Constance Le Grip (Renaissance), Roger Chudeau (Rassemblement national), ou encore Anne Genetet (Renaissance), ont fait part de leur surprise quant aux chiffres énoncés par Guillaume Gellé, les jugeant particulièrement faibles, alors même que neuf étudiants juifs sur dix disent avoir déjà été victimes d'un acte antisémite, selon une étude publiée en septembre dernier par l'Ifop. "Rappelez qu'il y a une loi. L'antisémitisme n'est pas une opinion en France. C'est un délit !", a martelé le président du groupe Renaissance, Sylvain Maillard, appelant à mettre des affiches dans les amphis pour le rappeler. "L'université et les grandes écoles ne sont pas en dehors de la République."
Face à certains propos tenus au cours de l'audition, Michel Deneken a dit se sentir mis au "banc des accusés". Le président d’Udice - association regroupant dix grandes universités françaises de recherche - a dénoncé un "faux procès". "Je ne peux pas entendre vos propos, quand vous laissez entendre que nous minimisons le problème et que nous serions complaisants envers l'antisémitisme. Cela nous fait apparaître comme des mollassons, qui cachons la vérité parce qu'on aurait peur des groupuscules [...]. Nous nous battons" a-t-il, au contraire, affirmé.