Engagement et proximité : un accord au bout du chemin ?

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Richard Ferrand et Gérard Larcher en janvier 2019 (Ludovic Marin/AFP)
Richard Ferrand et Gérard Larcher en janvier 2019 (Ludovic Marin/AFP)
par Jason Wiels, le Vendredi 22 novembre 2019 à 12:18, mis à jour le Lundi 9 mars 2020 à 14:18

Après un aller-retour mouvementé entre le Sénat et l'Assemblée, le projet de loi censé renforcer les pouvoirs des maires et faciliter la vie des élus locaux va faire l'objet d'une commission mixte paritaire en décembre. Malgré des divergences, députés et sénateurs pourraient réussir à s'entendre sur une version commune avant la fin de l'année.

Après l'orage, le fleuve va-t-il finalement rejoindre son lit ? Début novembre, la large réécriture par la commission des lois de l'Assemblée du texte "Engagement et Proximité" après son passage au Sénat - où le nombre d'articles avait quadruplé - a suscité l'ire de Gérard Larcher. Dans une interview à La Gazette des communes lundi, juste avant l'ouverture du Congrès des maires, à Paris, le président LR du Sénat a vivement critiqué le travail des députés : "Sans évolutions sur plusieurs points durs, il n’y aura pas d’accord sur le texte."

De quoi mettre en danger une adoption rapide du projet de loi porté par Sébastien Lecornu, lui-même inspiré initialement par des propositions sénatoriales ? "En plein Congrès des maires, c'est assez normal de le voir faire monter les enchères, d'autant plus qu'il parle à ses électeurs que sont les élus locaux", relativise-t-on dans l'entourage du ministre chargé des collectivités territoriales.

Un "assainissement" des différends ?

Depuis lundi et le début de l'examen en séance de sa loi par les députés, le ministre a tenté de faire une synthèse de ces "points durs" entre les deux chambres.

La gestion de la compétence eau et assainissement est l'un des plus importants. La loi NOTRe de 2015 prévoit que cette prérogative soit régie de manière obligatoire par l'intercommunalité. Les sénateurs sont revenus sur ce point, supprimant le transfert obligatoire de cette compétence.

Dans l'hémicycle, le ministre a proposé un moyen terme en permettant aux intercommunalités de re-déléguer, par convention, la gestion de l'eau à leurs communes membres. Une synthèse qui ne satisfait pas vraiment les sénateurs. "Cette sous-délégation ne peut se faire que de manière très corsetée... il faut voir comment on peut la réécrire", commente Françoise Gatel, rapporteure du texte au Sénat.

Si l'élue centriste assure ne vouloir en faire "ni un scalp, ni un symbole", la possibilité de laisser les villes gérer souverainement leurs réseaux d'eau est une mesure emblématique du travail de la chambre haute.

Nous n'avons rien détricoté, on a construit la possibilité d'une harmonie au niveau du bloc localFrançois Gatel, sénatrice Union Centriste

De même, la possibilité de créer des intercommunalités à la carte, au sein desquelles les compétences puissent être distribuées différemment entre les communes d'un même regroupement, est au cœur des discussions, parfois très techniques, entre les parlementaires. "Nous devons redonner au maire le pouvoir de boucher le trou dans la chaussée au coin de la rue", illustre rituellement Gérard Larcher pour que les petits maires des grandes métropoles puissent retrouver de l'autonomie.

Autre sujet sensible, la revalorisation des indemnités des maires des communes de moins de 3.500 habitants. Un sujet a priori consensuel pour redonner du lustre à la fonction alors que de nombreux maires se sentent déconsidérés. Un sentiment dont ils ont fait part à Emmanuel Macron lorsque le Président est allé recueillir leurs doléances lors du Grand débat national.

Mais la solution voulue par les sénateurs (une revalorisation graduée) et celle du gouvernement (une indemnité d'environ 1670 € qui pourra être augmentée jusque 2000 € par le conseil municipal) divergent. "Avec ce dispositif, on met le maire en difficulté. Il vaut mieux dire que la démocratie assume de mieux payer ses élus locaux, que d'obliger le maire à demander une augmentation, qu'il devra justifier ensuite devant ses administrés", met en garde Françoise Gatel.

"Esprit constructif"

L'heure de vérité est attendue autour du 12 décembre, quand devrait se réunir la commission mixte paritaire où siégeront 7 députés et 7 sénateurs qui tenteront de se mettre d'accord sur une version commune. La possibilité d'une fumée blanche est réelle : "On est quasiment sûr de parvenir à un accord", espère l'entourage de Sébastien Lecornu. "Nous avons un état d'esprit constructif, mais à condition que tout le monde se montre intelligent", prévient en retour Françoise Gatel.

Le gouvernement espère faire adopter définitivement son texte avant la fin de l'année et le début de la campagne des municipales. Or, un échec reporterait une nouvelle lecture à début 2020 à cause d'un calendrier parlementaire déjà chargé. Outre l'éventuelle bonne volonté des sénateurs dans cette dernière ligne droite, l'exécutif pourra aussi compter sur les statistiques puisque la plupart des lois ont été adoptées après un accord entre l'Assemblée nationale et le Sénat depuis le début du quinquennat.