Alors que la Première ministre a engagé la responsabilité du gouvernement sur la première partie du projet de loi de finances pour 2023, l'exécutif et la majorité arguent que le débat a eu lieu et qu'il a permis d'enrichir le texte sans le dénaturer. Pas de quoi, cependant, satisfaire les oppositions à commencer par les groupes de la Nouvelle union populaire écologique et sociale, ainsi que le groupe du Rassemblement national, qui ont décidé de réagir en déposant des motions de censure.
"Une centaine d'amendements a été retenue, y compris des amendements de l'opposition", a indiqué Élisabeth Borne, mercredi 19 octobre, à la tribune de l'Assemblée nationale, alors qu'elle s'apprêtait à annoncer le recours à l'article 49 alinéa 3 de la Constitution pour faire adopter la première partie du budget. "Le texte que je vous présente aujourd’hui n’est pas le décalque du projet qui a été initialement soumis", a assuré la Première ministre. Mais quelles sont les propositions des députés qui ont finalement été intégrées au projet de loi de finances pour 2023 ?
Parmi les amendements qui ont passé le filtre du 49.3, a notamment été retenu par le gouvernement le principe d'un "filet de sécurité" énergétique pour les collectivités locales. Cet amendement à l'initiative de la députée Horizons Lise Magnier, propose un dispositif bénéficiant à celles d'entre elles qui auront subi en 2023 une perte d'épargne brute égale ou supérieure à 25 %, et dont la hausse des dépenses d'énergie sera supérieure à 60 % de la progression des recettes réelles de fonctionnement.
Alors que plusieurs amendements issus des bancs de la gauche, et en particulier du groupe Écologiste, visaient à créer des taxes supplémentaires sur les yachts et les jets privés, par exemple en les assujettissant à l'impôt sur la fortune immobilière (IFI), la majorité a pour l'heure supprimé le taux d'accise réduit dont bénéficient les jets privés pour leur carburant. L'amendement, à initiative de Jean-Marc Zulesi (Renaissance), aligne la fiscalité du kérosène des jets privés sur celle de l'essence automobile.
En revanche, l'un des amendements les plus symboliques de cette première lecture du projet de loi de finances à l'Assemblée, en faveur d'une "flat tax" à 35% sur les super-dividendes, défendu par le président du groupe MoDem, Jean-Paul Mattei, n'a pas été retenu. Le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, s'était toujours opposé au principe de cette taxation visant les entreprises ayant un chiffre d'affaires supérieur à 750 millions d'euros, qui auraient versé des dividendes supérieurs de 20% à la moyenne de ceux qu'elles avaient attribués au cours des cinq dernières années. Le gouvernement argue d'une volonté de soutenir la compétitivité et de ne pas grever l'attractivité à l'égard des investissements étrangers en créant de nouveaux impôts ou de nouvelles taxes.
C'est un amendement auquel la majorité avait fini par se rallier, face à des oppositions unies pour le faire adopter : il prévoit que, quel que soit l'âge du décès de l'époux, c'est-à-dire même si ce dernier n'avait pas atteint celui requis pour percevoir sa pension d'ancien combattant, sa veuve pourra bénéficier d'une demi-part fiscale supplémentaire. Les Républicains, la Nupes et le Rassemblement national s'étaient réjouis d'une seule voix de l'adoption de la mesure lors de son vote dans l'hémicycle.
L'exécutif a également retenu des amendements transpartisans visant à soutenir les ménages ayant recours à la garde d'enfants. En 2023, le plafond de crédit d'impôt en la matière passera de 2300 à 3500 euros par enfant à charge.
Issu des bancs LR, mais soutenu par le président de la commission des finances, Eric Coquerel (LFI), l'amendement défendu par Marc Le Fur afin d'augmenter la part défiscalisée des titres-restaurant, et porter leur valeur faciale jusqu'à 13 €, contre 11,84 € actuellement, a également été préservé.
Parmi les amendements de la Nupes finalement retenus, celui de Julien Bayou (Écologiste) visant à légaliser l'utilisation d'huile de friture usagée comme carburant.
Également sauvegardé, l'amendement de Christine Pirès-Beaune (Socialistes et apparentés), visant à instituer l'obligation de faire figurer sur les formulaires de crédit d’impôt pour "service à la personne", la nature de l'activité. L'amendement de la députée qui souhaitait exclure de ce crédit d'impôt les activités de gardiennage de résidences secondaires avait en revanche été rejeté dans l'hémicycle, après avoir été adopté en commission des finances.
Autre mesure issue du groupe Socialistes et apparentés et retenue par le gouvernement, celle portée par Valérie Rabault, qui prolonge d'un an supplémentaire le taux réduit à 5,5% de TVA applicable aux masques et produits d'hygiène destinés à la lutte contre la propagation du Covid-19.
Interrogé par l'Association des journalistes parlementaires (AJP) au lendemain de l'annonce du 49.3 par la Première ministre, Franck Riester a assumé le fait que n'aient été retenus que des amendements à l'initiative de groupes que le gouvernement considère comme faisant partie de "l'arc républicain". Dans le texte soumis au 49.3, l'exécutif a conservé "des amendements de tous les partis sauf ceux initiés spécifiquement" par le RN et LFI, a-t-il souligné. Le ministre chargé des Relations avec le Parlement a également indiqué que le "tri" avait été fait à la lumière de deux grands principes destinés à garantir la cohérence du projet de loi de finances avec la politique économique menée sous l'impulsion d'Emmanuel Macron : "pas d'augmentation de la fiscalité", et l'objectif de "l'équilibre financier".
Au total, ce sont un peu plus d'une centaine d'amendements qui ont été conservés par le gouvernement, ce qui reviendrait, selon le chiffrage de Bercy, à une hausse des dépenses du budget d'environ 700 millions d'euros, et devrait lui permettre de tenir son objectif des 5 % de déficit par rapport au PIB.
Après cette première phase de discussions à l'Assemblée nationale, le projet de loi de finances va maintenant poursuivre son parcours législatif. Après les recettes, c'est la partie dépenses du budget de l'Etat qui sera examinée au Palais-Bourbon à partir de la semaine prochaine. Puis, le texte sera débattu au Sénat, avant de revenir à l'Assemblée. "Bien évidemment, il y aura encore des enrichissements du texte, parce que c'est notre état d'esprit", a indiqué jeudi Franck Riester.