Endométriose : le Rassemblement national échoue à faire adopter sa proposition de loi

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par Soizic BONVARLET, le Jeudi 12 octobre 2023 à 17:02, mis à jour le Jeudi 12 octobre 2023 à 18:57

Après son rejet en commission la semaine dernière, la proposition de loi visant à "soutenir les femmes qui souffrent d'endométriose" n'est pas allée au terme de son examen, jeudi 12 octobre, dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale, son rapporteur ayant choisi de la retirer en amont du vote. Emmanuel Taché de La Pagerie (RN) a fait valoir que le texte qu'il défendait avait été vidé de sa substance après le rejet de ses deux articles majeurs.

"Je suis député, mais je suis surtout dépité". C'est par ces mots qu'Emmanuel Taché de La Pagerie (Rassemblement national) a mis un terme à l'examen de la proposition de loi qu'il défendait visant à "soutenir les femmes qui souffrent d'endométriose".

Regrettant le rejet des deux articles structurants du texte présenté dans le cadre de la journée d'initiative parlementaire réservée au Rassemblement national - et considérant que celui-ci était dès lors "vide" de sa substance -, le député RN a retiré la proposition de loi qu'il défendait avant une mise au vote qui se serait soldée par un échec. Sur le réseau social X (ex-Twitter), Emmanuel Taché de La Pagerie a qualifié de "sectarisme" l'opposition de la gauche et de la majorité présidentielle à son texte.   Image retirée.

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Un débat entre accusations d'instrumentalisation et de dévoiement du féminisme

Deux heures avant que le texte ne soit finalement retiré, le rapporteur en avait amorcé la présentation en citant Le Deuxième Sexe, de Simone de Beauvoir. "La femme n'est victime d'aucune mystérieuse fatalité : il ne faut pas conclure que ses ovaires la condamnent à vivre éternellement à genoux". Un choix rhétorique qui a sans doute eu pour effet, au lieu de les apaiser, d'exacerber la vigueur des procès en imposture visant le Rassemblement national en matière de défense des droits des femmes.

Ces gens ont la stratégie des coucous. Ils prennent nos combats, ils prennent nos luttes, ils prennent nos mots, ils prennent nos auteurs, ils prennent nos autrices avec Simone de Beauvoir. Réveillez-vous ! Sandrine Rousseau

Clémentine Autain (La France insoumise), elle-même auteure en janvier 2022 d'une proposition de résolution "visant à reconnaître l’endométriose comme une affection de longue durée", a ainsi dénoncé "un écran de fumée (...) pour mieux camoufler [le] projet fondamentalement opposé aux droits des femmes" du Rassemblement national, quand Véronique Riotton (Renaissance) a fustigé "une manipulation". Sandrine Rousseau (Écologiste) a pour sa part dénoncé "un coup politique sur le dos des femmes" et une "stratégie des coucous".

Mais c'est une passe d'armes entre la présidente du groupe La France insoumise, Mathilde Panot, et la présidente du groupe Rassemblement national, Marine Le Pen, qui a cristallisé toute la tension qui couvait depuis le début de l'examen du texte. Mathilde Panot accusant les membres du Rassemblement national de s'avérer "les pires adversaires des droits des femmes", évoquant en particulier leurs "amis" en Hongrie et en Pologne, où le droit à l'avortement a été considérablement restreint au cours des dernières années. "Vos amis à vous, Madame Panot, ils jettent les corps des femmes derrière les pick-up, ils crachent dessus après les avoir violées et les avoir démembrées", lui a répondu Marine Le Pen, n'hésitant pas à se saisir de la polémique ayant impliqué au cours des derniers jours La France insoumise pour avoir refusé de qualifier le Hamas de groupe terroriste suite aux attaques contre Israël.

Les Républicains en soutien du texte

Un calme relatif est cependant revenu à l'issue de ce violent échange, permettant la poursuite de l'examen du texte. Une série d'amendements, pour la plupart issus du groupe Les Républicains, ont ainsi pu être examinés. Isabelle Valentin (LR) avait dit le soutien de son groupe à l'article premier du texte, visant à créer un statut d'affection de longue durée (ALD) spécifique et automatique pour les femmes atteintes d'endométriose. Actuellement, les femmes concernées peuvent effectuer une demande pour que leur maladie puisse être considérée comme relevant de la liste des ALD 31, établie selon des critères stricts. Elle peuvent ainsi bénéficier en particulier du remboursement des soins si cette demande est validée, ce qui n'est pas systématique.

En dépit de leurs réserves sur l'article 2, prévoyant que les femmes souffrant d'endométriose et qui le souhaiteraient puissent acquérir un statut de travailleuses handicapées (RQTH), réputé comme étant déjà satisfait, Les Républicains n'en ont pas moins soutenu le texte. "Sous réserve des améliorations proposées, Les Républicains voteront ce texte", a aussi indiqué la députée sous les applaudissements des rangs du RN.

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Plusieurs amendements ont bénéficié du soutien du rapporteur, comme celui émanant du groupe LR proposant une séance annuelle dans les collèges et les lycées de sensibilisation sur les différentes "pathologies liées au système reproducteur", dont l'endométriose. Tous les amendements, comme les deux articles phares du texte, ont cependant été rejetés.

Et pour cause, si le ministre de Santé et de la Prévention, Aurélien Rousseau, présent au banc du gouvernement à l'occasion de cet examen, a, comme la majorité des groupes politiques de l'Assemblée, dénoncé "un texte opportuniste", le constat d'une "méconnaissance autant du droit que de la maladie", selon ses mots, a également été largement partagé. S'il n'a pas accédé à la demande, quasiment unanime des députés, d'édicter un décret pour la reconnaissance automatique de l'endométriose au titre des ALD  30, il a réfuté toute "inaction", réaffirmé que le gouvernement était à pied d’œuvre, au travers de la stratégie nationale de lutte contre l'endométriose, et annoncé, "avant la fin de l'année", "de nouvelles actions pouvant être mises en place afin de maîtriser le reste à charge relatif au traitement de l'endométriose".

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