Taxe sur les "super-dividendes" : les députés votent un amendement MoDem contre l'avis du gouvernement

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Hémicycle 12 octobre 2022
par Soizic BONVARLET, le Mercredi 12 octobre 2022 à 20:46, mis à jour le Jeudi 13 octobre 2022 à 12:34

Les députés ont adopté, dans la nuit de mercredi à jeudi, un amendement visant à taxer les "super-dividendes" versés par les grandes entreprises (plus de 750 millions de chiffre d'affaires) qui réalisent des "superprofits". Cet amendement, voté en première lecture contre l'avis du gouvernement lors de l'examen du budget, a été présenté par le président du groupe Démocrate, Jean-Paul Matteï, qui fait partie de la majorité. 

"Nous prendrons tout le temps nécessaire pour avoir le meilleur budget possible. Mais viendra un moment où il faudra bien qu'il y ait un budget pour la France, et le gouvernement prendra ses responsabilités". Mercredi 12 octobre, alors que l'Assemblée nationale entamait l'examen des articles du projet de loi de finances pour 2023, c'est ainsi que le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, a répondu aux oppositions qui lui demandaient de clarifier les intentions du gouvernement quant à la manière et au moment dont il comptait faire usage du 49.3. Car, sans majorité absolue et alors que les oppositions sont prêtes à voter contre le budget, la question n'est pas de savoir "si", mais bien "quand", l'exécutif aura recours à cette possibilité. La Constitution contient "des instruments qui nous permettent de garantir au peuple français qu'il aura bien un budget pour 2023", a indiqué Bruno Le Maire, alors que le matin même le Conseil des ministres avait autorisé le gouvernement à faire usage de l'article 49 alinéa 3 lorsqu'il le jugerait nécessaire.  

"L'utilisation du 49.3 est constitutionnellement possible, mais démocratiquement inacceptable", a rétorqué Alexis Corbière (La France insoumise) à Bruno Le Maire, quand le président du groupe Socialistes et apparentés, Boris Vallaud, a évoqué une "épée de Damoclès" déjà en train de "poindre" sur la représentation nationale. "La démocratie, c'est le débat", a alors réaffirmé le ministre de l’Économie, "le peuple et ses représentants [...], mais c'est aussi la Constitution".

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L'article liminaire du texte rejeté

L'article liminaire du projet de loi de finances, qui fixait la prévision du déficit public à 5% du PIBa été rejeté par 192 voix contre 175. Un revers pour le gouvernement, qui avait déjà essuyé une déconvenue la veille, avec le détricotage du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023-2027. Le ministre délégué aux comptes publics, Gabriel Attal, avait dénoncé "une coalition de l'irresponsabilité" face au rejet massif des articles du texte de la part de l'ensemble des oppositions représentées dans l'hémicycle. 

Si les débats se sont déroulés dans une ambiance relativement apaisée mercredi, les oppositions ont néanmoins adopté dans la soirée une mesure proposée par Marc Le Fur (Les Républicains) et Charles de Courson (Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires), afin de relever la part défiscalisée des titres-restaurant, et porter leur valeur faciale à 13 €, contre 11,84 € actuellement. Soutenus par le président de la commission des finances, Eric Coquerel (La France insoumise), les deux amendements identiques ont été adoptés contre l'avis du gouvernement et de la commission.

Flat tax à 35% sur les "super-dividendes" 

Mais c'est de la majorité que la principale surprise est venue dans la nuit de mercredi à jeudi. Le président du groupe "Démocrate", Jean-Paul Matteï, a en effet présenté un amendement en faveur d'une "flat tax" à hauteur de 35% sur les super-dividendes qui seraient versés par les grandes entreprises (plus de 750 millions de chiffre d'affaires), qui réalisent des superprofits, et distribueraient des dividendes supérieurs de 20% à la moyenne des ceux qu'elles ont attribués au cours des cinq dernières années (entre 2017 et 2021). "La mesure est bien encadrée, ce n'est pas une révolution fiscale", a estimé Jean-Paul Matteï pour défendre cette proposition qui revient à mettre en place une majoration temporaire de 5 points du prélèvement forfaitaire unique (qui passerait donc de 30 à 35%), afin de dissuader les entreprises concernées de distribuer des résultats exceptionnels sous forme de "super-dividendes".

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Alors que le ministre délégué au Comptes publics, Gabriel Attal, a mis en garde contre un dispositif "qui nuirait à la confiance des investisseurs", le président de la commission des finances, Eric Coquerel (La France insoumise) a vanté "une bonne ligne directrice sur laquelle il faut avancer" et Christine Pirès-Beaune (Socialistes et apparentés) s'est réjouie d'une "valeur désincitative" de la mesure sur le versement des dividendes. Le Rassemblement national, en la personne de Jean-Philippe Tanguy, a pour sa part fait l'éloge d'"un travail de grande qualité" et d'"un amendement très raisonnable, très constructif". Enfin, et alors que le débat sur la taxation des superprofits n'en finit pas de rebondir dans le contexte du mouvement social en cours chez Total et Esso, Sébastien Jumel (Gauche démocrate et républicaine) a considéré qu'"avec les 'marcheurs', les seuls qui ne sont pas obligés de faire grève pour être augmentés, c'est les actionnaires", avant de donner également son blanc-seing à l'amendement.

Ce dernier a été adopté en fin de soirée par 227 voix pour, 88 contre. Dans le détail, les députés des groupes de la Nouvelle union populaire écologique et sociale, ainsi que ceux du Rassemblement national, ont voté pour l'amendement de Jean-Paul Matteï. Et 35 députés du groupe Démocrate, qui émane du MoDem de François Bayrou, ainsi que 19 députés du groupe Renaissance, le parti du président de la République, ont également voté en faveur de cet amendement contre l'avis du gouvernement. 

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