Auditionné à l'Assemblée nationale par la commission d'enquête sur la TNT, l'homme d'affaires Xavier Niel s'est montré très critique envers l'Arcom, chargée d'attribuer les fréquences de la télévision numérique terrestre. Il a aussi décoché plusieurs flèches aux groupes M6 et TF1.
Arcom, M6, TF1... A la fois très critique et, peut-être, un peu désabusé, Xavier Niel, a tenu un discours sans ambages et multiplié les formules acérées, lors de son audition devant la commission d'enquête "sur l’attribution, le contenu et le contrôle des autorisations de services de télévision à caractère national sur la TNT", jeudi 21 mars, à l'Assemblée nationale. Candidat malheureux au rachat de M6, mais aussi à la fréquence de la sixième chaîne de la télévision numérique terrestre en 2023, le fondateur de Free et actionnaire du Monde et de Télérama, a notamment ciblé l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), chargée de l'attribution des fréquences.
"Ils n'ont rien fait pour que l'on y arrive", a estimé l'homme d'affaires des télécommunications et des médias, critiquant un appel d'offres qui "n'a pas été fait pour permettre l'arrivée d'un nouvel entrant". "L'Arcom a eu peur de la nouveauté, du dialogue, mais surtout de la compétition", a-t-il déploré, regrettant que la procédure n'ait "jamais été pensée autrement que comme un renouvellement automatique de fréquence". Selon lui, l'autorité de régulation a retenu le dossier de reconduction défendu par M6, "alors qu'il était moins disant sur les investissements dans la création, l'indépendance de la rédaction, le confort des téléspectateurs". "C'était plus safe de garder un truc qui existait déjà." Et de lâcher : "On n'a pas voulu de moi comme acteur de la TNT."
Dans le détail, Xavier Niel a épinglé une "consultation publique extrêmement tardive" et un délai d'un mois et demi, trop modeste à son goût, pour composer le dossier de candidature. "On a demandé une rallonge de temps, qui nous a été refusée", a-t-il soupiré. Avant de s'étonner que l'audition finale n'ait ensuite duré qu'une heure et demie, compte tenu de l'importance de la décision. Fort des enseignements tirés de cette déconvenue, Xavier Niel a fait part d'un enthousiasme modéré pour se porter à nouveau candidat à l'attribution d'autres fréquences de la TNT, lors du prochain renouvellement en 2025. Sans exclure une nouvelle candidature, il a en substance jugé peu utile, non sans une certaine ironie, de "perdre du temps et de l'argent pour prendre une baffe".
L'homme d'affaires a, en outre, critiqué le projet porté par M6. "Nous pensons que la télévision linéaire classique peut avoir un avenir. Malheureusement, les chaînes ne se renouvellent pas", a-t-il cinglé, réservant ses réprobations les plus vives au groupe dirigé par Nicolas de Tavernost, qui a récemment annoncé sa décision de passer la main. "M6 un bateau qui glisse doucement, qui marche très très bien, et qui ne se repense pas", a estimé l'actionnaire majoritaire d'Iliad. La "chaîne la plus rentable d'Europe" n'agit, d'après lui, "pas toujours" dans l'intérêt du téléspectateur. Et de livrer son analyse selon laquelle face aux baisses d'audience, le groupe aurait décidé de diminuer ses coûts de production, dans l'optique de conserver des profits importants, au détriment de la qualité du contenu.
Les chaînes des six premiers canaux veulent maximiser leurs profits et ne font rien pour se renouveler. Xavier Niel
Tout le contraire, a-t-il affirmé, de la chaîne Six, projet qu'il a défendu devant l'Arcom pour récupérer la fréquence de M6. "Notre projet, c'était de faire passer les gens avant l'argent, [...] de créer une chaîne généraliste avec beaucoup d'engagement de création patrimoniale. Aujourd'hui, M6, c'est une chaîne qui investit peu", a-t-il développé.
Xavier Niel a également décoché quelques flèches au groupe TF1, jugeant que ses chaînes "sont d'une manière générale pro-gouvernementales". "Elles vont être toujours du côté du fort, du pouvoir, car elles vont potentiellement obtenir des avantages. C'est leur modèle. Personne n'est dupe. [...] C'est consanguin à ce qu'elles font et les raisons pour lesquelles elles existent", a-t-il lancé, tout en saluant la "bonne gestion éditoriale" des chaînes de Martin Bouygues.
En fin d'audition, l'homme d'affaires a d'ailleurs quelque peu nuancé ses critiques, estimant que TF1 et M6 sont des "chaînes incroyables, qui sont très rentables". "C'est peut-être de la jalousie..."