Les députés ont définitivement adopté, lundi 13 décembre après-midi, le projet de loi sur la responsabilité pénale et la sécurité intérieure. Fin novembre, le texte avait fait l'objet d'un accord avec les sénateurs. Ce projet de loi encadre l'irresponsabilité pénale en cas de prise de stupéfiants ou d'alcool, et renforce les sanctions prévues pour les violences sur les forces de l'ordre.
L'affaire Sarah Halimi, au-delà de l'émotion qu'elle a provoquée, aura inspiré à la suite du procès du meurtrier de cette femme, une partie du projet de loi relatif à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure. Ce texte, définitivement adopté à main levée lundi 13 décembre, le sera ensuite, jeudi 16, par les sénateurs. Une simple formalité à la suite de l'accord trouvé entre les parlementaires en novembre dernier.
"Cette impossibilité de distinguer la perte de l'origine du discernement était insupportable", a souligné ce lundi le garde des Sceaux. Éric Dupond-Moretti a insisté sur l'approche équilibrée du Parlement pour trouver un moyen d'éviter de fragiliser le pilier de la justice qu'est l'irresponsabilité pénale. "On ne juge pas, et on ne jugera jamais les fous", a-t-il martelé, antienne répétée tout au long de l'examen du texte.
Par rapport à la version de l'Assemblée de septembre dernier, le volet réservé à l'encadrement de l'irresponsabilité pénale a évolué à la marge. L'article 2, celui-là même qui vient en réponse à l'affaire Sarah Halimi, n'a pas connu de changement majeur. Seul les cas d'incendies volontaires, incorporés au texte par les députés, n'ont pas franchi les fourches caudines de la commission mixte paritaire.
C'est finalement l'article 1er, qui sanctionne la prise volontaire d'alcool ou de stupéfiants pour défendre une abolition du discernement qui a fait davantage débat. Alors qu'il s'agit, selon l'exécutif, de transcrire une pratique déjà appliquée dans les faits. Députés comme sénateurs sont finalement parvenus à trouver un accord, en mettant en place une procédure spécifique où le juge du fond se prononcera sur sa décision de retenir ou non une abolition du discernement de l'auteur d'un fait à huis clos, avant même l'examen de l'affaire.
Concernant le second volet du projet de loi, relatif aux forces de l'ordre, le Parlement a conservé plusieurs ajouts effectués par le Sénat. Dans sa version initiale, le texte introduisait des sanctions renforcées pour les violences commises sur les forces de l'ordre ou sur des membres de leur famille, et prévoyait la création d'une réserve opérationnelle de la police nationale.
Le Palais du Luxembourg a, par ailleurs, souhaité renforcer la portée de certains articles, sur la vidéosurveillance des locaux de garde à vue ou le cadre d'utilisation des drones par les forces de l'ordre. Finalement, les parlementaires se sont entendus pour autoriser les agents utilisant des drones à pouvoir visionner les images en temps réel ou en différé pendant leur intervention. Les nécessaires garanties ont toutefois été conservées dans la version de la commission mixte paritaire (pas d'utilisation de la reconnaissance faciale, durée de conservation limitée des images, pas de captation du son, ni de croisement avec d'autres fichiers de police...). L'objectif étant, cette fois, de franchir l'obstacle du Conseil constitutionnel, alors qu'n précédent texte avait été censuré.
Enfin, concernant les mesures du contrôle des armes à feu et de renforcement de la lutte contre les "rodéos urbains", les parlementaires ont davantage privilégié la rédaction issue des travaux du Sénat. Un temps envisagé, l'usage des drones pour lutter contre le phénomène de "rodéos urbains" n'aura finalement jamais figuré dans le texte.
Jusqu'au dernier moment, l'aile gauche de l'Hémicycle a matérialisé son opposition à tout ou partie du projet de loi. La France insoumise a déposé une motion de rejet préalable, écartée par les députés. Ugo Bernalicis a fustigé les mesures du texte, symboles, selon lui, de l'obsession sécuritaire de l'exécutif. Autre pêché originel : il s'agit d'un texte "fourre-tout et de circonstances", décidé à la suite d'une affaire criminelle, et sans qu'il réponde assurément à l'affaire Sarah Halimi, de surcroît.
Plus mesurée, Lamia El Aaraje (PS) s'est pour sa part dit favorable à certains articles, tels que le renforcement des sanctions prévues contre les auteurs de violences sur les forces de l'ordre ou le contrôle des armes à feu. L'élue a en revanche été plus circonspecte sur l'encadrement de l'irresponsabilité pénale, qui "complexifie son analyse". "Ce texte n'apporte pas de garanties sur la permanence des soins que requiert l'état mental d'une personne en situation d'irresponsabilité." Plus généralement, elle a regretté que les "mille et une lois" décidées par l'exécutif n'aient pas permis d'améliorer le quotidien des policiers comme des magistrats.