La proposition de loi "pour une santé accessible à tous et contre la désertification médicale" a été examinée jeudi 2 décembre, dans le cadre de la journée d’initiative parlementaire réservée au groupe de la Gauche démocrate et républicaine. Si le gouvernement et la majorité ont partagé le constat dressé par le texte, les solutions qu’il propose n’ont pas été jugées pertinentes.
En cette journée consacrée aux "niches" parlementaires de la Gauche démocrate et républicaine, Sébastien Jumel a choisi d’aborder un sujet concernant "au moins 11 millions de Françaises et de Français", et générant des "drames du quotidien".
Le constat dressé par le rapporteur est en effet alarmant. "La densité médicale n’a cessé de baisser ces dernières années, passant entre 2012 à aujourd’hui de 325 à 318 médecins pour 100 000 habitants", a-t-il ainsi indiqué. Un état de fait qui conduit Sébastien Jumel à parler de "bombe sanitaire à retardement".
Le député communiste a largement insisté sur le fait que les conséquences délétères, sur le plan sanitaire, de la désertification médicale touchaient en priorité les populations fragiles économiquement. "Les personnes pauvres ont trois fois plus de risque de renoncer à des soins que les autres, et si elles se situent en zones sous-dotées, ce risque est huit fois supérieur au reste de la population".
Comme l’a observé le géographe Hervé Le Bras, la carte des déserts médicaux se rapproche fortement de la carte des gilets jaunes. À méditer pour mes collègues de la majorité. Caroline Fiat
Des propos corroborés par Caroline Fiat (La France insoumise) qui, en soutien de la proposition de loi qu’elle a jugée "courageuse et indispensable", a évoqué les travaux du géographe Hervé Le Bras, selon lesquels "la carte des déserts médicaux se rapproche fortement de la carte des gilets jaunes". "À méditer pour mes collègues de la majorité", a-t-elle ajouté.
Sébastien Jumel a, par ailleurs, évoqué la problématique des dépassements d’honoraires, souvent corrélés au nombre élevé de médecins au sein d’un territoire. C’est ainsi qu’il a constaté, y compris au sein de zones sur-denses, l’émergence de "déserts médicaux financiers", une partie de la population n’ayant pas les moyens de s’acquitter des honoraires des praticiens.
Si Sébastien Jumel considère la réforme du numerus clausus comme "une bonne nouvelle", il alerte aussi sur le fait qu’elle ne produira ses premiers effets que dans dix ans. "Nous ne pouvons nous permettre d’attendre dix ans de plus", a-t-il aussi considéré, avant d’ajouter, à propos de l’ensemble des mesures gouvernementales menées dans le domaine de la santé : "le compte n’y est pas".
"Je me bats", a pourtant déclaré la ministre déléguée auprès du ministre de la Santé, Brigitte Bourguignon. "Le gouvernement et la majorité se sont emparés de ce sujet dès le début du quinquennat", a-t-elle souligné, citant tour à tour le plan Ma santé 2022, et en particulier "le recrutement de 400 médecins généralistes dans les zones les moins bien dotées", le Ségur, la réforme du numerus clausus, ou encore le développement des hôpitaux de proximité et de de la télémédecine.
Des mesures qui ne sont que des palliatifs, selon Sébastien Jumel, qui souhaite aller beaucoup plus loin. L’article 1er de sa proposition de loi conditionne ainsi le nombre d’étudiants formés en médecine à un critère unique : le besoin en santé des territoires. Autre mesure-phare, la généralisation, et ce par l’obligation, du contrat d’engagement de service public. Créé par la loi "Hôpital, patients, santé, territoires" (HPST) du 21 juillet 2009, ce dispositif prévoit que les étudiants en médecine peuvent bénéficier d’une allocation mensuelle de 1200 euros à partir de la deuxième année d’études. En échange, les bénéficiaires s’engagent – pendant un nombre d’années égal à celui durant lequel ils auront perçu l’allocation et pour 2 ans minimum – à choisir une spécialité moins représentée, ou à s’installer dans une zone où la continuité des soins est menacée.
"On propose de démocratiser l’accès à la médecine à travers le financement des études", a ainsi expliqué le député de Seine-Maritime, "parce qu’on fait le pari que des mômes qui viennent de chez nous, en termes de classes sociales, en termes de territoires, auront moins de difficultés à exercer chez nous, que les enfants qui, je le dis sans provocation et avec beaucoup de respect, sont nés avec une cuillère d’argent dans la bouche et s’installent dans les endroits où la vie semble plus facile".
Sébastien Jumel souhaite également instaurer un conventionnement sélectif, afin que l’installation d’un médecin dans une zone à forte densité médicale ne puisse intervenir qu’en concomitance avec le départ d’un médecin de cette même zone.
"Vous proposez de remettre en cause la liberté d’installation des médecins comme réponse aux déserts médicaux", a considéré Brigitte Bourguignon, pour qui "on ne crée pas le désir par la contrainte". Le texte a en revanche reçu le soutien du groupe UDI et Indépendants, "quant à proposer des outils de régulation de l’installation des médecins sur le territoire national", selon les mots de Thierry Benoit. "Les mesures incitatives ne suffisent plus", a-t-il aussi déclaré, avant de présenter un amendement, soutenu par le rapporteur, visant à imposer aux médecins, chirurgiens-dentistes et sages-femmes, un préavis d’un an avant toute cessation d’activité dans une zone sous-dotée.
Jeanine Dubié, pour le groupe Libertés et Territoires, considérant qu’elle prenait à bras le corps, un "enjeu de santé publique et de cohésion sociale", a également indiqué que "la grande majorité" des membres de son groupe étaient très favorables à la proposition de loi.
Des soutiens qui n’auront pourtant pas suffi à faire adopter le texte, qui, comme en commission des affaires sociales, a été rejeté suite à l’adoption sur tous les articles, des amendements de suppression présentés et adoptés par la majorité.