Devant les députés, le haut-commissaire au Plan a souligné le paradoxe d'un pays capable de construire des sous-marins nucléaires mais qui est "largué sur le bas de la pyramide" des produits manufacturés. Il appelle à des "investissements considérables" pour mettre en oeuvre rapidement un "plan de reconquête" industrielle.
Septième économie mondiale, la France accuse pourtant un vrai retard en matière industrielle. Pire, elle a sur certains aspects "le type même d'une économie de pays en voie de développement pour ne pas dire sous-développé". Ce constat sévère, c'est François Bayrou lui-même qui l'a dressé devant les députés mercredi matin.
Le haut-commissaire au Plan et à la prospective, nommé par Emmanuel Macron en septembre, a pour mission de "reconstruire la souveraineté" du pays sur "le long terme". Et, visiblement, les chantiers ne manquent pas.
La politique industrielle de la France souffrirait d'un paradoxe. Alors que nous sommes capables "de fabriquer des fusées, des satellites, des sous-marins nucléaires, des avions, des automobiles", nous serions "totalement largués sur le bas de la pyramide, au plus haut point", a souligné le président du MoDem. Sur le secteur des biens d'équipement (les machines des entreprises), la France enregistre un déficit commercial de 35 milliards d'euros. "C'est la moitié du déficit du commerce extérieur du pays", a-t-il alerté, presque autant que ce que nous dépensons pour importer gaz et pétrole.
François Bayrou pointe aussi d'autres secteurs, comme l'agriculture, avec des exemples étonnants tels les produits dérivés de la pomme de terre : "Nous sommes les plus gros producteurs de pommes de terre, nous [les] exportons et on nous renvoie des produits finis aussi simple que des chips ou des flocons de purée." Vendre des matières premières, importer les produits transformés et perdre ainsi le contrôle sur la chaîne de valeur, la situation est peu reluisante selon lui :
C'est le type même, pardon de dire ça, d'une économie de pays en voie de développement pour ne pas dire sous-développé.François Bayrou
Poursuivant le portrait d'une France en voie de déclassement dans certains domaines, le Haut-commissaire a également cité la perte de vitesse du secteur pharmaceutique :"On croyait qu'on était un grand pays d'industrie pharmaceutique et nous avons découvert avec stupéfaction que nous étions en rupture sur des produits essentiels."
Bref, après des "décennies de laissez-faire" et un État stratège trop longtemps aux abonnés absents, la France est dans "une situation désespérante (...) qui en meurt du point de vue de ses équilibres financiers, commerciaux et d'emplois".
Pour remettre l'économie et la souveraineté industrielle du pays sur les rails, François Bayrou appelle, non pas à un plan de relance, mais à "un plan de reconquête" industrielle, qui doit mobiliser des "investissements considérables".
Alors que le plan "France relance" décrété par le ministère de l'Économie l'année dernière prévoit de dépenser 100 milliards d'euros jusqu'en 2022, François Bayrou a d'autres ordres de grandeur en tête. Comme celui déployé aux États-Unis, qui ont prévu de dépenser le "quart de leur PIB". "Si la France avait fait cela, on serait à 550 milliards d'euros pour soutenir l'activité", a-t-il fait valoir.