Un mois après la parution de leur rapport sur "les incidences économiques de l’action pour le climat", Jean Pisani-Ferry et Selma Mahfouz ont été auditionnés à l'Assemblée nationale sur les enjeux et le coût de la transition écologique, ainsi que sur les choix possibles en la matière.
"Le coût de l’inaction est supérieur au coût de l’action pour le climat, néanmoins celui-ci n’est pas négligeable" : c'est le principal message qu'a souhaité transmettre Jean Pisani-Ferry aux députés, mercredi 28 juin, à l'Assemblée nationale.
Jean Pisani-Ferry, économiste ayant contribué au programme d'Emmanuel Macron en 2017 a rendu le mois dernier avec sa collègue économiste Selma Mahfouz un rapport pour France Stratégie intitulé "Les incidences économiques de l’action pour le climat". L'invitation envoyée par le président de la commission des finances Eric Coquerel (La France insoumise) avait précisément pour but de livrer aux députés les enseignements de cette étude, s'inscrivant dans la suite de deux contributions précédentes (voir ici et là).
Dans ses propos introductifs, Jean Pisani-Ferry est revenu sur les principaux enseignements de son étude : au-delà du coût éventuel que représenterait l'inaction climatique, la transition écologique devra être "guidée" par les pouvoirs publics avec des investissements annuels nécessaires estimés entre 60 et 70 milliards d'euros par an. La "redéfinition de l'articulation entre normes collectives et utilité individuelle" sera également une condition de réussite de la transition.
Trois outils fiscaux sont proposés dans le rapport : les financements privés, l'endettement ou les prélèvements obligatoires. A cet égard, l'économiste a défendu devant les députés l'une des mesures phares de l'étude : si le retour de l'impôt sur la fortune, "pas un bon impôt", n'est pas envisagé, un "prélèvement exceptionnel et non-récurrent sur le patrimoine financier des ménages les mieux dotés" doit, selon lui, s'imposer face à une "transition [écologique] spontanément inégalitaire".
Comment financer cette transition, alors que la rapporteure Selma Mahfouz a mis en valeur le fait que les investissements nécessaires représenteraient "5 à 6 points de PIB [annuel] en 2030 et le double en 2040" et que la puissance publique devrait investir a minima 30 milliards d'euros par an en la matière ?
Pour Jean-René Cazeneuve (Renaissance), la transition écologique ne doit pas se faire au détriment de la santé des finances publiques françaises. Le rapporteur général du budget appelle à "maintenir" les prélèvements obligatoires en l'état, ceux-ci se situant à ses yeux à un "niveau très élevé" - un avis partagé par Jocelyn Dessigny (Rassemblement national). En outre, Jean-René Cazeneuve a indiqué, comme les représentants du groupe Renaissance, privilégier d'autres pistes, notamment des "solutions européenes et internationales".
"Il faut faire contribuer les plus riches" a, en revanche, plaidé Mickaël Bouloux (Socialistes) qui a déploré "le risque que font peser sur la cohésion sociale les exonérations de charges et les suppressions d'impôts décidées à tout-va par le gouvernement".
Le rapport, commandé par la Première ministre, Elisabeth Borne, pour alimenter la réflexion du gouvernement, doit permettre d'éclairer l'action de l'exécutif. Après l'adoption des projets de loi relatifs à l'accélération des énergies renouvelables et du nucléaire au début de l'année, plusieurs textes législatifs liés à l'enjeu climatique sont attendus dans les prochains mois - notamment une révision de la programmation pluriannuelle de l'énergie.
Interrogé par les députés sur la stratégie du gouvernement, Jean Pisani-Ferry a regretté l'absence de stratégie clairement indiquée à ce stade et regretté certains réactions gouvernementales récentes empreintes d'"impossibilités" quant à la manière de mener la transition écologique : "non aux prélèvements obligatoires, non à l'endettement... On attend de savoir, et on saura assez bientôt quel est le plan de financement que le gouvernement envisage".