Les députés ont achevé, lundi 6 décembre en début de soirée, la discussion générale du projet de loi 3DS. Au cours de celle-ci, les groupes parlementaires ont débattu des relations entre Etat et collectivités territoriales et de la meilleure manière de répartir les compétences à l'échelle du territoire, laissant transparaître des visions bien différentes. Les élus LR et UDI ont été les plus critiques sur le projet, tandis que la majorité présidentielle a plusieurs fois fait part de son espoir de parvenir à un accord avec les sénateurs qui ont déjà examiné le texte.
Dernier grand texte de la législature, le projet de loi "relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale" est débattu depuis lundi 6 décembre après-midi dans l'Hémicycle de l'Assemblée nationale. Les quatre premières heures de débats ont permis d'écarter une motion de rejet préalable présentée par La France insoumise et d'effectuer une discussion générale technique, à l'image du texte, mais qui a engagé des points de vue très différents.
Auparavant, la ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, Jacqueline Gourault, qui prépare le projet de loi depuis plusieurs années, s'était félicitée de l'ambition du texte, censé "redonner toute sa force à l'idéal décentralisateur" d'un processus engagé il y a 40 ans, et qui nourrit désormais la "méfiance" de certains citoyens. Avec assurance, la ministre a martelé que le texte offrait toute une palette d'outils répondant aux attentes des élus locaux.
Prolongation de la loi SRU, transfert de routes aux départements et régions qui en font la demande, réforme de la métropole Aix-Marseille-Provence... Jacqueline Gourault a passé en revue les principales mesures prévues par le texte. "C'est un texte certes très technique, mais il est pragmatique et vise à faciliter la vie de nos concitoyens", a complété Élodie Jacquier-Laforge (MoDem). Plusieurs élus de la majorité ont fait part de leur optimisme quant à un futur accord avec le Sénat, lors de la commission mixte paritaire. Bruno Questel (LaREM) a ainsi eu un mot pour les rapporteurs du Palais du Luxembourg, évoquant "nombre d'ajouts du Sénat intéressants".
Plusieurs interventions venues de l'opposition ont égratigné ce satisfecit. Raphaël Schellenberger (Les Républicains) a fustigé un "grand rendez-vous manqué avec les collectivités territoriales", dressant le procès de l'Exécutif qui a cru, selon lui, tout diriger depuis l'échelon central. Il a regretté que le gouvernement ne touche pas à la loi "NOTRe", votée lors du précédent quinquennat, qu'il a qualifiée de "pire loi d'organisation territoriale depuis 1982". Dans une intervention en forme de réquisitoire, Raphaël Schellenberger a critiqué l'absence de véritable mouvement décentralisation, une différenciation "molle", avant d'évoquer son rêve d'une organisation respectant une subsidiarité ascendante, où c'est à l'échelon inférieur de décider qu'il n'a pas les moyens de répondre à un problème donné. "Malheureusement vous restez dans un rôle d'exécutants pour les élus locaux", a-t-il estimé.
Lors de la défense de la motion de rejet préalable de son groupe, Mathilde Panot (La France insoumise) a brocardé un "texte brouillon, difficilement lisible, avec des articles qui modifient des lois de moins de 4 mois, comme la loi Climat et résilience". La députée a critiqué l'inefficacité de plusieurs dispositions visant à limiter les inégalités, telles que l'expérimentation de l'encadrement des loyers. "Le choc de simplification s'adresse aux riches. La simplification ne marche pas pour les pauvres", a-t-elle conclu.
Sébastien Jumel (Gauche démocrate et républicaine) a pour sa part critiqué le phénomène de métropolisation et de régionalisation, aboutissant selon lui à la raréfaction des services publics dans certains territoires. "Les maisons France service sont un pansement pour camoufler les effets du déménagement de l’État", a-t-il estimé, appelant à la réforme du couple maire - préfet "à l'ancienne" où le second décide de tout.
Hervé Saulignac (Socialistes et apparentés) a fait part de son étonnement quant à l'expérimentation de transfert de routes aux régions, introduite par le texte, et qui ne saurait, selon lui, amener que davantage de complexité. L'une des interventions les plus tranchantes est venue de Pierre Morel-À-L'Huissier (UDI et indépendants). Incompréhension des procédures et des niveaux de compétence pour les élus de petites communes et les citoyens, "leurre de la décentralisation", texte "fourre-tout" répondant à une "commande politique" : le député n'a pas mâché ses mots face un projet de loi qui ne permettra pas, selon son analyse, d'effectuer un "choc de simplification" dans "le manteau d'arlequin indigeste" de toutes les organisations. "Nous persistons dans un magma administratif et institutionnel", a-t-il regretté.
Après la discussion générale, les députés ont entamé l'examen des articles du projet de loi. La discussion est programmée pour durer deux semaines jusqu'au vendredi 17 décembre.