Les députés ont interrompu leurs travaux sur la partie "recettes" du budget de l'Etat pour l'année prochaine dans la nuit du samedi 26 au dimanche 27 octobre, laissant quelque 1 500 amendements en suspens. L'examen du texte, largement modifié par les groupes d'opposition - ce qui n'a rien de définitif le processus budgétaire étant encore long - devrait reprendre le 5 novembre, après l'examen du budget de la Sécurité sociale.
Il est minuit. La présidente de l'Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, met fin à une semaine de débats sur la partie "recettes" du projet de loi de finances pour 2025 (PLF), sans que les députés ne soient parvenus à en achever l'examen, dans le temps imparti, samedi 26 octobre au soir. Et pour cause : 1 507 amendements restent encore en discussion ce qui, au rythme des débats depuis leur coup d'envoi lundi, nécessiterait plusieurs jours de séance.
Depuis le début de la semaine, la copie gouvernementale, examinée en première lecture, a été largement transformée. Pérennisation de la surtaxe sur les hauts revenus, suppression de la hausse de la taxe sur la consommation d'électricité, net alourdissement de la contribution exceptionnelle sur les grandes entreprises qui, de ce fait, a finalement été rejetée... Confronté à des oppositions pouvant le mettre en minorité à tout moment et soutenu par des groupes politiques qui ne sont pas d'accord sur tout avec lui, le gouvernement a subi des revers répétition.
Pour la seule journée de samedi, le gouvernement n'a pu empêcher les députés de voter la pérennisation de la taxe demandée à l'armateur CMA CGM, le rétablissement progressif de la CVAE (cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises) dont le projet de budget prévoit au contraire l'extinction totale en 2030, la suppression du durcissement du malus écologique sur les voitures essence et diesel, une taxe exceptionnelle sur les dividendes distribués par les entreprises du CAC 40...
"Vous avez organisé une sorte d'overdose fiscale", a fini par s'agacer Jean-René Cazeneuve (Ensemble pour la République), en s'adressant au Nouveau Front populaire dans la nuit de samedi à dimanche, alors que la séance touchait à sa fin. "C'est caricatural ce que vous avez fait ce soir. Et à chaque fois que vous inventez un impôt nouveau, vous vous applaudissez !"
Les groupes d'opposition, responsables de la rupture des équilibres initiaux du projet de loi de finances, ont en retour critiqué l'attitude d'un "socle commun" parfois divisé et peu mobilisé, les bancs du bloc central de l'hémicycle étant souvent restés clairsemés tout au long de la semaine. "Michel Barnier, derrière son air de sage, est en fait machiavélique. Pour cacher les 30 milliards d'euros d'impôts qu'il y a dans son budget, pour paraître raisonnable, il voulait que le NFP multiplie les taxes", a estimé Jean-Philippe Tanguy (Rassemblement national) à l'issue de la séance. Dans le même esprit, son collègue Matthias Renault (RN) a reproché à l'alliance de gauche d'avoir offert "un plan de communication à la minorité gouvernementale".
De son côté, le président de la commission des finances, Eric Coquerel (La France insoumise), a fait part de sa "satisfaction" après le vote de plusieurs dizaines de milliards de recettes supplémentaires permettant, selon le Nouveau Front populaire, plus de justice fiscale. Tout en restant lucide sur l'avenir de la version du budget esquissée par les députés.
Dans un premier temps, l'examen de la première partie du projet de loi de finances n'ayant pas été achevé, le vote solennel jusque-là programmé mardi 29 octobre n'aura pas lieu. Et les débats sur les recettes devraient reprendre le 5 novembre, après l'examen du budget de la Sécurité sociale, qui arrive dans l'hémicycle ce lundi 28 octobre. Cela qui retardera l'examen de la partie "dépenses" du PLF, les crédits des ministères ne pouvant être abordés sans l'adoption de la partie recettes.
En cas de rejet de la première partie, l'ensemble du projet de budget de l'Etat serait, en outre, directement transmis au Sénat, où le gouvernement dispose d'une majorité. Et, même en cas d'improbable adoption des recettes, les députés entameraient la discussion sur les dépenses sans pouvoir, très certainement, les examiner entièrement.
En effet, alors que deux semaines étaient prévues pour l'examen de la deuxième partie, du 5 au 21 novembre, le délai de 40 jours dont dispose l'Assemblée pour se prononcer sur l'ensemble du budget en première lecture, conformément à l'article 47 de la Constitution, s'éteindra le 21 novembre. Entièrement examiné ou pas, voté ou pas, au Palais-Bourbon le projet de loi de finances sera alors transmis au Sénat.
La droite et le centre étant majoritaires au Palais du Luxembourg, le gouvernement pourra alors reprendre la main, puis miser sur un accord entre députés et sénateurs en commission mixte paritaire, ce qui lui permettra de se rapprocher des équilibres initiaux du texte. C'est à ce moment-là, pour obtenir la validation de l'accord à l'Assemblée nationale que Michel Barnier aura quasi inévitablement recours au 49.3, ce qui l'exposera au risque d'une d'une motion de censure.
La bataille pour le budget est peut-être interrompue, mais elle ne fait que commencer.