Déserts médicaux : l'Assemblée adopte définitivement la proposition de loi visant à "améliorer l'accès aux soins"

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Frédéric Valletoux LCP 12/12/2023
Le député Horizons Frédéric Valletoux (© LCP)
par Raphaël Marchal, le Mardi 12 décembre 2023 à 20:17

Les députés ont définitivement validé, ce mardi 12 décembre, la proposition de loi de Frédéric Valletoux (Horizons) visant à lutter contre les déserts médicaux, par 165 voix contre 24. Le texte avait fait l'objet d'un compromis entre députés et sénateurs en commission mixte paritaire. La proposition sera définitivement adoptée par le Parlement après une ultime validation prévue lundi prochain au Sénat. 

Le texte avait suscité des débats passionnés, y compris sur le sujet sensible de la "régulation" de l'installation des médecins, sans toutefois l'entériner. La proposition de loi "visant à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels" de santé a été définitivement adoptée par les députés, ce mardi 12 décembre, par 165 voix contre 24. Le texte défendu par Frédéric Valletoux (Horizons) avait fait l'objet d'un accord entre députés et sénateurs réunis au sein d'une commission mixte paritaire (CMP) la semaine dernière, à l'issue d'une première lecture dans chacune des deux Chambres du Parlement.

Le texte entend lutter contre les déserts médicaux, alors que "87% du territoire" national est concerné par cette situation, en "décloisonnant le système". Pour ce faire, il vise notamment à rééquilibrer la responsabilité des permanences de nuit entre établissements publics et privés. Ainsi, la proposition de loi propose de ne plus faire reposer essentiellement la permanence des soins sur les hôpitaux, mais d’y associer plus étroitement les établissements privés et leurs professionnels de santé. L'Agence régionale de santé (ARS) sera doté d'un pouvoir renforcé afin de pallier d'éventuelles carences.

En CMP, les parlementaires ont toutefois supprimé une disposition introduite à l'Assemblée nationale via un amendement transpartisan, qui prévoyait noir sur blanc que "l'ensemble des soignants" participent à la permanence des soins. "Au‑delà du fait qu’il constituait sans doute un irritant, [cet article] n’aurait rien changé quant au fonctionnement de la permanence des soins ambulatoires (PDSA) compte tenu de sa rédaction", a commenté Frédéric Valletoux. Premier signataire de l'amendement transpartisan, Guillaume Garot (Socialistes) a, au contraire, exprimé sa déception sur ce qu'il identifie comme un "recul".

Pas d'adhésion automatique aux CPTS

Autre aspect technique, mais d'importance : l'adhésion automatique des médecins à des "communautés professionnelles territoriales de santé" (CPTS), destinées à faciliter la coordination à l'échelon du territoire, n'a pas été retenue dans la version de la CMP. "Nous avons entendu les craintes des professionnels de santé", a expliqué Frédéric Valletoux. L'article qui portait cette disposition a tout simplement été supprimé du texte.

En revanche, les députés ont obtenu le renforcement des missions du conseil territorial de santé (CTS). Ce dernier pourra participer à l’élaboration des projets territoriaux de santé portés par les différents acteurs de la santé, sans pour autant "brider les initiatives des acteurs de l’offre de soins", a indiqué l'élu Horizons.

De la même manière, plusieurs mesures d'encadrement de l'activité des médecins ont été conservées, telles que l'interdiction de l'intérim pour tous les professionnels médicaux et paramédicaux en début de carrière, ou encore la lutte contre le "nomadisme médical". L'obtention des aides financières à l'installation sera ainsi limitée à une fois tous les 10 ans. En outre, les médecins, les chirurgiens-dentistes et les sages-femmes exerçant en libéral et souhaitant mettre fin à leur activité devront informer l’ARS et les ordres avec un préavis de six mois, sauf en cas de force majeure. Cette disposition doit permettre de mieux garantir la continuité de l’offre de soins dans les territoires.

Ticket modérateur, expérimentation...

Plusieurs dispositions ont rapidement fait consensus parmi les parlementaires, comme la neutralisation de la majoration du ticket modérateur pour les patients n’ayant plus de médecin traitant depuis moins d'un an, ainsi que le lancement d’une expérimentation visant à encourager l’orientation des lycéens issus de déserts médicaux vers les études de santé, ces derniers étant plus susceptibles de décider de rester sur leur territoire pour exercer.

Deux autres dispositions, notoirement attendues par la profession, ont été conservées, dont le renforcement du rôle du médecin coordonnateur en Ehpad. Ce dernier sera doté d'un pouvoir de prescription, ce qui permettra "d’éviter les hospitalisations inutiles", s'est félicité Yannick Neuder (Les Républicains). "Cela va à la fois rendre un grand service aux patients des Ehpad et soulager les urgences hospitalières."

Par ailleurs, la proposition de loi crée un statut "d'infirmier référent", qui doit permettre de mieux reconnaître leur rôle dans la coordination des parcours de soins et le suivi des patients, en lien avec le médecin traitant. Chaque assuré de plus de 16 ans pourra désigner son infirmier référent. Enfin, le texte prévoit la rénovation du régime applicable aux praticiens diplômés dans un pays situé hors de l'Union européenne, afin de permettre leur meilleure intégration.

Des critiques sur la portée du texte

Sans forcément remettre en cause le bien-fondé des mesures du texte, plusieurs parlementaires ont déploré un manque d'ambition. "Nous nous retrouvons, députés comme sénateurs, chargés d’examiner chaque trimestre des initiatives nombreuses et, souvent, louables, alors que seul un projet de loi ambitieux pourrait répondre efficacement aux multiples fractures de notre système de santé", a signalé la sénatrice Corinne Imbert (Les Républicains).

"Nous sommes encore loin d'engager la grande réforme dont notre système de santé a besoin", a regretté ce mardi Mathilde Hignet (La France insoumise). "En matière de santé publique, nous légiférons toujours à la marge de ce que sont les problématiques d'accès aux soins rencontrés par nos concitoyens", a critiqué Yannick Monnet (Gauche démocrate et républicaine), tandis que Laurent Panifous (Liot) a évoqué la multiplication d'initiatives parlementaires "forcément partielles" en l'absence d'un grand texte de loi.

"Je suis conscient que cette proposition de loi n'est pas une potion miracle qui débarrasserait l'hôpital public de tous ses maux", a reconnu Frédéric Valletoux à la tribune, appelant à mettre en place des "réformes ambitieuses, en poursuivant la transformation profonde des études médicales entamées en 2018" ou en s'attaquant "à toutes les dépenses inutiles qui ne servent pas l'intérêt général en santé". Il a toutefois indiqué que ce texte ferait "œuvre utile", tout comme Agnès Firmin-Le Bodo. "Avec comme valeurs cardinales la solidarité entre les territoires et les acteurs et la confiance envers les professionnels", a complété la ministre déléguée chargée de l'Organisation territoriale et des Professions de santé.