Lutte contre la désertification médicale : une proposition de loi communiste rejetée en commission

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S. Jumel PPL désertification médicale
par Soizic BONVARLET, le Mercredi 24 novembre 2021 à 16:34, mis à jour le Mercredi 24 novembre 2021 à 20:43

La proposition de loi "pour une santé accessible à tous et contre la désertification médicale", portée par Sébastien Jumel, a été examinée mercredi 24 novembre en commission des affaires sociales, en amont de la journée d’initiative parlementaire réservée au groupe de la Gauche démocrate et républicaine, qui aura lieu le 2 décembre.

À l’occasion des "niches" parlementaires du groupe des députés de la Gauche démocrate et républicaine, et alors que la crise sanitaire liée au Covid-19 semble connaître un rebond, Sébastien Jumel a souhaité aborder un "sujet qui touche à des degrés divers chacun de nos territoires, celui de la désertification médicale".

Désertification médicale : un phénomène qui s'est amplifié depuis 2015

"Cette proposition de loi n’a pas vocation à susciter la polémique, mais plutôt à nous rassembler", a fait valoir le député de Seine-Maritime, évoquant une problématique qui ne serait selon lui "ni de gauche, ni de droite, mais d’intérêt général".

Il est ainsi largement revenu sur l’état des lieux du pays, où "dix millions de nos concitoyens vivent dans une zone où l’accès au soin est difficile". Des inégalités considérables qui relèvent d’une fracture géographique entre territoires urbains et ruraux, mais aussi nord et sud du pays, la région Provence-Alpes-Côte d’Azur ayant un taux de personnes en situation de désert médical de 4,1%, largement inférieur à la moyenne nationale, qui se situe actuellement à 11,6%. Un chiffre qui n’a eu de cesse d’augmenter, puisqu’il était de 8,6% encore en 2015.

Les personnes pauvres ont trois fois plus de risques de renoncer aux soins que les autres. Si elles se situent en zone sous-dotée, ce risque est près de huit fois supérieur au reste de la population. Sébastien Jumel

"Les personnes vivant en zone rurale vivent en moyenne deux ans de moins que les urbains", a indiqué Sébastien Jumel, avant d’évoquer une situation également très préoccupante dans les Outre-mer. Au-delà de la fracture territoriale, le député communiste a insisté sur la fracture sociale, là où "les personnes pauvres ont trois fois plus de risques de renoncer aux soins que les autres. Si elles se situent en zone sous-dotée, ce risque est près de huit fois supérieur au reste de la population".

Le levier de la formation des médecins

Si Sébastien Jumel dit avoir accueilli la réforme du numerus clausus, mise en place par le gouvernement et l'actuelle majorité, comme "une bonne nouvelle", il considère qu’elle ne règle pas spécifiquement le problème des disparités géographiques, et qu'elle ne produira quoiqu'il en soit ses premiers effets que dans dix ans. "Nous ne pouvons nous permettre d’attendre dix ans de plus", a-t-il aussi déclaré, arguant de la nécessité de mettre en place des mesures d’urgence.

L’article 1er de la proposition de loi conditionne le nombre d’étudiants formés à un critère unique reposant sur les besoins de santé des territoires, alors qu'aujourd'hui les capacités de formation sont également prises en compte. L’objectif de cette mesure est de "territorialiser les besoins de formation en médecine".

L’article 2 vise à généraliser le contrat d’engagement de service public. Créé par la loi "Hôpital, patients, santé, territoires" (HPST) du 21 juillet 2009, ce dispositif prévoit que les étudiants en médecine peuvent se voir accorder une allocation mensuelle à partir de la deuxième année d’études. En échange, les bénéficiaires s’engagent – pendant un nombre d’années égal à celui durant lequel ils auront perçu l’allocation, et pour 2 ans minimum – à choisir une spécialité moins représentée, ou à s’installer dans une zone où la continuité des soins est menacée.

Inscrire dans la loi le principe d’égal accès aux soins

Sébastien Jumel souhaite "formaliser le principe d’égal accès au soin et en préciser la définition en posant une limite maximale de trente minutes du domicile pour accéder aux soins". Lors de l'examen du texte, Stéphanie Rist (La République en marche), qui avait porté la loi "visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification", promulguée en avril, a considéré qu'il s'agissait d'une proposition "purement démagogique".

La proposition de loi souhaite aussi instaurer un conventionnement sélectif, afin que l’installation d’un médecin dans une zone à forte densité médicale ne puisse intervenir qu’en concomitance avec le départ d’un médecin de cette même zone. Car Sébastien Jumel en est convaincu, "nous devons prendre des mesures plus coercitives afin de garantir pour tous ce droit à la santé qui a valeur constitutionnelle". Cyrille Isaac-Sibille (MoDem) a estimé que contraindre les jeunes médecins "à aller là où ils ne veulent pas, ne fera que les faire fuir pour les orienter vers des emplois salariés", déclarant qu'il s'agissait tout au contraire de "rendre attractive la médecine de ville". Le texte propose par ailleurs d’élargir le périmètre d’action des hôpitaux de proximité, qui à ce jour, ne peuvent pratiquer d’actes de chirurgie ou d’obstétrique.

Le principe du conventionnement sélectif a reçu l’assentiment du groupe Socialistes et apparentés en la personne de Joël Aviragnet. Et Thierry Benoit (UDI et Indépendants) a approuvé l’expérimentation de mesures "de régulation", suite à celles, incitatives, déjà prises au cours des dernières années, qui n’ont pas suffi à endiguer le phénomène de désertification médicale. Le groupe Libertés et Territoires, par la voix de Jeanine Dubié, s’est également affirmé en accord avec l’ensemble des articles de la proposition de loi.

Un soutien transpartisan qui n’a pas convaincu la majorité qui a présenté et voté des amendements de suppression sur chaque article. Après cet examen en commission, la proposition de loi sera débattue dans l'Hémicycle de l'Assemblée, jeudi 2 décembre, dans le cadre de la journée d'initiative parlementaire du groupe Gauche démocrate et républicaine.