Le Premier ministre a présenté, ce vendredi 25 avril, son "pacte de lutte contre les déserts médicaux". En proposant à certains médecins de consacrer jusqu'à deux jours par mois à des consultations dans les déserts médicaux, il s'est opposé à la régulation de l'installation, proposée par l'élu socialiste Guillaume Garot et adoptée au début du mois par les députés.
Il s'agit, pour François Bayrou, de "la dernière chance pour notre système de santé". Le Premier ministre a dévoilé ce vendredi 25 avril, lors d'un déplacement organisé dans le Cantal, son "pacte de lutte contre les déserts médicaux". Le chef du gouvernement propose d'instaurer dès septembre un "principe de responsabilité et de solidarité territoriale" pour les médecins, qui devront, pour certains, consacrer jusqu'à deux jours par mois aux territoires les plus dépourvus d'offre médicale.
Le gouvernement confirme ainsi son opposition à la mesure de régulation de l'installation des médecins, adoptée par l'Assemblée nationale dans la nuit du 2 au 3 avril dernier. Cette disposition, initiée par le socialiste Guillaume Garot, est soutenue par près de 250 députés. Interrogé par LCP, l'élu de Mayenne critique la mesure présentée ce vendredi par l'exécutif, jugeant que celle-ci "ne répond pas à l'ampleur du défi".
Le nouveau principe de solidarité annoncé par le gouvernement s'appliquera dès septembre. "Chaque médecin, généraliste ou spécialiste, qui exerce dans un territoire bien pourvu devra consacrer un ou deux jours par mois à des consultations dans les zones qui sont les plus en difficulté", a expliqué vendredi François Bayrou. Ces "zones rouges" seront définies dans un délai d'un mois par les agences régionales de santé (ARS), en lien avec les préfets et les élus locaux.
Les médecins des territoires limitrophes à ces zones rouges "seront invités à être solidaires", précise une source gouvernementale. Cela signifie que, pour l'instant, tous les médecins ne seront pas sollicités : seuls certains d'entre-eux, officiant dans une zone bien dotée proche d'une zone rouge, le seront. Des "contreparties financières" seront mises en place pour les médecins participant à l'opération, a ajouté François Bayrou.
"Il s'agit dans un premier temps d'une proposition et d'une incitation", a d'ailleurs précisé le Premier ministre. Mais en cas d'absence de solution proposée par les médecins au niveau local, les préfets et les agences régionales de santé pourront "intervenir", a déclaré François Bayrou, qui a précisé que l'on passerait alors "de l'incitation à l'obligation".
Selon le gouvernement, près de 30 millions de consultations par an devraient être effectuées grâce à ce dispositif. Celui-ci pourrait être maintenu pendant les cinq ou six années nécessaires à la formation de nouveaux médecins.
Nous n'accepterons plus que des millions et des millions de Français se trouvent sans accès normal aux soins. François Bayrou
Dans son pacte, le gouvernement avance de nombreuses autres pistes : hausse des places en études de santé, diversification de l'origine géographique et sociale des étudiants en médecine, réalisation de nouveaux actes par d'autres professionnels (pharmaciens, infirmiers de pratique avancée), facilitation de l'intégration des Français étudiant la médecine à l'étranger... L'exécutif souhaite aussi développer massivement les stages en territoire sous-dense ou encore simplifier les épreuves de vérification des connaissances des médecins à diplôme non-européen (PADHUE).
François Bayrou a donc confirmé l'opposition du gouvernement à la mesure de régulation de l'installation des médecins, votée par l'Assemblée nationale dans la nuit du 2 au 3 avril dernier. Cette disposition, initiée par le socialiste Guillaume Garot, est soutenue par près de 250 députés. En cas d'adoption définitive, les médecins ne pourraient s'installer dans des zones où l'offre de soins est suffisante qu'à condition qu'un autre praticien cesse son activité (pour un départ en retraite, par exemple).
"Cette voie de la régulation autoritaire ne sera pas celle que nous retiendrons", a expliqué ce vendredi François Bayrou. Mais le Premier ministre a précisé que si son plan ne réussissait pas alors "le jour viendra où les principes de ce système fondé sur le choix libre des médecins devront changer".
"Nous ne pourrons pas faire l'économie de la régulation de l'installation des médecins", répond Guillaume Garot, interrogé ce vendredi par LCP. L'élu rappelle que sa proposition de loi est calquée sur la régulation qui s'applique aux chirurgiens-dentistes depuis le 1er janvier 2025. "La mesure présentée par le gouvernement est insuffisante à ce stade face à l'ampleur du problème", ajoute le député PS, qui reconnaît toutefois que les dispositions relatives à la formation des médecins seront "utiles".
Le gouvernement ne veut pas déposer de projet de loi spécifique et souhaite intégrer les mesures de son pacte dans plusieurs lois étudiées actuellement au Parlement (ou en voie de l'être) comme le projet de loi de simplification de la vie économique, la proposition de loi "améliorer l'accès aux soins dans les territoires" du sénateur Philippe Mouiller, la proposition de loi sur "la profession d'infirmier" déposée par la députée Nicole Dubré-Chirat ou encore les projets de loi budgétaires de l'automne 2025.
Le gouvernement pourrait même utiliser la proposition de loi de Guillaume Garot pour faire passer ses mesures : les députés doivent en effet reprendre l'examen du texte les 6 et 7 mai prochains. Même s'il est "toujours prêt à discuter", l'élu socialiste affirme à LCP qu'il s'opposera à tout amendement du gouvernement introduisant dans sa proposition de loi la mesure de solidarité présentée ce vendredi. Guillaume Garot estime que "le cheminement" de sa proposition de loi (et des mesures qu'elle comporte) "doit continuer".
Interrogé par LCP, le président de l'Intersyndicale nationale autonome représentative des internes de médecine générale (Isnar-IMG), Bastien Bailleul, juge plutôt positivement les annonces de ce vendredi : "On salue le fait que le gouvernement se saisisse de la question des déserts médicaux." Bastien Bailleul estime que le principe de solidarité, qui n'est "pas parfait", est une mesure "moins pire" que celle votée par l'Assemblée nationale. "Sans y être favorable, nous sommes prêts à travailler sur cet entre-deux", ajoute le président de l'Isnar-IMG, qui estime que les effets de la mesure pourraient se dissiper dans le temps, au fur et à mesure de la formation de nouveaux médecins.
En revanche, l'Intersyndicale nationale autonome représentative des internes de médecine générale (Isnar-IMG) a maintenu son préavis de grève nationale illimitée à compter de ce lundi 28 avril. "La grève est maintenue tant que la proposition de loi de Guillaume Garot ne sera pas retirée", explique Bastien Bailleul.
Le syndicat appelle également à des mobilisations dans les circonscriptions pour convaincre les députés d'être nombreux dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale lors de la reprise des débats sur la loi de Guillaume Garot. Le président de l'Isnar-IMG en appelle notamment aux députés du groupe Les Démocrates (issus du MoDem, le parti de François Bayrou), qui avaient voté majoritairement en faveur de la proposition de loi du député socialiste. De son côté, le Conseil national de l'ordre des médecins a indiqué à LCP qu'il ne réagirait aux annonces du Premier ministre que la semaine prochaine.