Education : un rapport parlementaire formule des pistes pour améliorer l'apprentissage de la lecture

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par Maxence Kagni, le Mercredi 24 janvier 2024 à 18:07

Au terme de leur mission d'information, Annie Genevard (Les Républicains) et Fabrice Le Vigoureux (Renaissance) ont présenté, ce mercredi 24 janvier, leur rapport sur l'apprentissage de la lecture. Les deux députés proposent notamment de revoir la formation des enseignants et de lutter contre l'influence grandissante du numérique.

En 2022, "45% des élèves entrant en 6e n'atteignaient pas la vitesse de lecture attendue à la fin du CM2". C'est par ce constat que la députée Annie Genevard (Les Républicains) a débuté, mercredi 24 janvier, la présentation du rapport de la mission d'information sur "l'apprentissage de la lecture", qu'elle a menée avec son collègue Fabrice Le Vigoureux (Renaissance). A l'issue de cette mission, les deux députés formulent 35 propositions, afin de mettre un terme à ce qu'Annie Genevard a qualifié de "scandale d’Etat" devant la commission des affaires culturelles et de l'éducation de l'Assemblée nationale.  

Formation insuffisante et critique du numérique

Les conclusions de ce rapport ont été présentées alors qu'en fin d'année dernière, le classement Pisa 2023 a fait état, concernant la France, d'une chute du niveau des élèves en mathématiques et en lecture. "Les dysfonctionnements ne sont pas récents", a expliqué Annie Genevard, qui estime que si "la question des moyens financiers accordés à l'école est importante", "elle ne peut pas expliquer la faiblesse des résultats."

La députée LR évoque notamment des enseignants "insuffisamment formés aux enjeux de l'enseignement de la lecture". Selon elle, "les effets du dédoublement des classes de grande section, CP et CE1 sont mitigés, faute d'un accompagnement suffisant des enseignants dans l'évolution de leurs pratiques pédagogiques".

Seuls 34% des professeurs des écoles français se considèrent bien ou très bien formés. Fabrice Le Vigoureux

Dans leur rapport, Annie Genevard et Fabrice Le Vigoureux recommandent donc de "largement repenser" la formation initiale des enseignants en favorisant, par exemple, les "stages de manière plus précoce et plus intensive", notamment dans des classes de CP.

Par ailleurs, Annie Genevard met en cause l'influence grandissante du numérique, qui "perturbe fortement les apprentissages". La députée juge à ce titre nécessaire de "réinterroger" la loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République de juillet 2013, qui crée un "service public de l'enseignement numérique". "L'utilisation de tablettes ou d'ordinateurs n'entraîne globalement aucune amélioration des performances en écriture ou en lecture", a expliqué Fabrice Le Vigoureux. Le député précise qu'"au-delà d'un certain seuil d'utilisation, c'est même l'inverse qui se produit".

Dans leur rapport, Annie Genevard et Fabrice Le Vigoureux prônent, en outre, le recours à la méthode d'apprentissage syllabique, qui est "reconnue comme étant la plus efficace".  "Pourtant, les méthodes les plus largement employées dans les classes sont les méthodes mixtes", a regretté la députée Les Républicains. Les deux élus évoquent aussi la nécessité de "développer la lecture personnelle", en favorisant les initiatives comme le Quart d'heure lecture, l'opération Un livre pour les vacances, ou encore la création de bibliothèques d'école.

Les parents doivent être sensibilisés aux bienfaits de la lecture partagée. Fabrice Le Vigoureux

Les députés évoquent également le rôle "capital" des manuels scolaires "parfois anciens, inadaptés, ou bien utilisés de manière incorrecte". "10 à 40% des enseignants n'utilisent pas de manuel", a indiqué le député Renaissance, qui a évoqué la possibilité de créer un "mécanisme de labellisation" des manuels. Autres propositions : permettre aux élèves de garder leurs manuels à la fin de l'année scolaire, ainsi quela prise en charge par l’Etat "partielle ou totale, de l'achat des manuels de lecture".

La gauche dénonce la "ségrégation scolaire"

Cette présentation n'a pas convaincu les députés de gauche. Léo Walter (La France insoumise) a critiqué un rapport qui "valide l'ensemble des mesures proposées par le ministre Gabriel Attal (quand il était ministre de l’Education nationale, ndlr) dans le cadre de son 'choc des savoirs'". Lui-même "maître d'école", le député LFI a dénoncé une "négation totale de la liberté pédagogique des enseignants". "Vous condamnez une fois encore toute autre méthode que la syllabique pure, or si celle-ci est effectivement nécessaire, elle n'est absolument pas suffisante" a-t-il estimé, dénonçant un "appauvrissement du rapport à la lecture".

"Je retrouve dans vos propos les propos de la plupart des propos des organisations syndicales d'enseignants, mais ce n'est pas le discours des enseignants et c'est bien là le problème", lui a répondu Annie Genevard. De son côté, Francesca Pasquini (Ecologiste) a estimé que le "poids des inégalités" était "minimisé" par le rapport, tandis que Stéphane Peu (Gauche démocrate et républicaine) a jugé que "l'impact des origines sociales des enfants" n'était pas suffisamment pris en compte par Annie Genevard et Fabrice Le Vigoureux.

Enfin, Fatiha Keloua Hachi (Socialistes) a insisté sur "la ségrégation scolaire" dont souffrent certains élèves, ciblant au passage Amélie Oudéa-Castéra : "Il semble peu probable que notre nouvelle ministre de l’Education nationale soit encline à se pencher sur la question étant donné qu'elle participe elle-même par ses choix personnels à la poursuite de cette situation."

Selon Fabrice Le Vigoureux, les différences sociales ne peuvent cependant pas tout expliquer : "On remarque que d'un établissement à l'autre, deux établissements qui ont des indices de position sociale bas peuvent avoir des écarts considérables en matière de lecture", a déclaré l'élu. Et Annie Genevard de compléter : "L'important, c'est ce qui se passe dans la classe avec l'enseignant."