Après le rejet du volet "recettes" du projet de loi de finances en commission, les députés s'apprêtent à entamer l'examen du budget de l'Etat dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale, ce mardi 17 octobre. Avec la perspective d'un 49.3 plus précoce que l'an dernier.
Dans la nuit du vendredi 13 au samedi 14 octobre, à l'issue de 39 heures de discussions, les députés de la commission des finances ont rejeté (par 19 voix contre 16) la première partie du projet de loi de finances pour l'année 2024, portant sur les recettes de l'Etat. Si le rapporteur général du budget à l'Assemblée nationale, Jean-René Cazeneuve (Renaissance), a qualifié ces débats de "posés et intéressants", ils se sont aussi avérés laborieux et difficiles pour la coalition présidentielle.
Dès le début de l'examen en commission, l'exécutif a en effet essuyé une série de revers, avec plusieurs amendements votés contre l’avis du rapporteur général, dont certains émanant du groupe Démocrate (députés MoDem et indépendants), qui fait pourtant partie des soutiens du gouvernement avec les groupes Renaissance et Horizons. Parmi ceux-ci, un amendement instaurant une indexation sur l'inflation "différenciée" de l'impôt sur le revenu, ou l'application du prélèvement forfaire unique (PFU) sur les revenus fonciers. Les députés ont également adopté une mesure portée par le président de la commission des finances, Eric Coquerel (La France insoumise), reprenant un amendement du MoDem voté l'an dernier, en faveur d'une taxation exceptionnelle des "superdividendes" des grandes entreprises.
Compte tenu de la procédure législative spécifique qui s'applique au projet de loi de finances, c'est le texte du gouvernement dans sa version initiale qui sera examinée à partir de mardi 17 octobre dans l'hémicycle du Palais-Bourbon. Mais l'expérience de l'an dernier, ainsi que la tournure des débats en commission, pourraient inciter le gouvernement à engager sa responsabilité en utilisant le 49.3 plus rapidement que l'an dernier concernant la première partie du budget.
"Je ne suis pas certain que le débat va s'éterniser dans l'hémicycle", a prévenu le rapporteur général du budget, lundi 16 octobre, à la veille du coup d'envoi de la discussion en séance. Avec 39 heures de débats en commission des finances, Jean-René Cazeneuve estime que "le débat a eu lieu". Anticipant les critiques qui viendront des oppositions, il souligne qu'avoir laissé durer l'examen de la partie recettes l'an dernier n'avait pas permis d'éteindre les reproches lorsque le 49.3 avait finalement été utilisé par le Première ministre, Elisabeth Borne.
On assiste à un certain nombre d'amendements individuels, déposés uniquement pour exister (...) La discipline au sein des partis n'est plus ce qu'elle était. Jean-René Cazeneuve
Pour appuyer la perspective d'un 49.3 plus précoce que l'an dernier, le rapporteur général du budget remarque, en outre, que pas moins de 5400 amendements ont été déposés pour l'examen de la première partie du texte en séance et avant le couperet de la recevabilité, contre 3600 l'an dernier, ce qui correspond, selon ses mots, à une "augmentation vertigineuse" posant question au regard même du bon fonctionnement des institutions. Et de rappeler que durant la décennie précédente, le nombre d'amendements déposés sur le volet recettes du projet de loi de finances oscillait plutôt entre 300 et 400.
Autant de raisons laissant présager un recours au 49.3 qui ne devrait pas se faire trop attendre. L'an dernier, il avait été déclenché à l'issue de 7 jours de débats dans l'hémicycle. De leur côté, les oppositions réclament du temps pour le débat et de la considération pour les amendements qui pourraient être votés en séance. En engageant sa responsabilité, le gouvernement décide en effet du contenu du texte et peut ainsi choisir de retenir, ou pas, tel ou tel amendement. Des discussions ont d'ailleurs déjà eu lieu sur certains points et se poursuivent sur d'autres, afin de prendre en compte des propositions émanant de la coalition présidentielle, notamment en matière de logement.
La semaine dernière, le président du groupe Renaissance, Sylvain Maillard, avait défendu un budget "protecteur" et "responsable", entre lutte contre l'inflation et redressement des finances publiques. Pas de quoi convaincre les oppositions, d'autant que s'agissant du projet de loi de finances, qui fonde la politique du gouvernement, les députés qui soutiennent l'exécutif votent traditionnellement "pour", tandis que ceux qui s'y opposent votent "contre". Cette année encore, en présence d'une majorité qui n'est que relative à l'Assemblée nationale, la séquence budgétaire donnera lieu à une série de 49.3 et de motions de censure.
Habituellement qualifié de marathon, le débat budgétaire qui occupe largement l'ordre du jour du Palais-Bourbon jusqu'à la fin de l'année, risque donc de se transformer en une succession de sprints au fil des différentes séquences. Et en course d'obstacles pour le gouvernement.