Au Bourget, une délégation de députés face aux défis de la "capacité opérationnelle" et de la "durabilité" en matière de Défense

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par Léonard DERMARKARIANvalérie brochard, le Vendredi 23 juin 2023 à 16:35, mis à jour le Lundi 26 juin 2023 à 10:24

Alors que la loi de programmation militaire est en cours d'examen au Parlement, une délégation de députés s'est rendue au 54ème Salon International de l'Aéronautique et de l'Espace (SIAE). Saluant les réussites de l'industrie aérienne et spatiale française, le président de la commission de la défense, Thomas Gassilloud, a appelé à "rester au meilleur niveau".

Des drones, des casques de réalité virtuelle et des poignées de main... Avant les démonstrations aériennes étourdissantes et assourdissantes de Rafales et autres aéronefs clôturant leur déplacement, le 54ème Salon international de l'Aérien et de l'Espace (SIAE) aura été, pour une délégation de députés essentiellement issus de la commission de la défense, l'occasion d'observer le savoir-faire français en matière d'industrie aéronautique et spatiale. 

Jeudi 22 juin, le président de la commission, Thomas Gassilloud (Renaissance), et les députés composant la délégation, ont arpenté pendant plusieurs heures les stands du plus grand événement aéronautique mondial, qui se tient jusqu'à dimanche au Bourget (Seine-Saint-Denis). L'occasion pour Thomas Gassilloud de rappeler que la priorité de la commission qu'il préside est "la Défense nationale et les capacités opérationnelles des Armées", mais aussi d'évoquer le défi qui consiste à "assurer la durabilité de notre Défense nationale" dans ses volets financier, technologique et environnemental.

Alors que la prochaine loi de programmation militaire (LPM), prévoyant 413 milliards d'euros pour les armées françaises sur la période allant de 2024 à 2030, a été récemment adoptée en première lecture par l'Assemblée nationale et est actuellement examinée au Sénat, ce déplacement au Salon du Bourget - qui n'avait pas eu lieu depuis 2019 pour cause d'épidémie de Covid - de faire un tour d'horizon des mutations stratégiques et technologiques en cours dans l'aérien et spatial. 

"Des évolutions technologiques à intégrer, sous peine de déclassement"

Au fil des stands et des discussions, la visite des députés a permis d'illustrer certains des enjeux présents dans la loi de programmation militaire et qui ont résonné dans l'hémicycle de l'Assemblée lors de l'examen du texte. Sur le stand Aubert-Duval, produisant notamment des pièces pour les canons d'artillerie César, les échanges ont porté sur la nécessité de reconstituer des stocks minimaux de munitions - une disposition prévue par la LPM - et de "réduire les cycles" de production ce qui, selon le président du groupe Bruno Durand, passera par des recrutements face au manque de bras, ainsi que par des simplifications administratives.

La journée a aussi été l'occasion de présenter les transformations que le gouvernement et la majorité présidentielle veulent impulser et mettre en œuvre, d'ici la fin de la décennie, à travers la loi de programmation militaire - "des évolutions technologiques [devant être intégrées], sous peine de déclassement opérationnel", a souligné Thomas Gassilloud.

Il en va ainsi des drones, un tournant technologique mis à l'honneur au Bourget, aussi bien par les industriels que par l'État. Après un retard à l'allumage, ministère des Armées et industriels investissent de plus en plus fortement et visiblement le secteur - à l'image de Turgis & Gaillard, une entreprise française qui a officiellement présenté son drone de combat moyenne altitude-longue endurance (MANE) "Aa'rok". Le premier vol est prévu à la fin de l'année, pour une mise en service en 2025.

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Le drone Aarok au salon du Bourget, le 22 juin 2023.
Le drone Aarok de l'entreprise française Turgis & Gaillard, présenté lors de la 54ème édition du Salon du Bourget, le 22 juin 2023.
Léonard Dermarkarian

En pleine croissance, le marché des drones est dominé par le modèles américain Reaper et turc Bayraktar. La LPM 2024-2030 prévoit 5 milliards d'euros pour renforcer les capacités de la France en la matière, les drones étant de plus en plus décisifs dans la conduite d'opérations.

Coûtant moitié moins que le Reaper et pouvant effectuer à la fois des frappes et du renseignement, le drone Aa'rok doit permettre l'acquisition d'une souveraineté française pour ce type d'équipement, avec de potentiels usages civils envisagés (comme la surveillance des feux de forêt) - un exemple de "dualité" des investissements militaires, selon le président de la commission de la défense.

Le système de combat aérien du futur sur toutes les lèvres

Alors que les questions d'autonomie stratégique et de Défense européenne ont revêtu une tonalité nouvelle à la faveur de la guerre en Ukraine, le déplacement des députés a également été l'occasion d'échanger sur les partenariats industriels militaires européens, en particulier le système de combat aérien du futur (SCAF), porté depuis 2017 par la France, l'Allemagne et l'Espagne.

Après l'accumulation de différends diplomatiques et industriels, le Salon du Bourget se veut être la démonstration d'avancées sur le projet. Côté étatique, la Belgique vient de rejoindre le projet en tant qu'observateur. Côté industriels, les désaccords opposant Dassault et Airbus ont été résolus, et ces derniers mettent en valeur le travail de leurs équipes sur le premier démonstrateur de vol, attendu pour 2025.

Côté politique, si la LPM a reflété la franche opposition du Rassemblement national rejetant la "chimère" de la Défense européenne et le scepticisme de La France insoumise face aux partenariats industriels européens, la visite au Bourget a cependant été l'occasion pour Thomas Gassilloud de se féliciter des avancées du SCAF, "une condition de la souveraineté stratégique européenne."

Quelle "décarbonation" pour le secteur aéronautique et spatial ?

Alors que le secteur de l'aviation est particulièrement pour son rôle dans le réchauffement climatique (près de 3% des émissions de gaz à effet de serre mondiales par an) et que le nombre de passagers transportés par les airs pourrait doubler d'ici 2037, l'édition 2023 du Salon du Bourget met à l'honneur la "décarbonation" du secteur aéronautique et spatial, présentant à la fois des avantages civils et militaires.

Du côté des Armées françaises, décarbonation rime avec discrétion stratégique. Stéphane Mille, chef d'état-major de l'armée de l'Air et de l'Espace, a ainsi indiqué que des expérimentations étaient en cours pour faire voler des drones à l'hydrogène. Cette technologie permettrait une réduction des signatures sonore et infrarouge des équipements militaires en vol, ainsi qu'un allongement de l'autonomie de vol qui ne se mesurerait plus en heures, mais en semaines. Le chef d'état-major n'a, en revanche, pas caché son scepticisme face au développement à court-terme d'un "Rafale électrique."

N’attendez pas de moi de faire un Rafale électrique, ça ne marche pas. Stéphane Mille, chef d'état-major de l'Armée de l'air et de l'espace

Du côté du Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales (GIFAS), le Salon est l'occasion de mettre en avant ses efforts en matière environnementale, notamment à travers une "feuille de route" présentée en mars. Selon le GIFAS, celle-ci ferait du secteur aérien le "premier secteur" fortement émetteur de gaz à effets de serre (GES) en France à avoir respecté les obligations de la loi Climat et résilience, imposant notamment à ces secteurs des objectifs de baisse d'émission pour réaliser la stratégie nationale bas-carbone (SNBC) de la France. Le GIFAS vise une activité décarbonée de l'aéronautique "à près de 80%" d'ici 2050.

Un objectif mis en avant par Eric Trappier sur le stand Dassault Aviation. Le PDG du groupe produisant avions civils et militaires, se targuant de produire quasiment 100% du Rafale en France, a indiqué viser l'objectif de zéro émission carbone net d'ici 2050, notamment via l'utilisation déjà entamée de carburants alternatifs.

Des objectifs suscitant des doutes et des interrogations exprimés par la députée Christine Arrighi (Écologiste). Présente au Salon, l'élue membre de la commission des finances et qui a récemment été rapporteure d'une mission d'information sur le financement des transports en France (disponible ici), a déploré l'absence au Bourget des grands groupes pétrogaziers. Une absence reflétant, selon elle, la difficulté à avancer concrètement sur les carburants durables, ainsi que la nécessité de repenser les mobilités à l'heure de la transition et de la sobriété écologiques.

forfait" réservé de 15.000 hectares par an car, sans cela, "c'est l'esprit même de la trajectoire de sobriété que nous finissons par menacer".