Assemblée nationale : Perchoir, Bureau... Stratégies et rapports de force en vue des élections aux postes clés du Palais-Bourbon

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Hémicycle Assemblée nationale
par Maxence KagniElsa Mondin-Gava, Raphaël Marchal, le Mercredi 17 juillet 2024 à 01:05, mis à jour le Jeudi 18 juillet 2024 à 11:28

Election à la présidence de l'Assemblée nationale jeudi 18 juillet, composition du Bureau de l'institution vendredi 19 juillet... Les prochains jours s'annoncent stratégiques et riches d'enseignements, alors que l'Assemblée est partagée en trois grands blocs, sans majorité claire, depuis les législatives anticipées. Enquête sur les stratégies et rapports de force à l'œuvre. 

Jeudi 18 juillet à 15 heures, la XVIIème législature de la Vème République débutera par l'élection à la présidence de l'Assemblée nationale. Alors que les élections législatives ont mis en présence trois blocs sans majorité claire au Palais-Bourbon, ce scrutin fera office de test pour les forces politiques en présence dans l'hémicycle. Dès le lendemain, vendredi, ce test sera suivi par l'élection des membres du Bureau de l'institution qui permettra d'avoir une vision plus précise des rapports de force à l'œuvre au sein de la nouvelle Assemblée

La bataille du Perchoir

  • Yaël Braun-Pivet candidate à sa succession pour Ensemble 

Dès sa réélection à l'Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet a affirmé sa volonté de briguer à nouveau la présidence de l'institution. Prête à se soumettre à une primaire interne à la coalition présidentielle ou au groupe Ensemble pour la République (le nouveau nom de l'ex-groupe Renaissance), la souhaitant même selon son entourage, la députée des Yvelines n'aura finalement pas à en passer par là. Seule en lice au sein du groupe désormais présidé par Gabriel Attal à la clôture du dépôt des candidatures mardi soir, Yaël Braun-Pivet sera de fait la représentante des députés d'Ensemble lors de l'élection au Perchoir.

Mais pas forcément la seule candidate de la coalition présidentielle. Naïma Moutchou (Horizons) ou Geneviève Darrieussecq (Démocrate), dont les groupes ont refusé une primaire commune pourraient en effet être candidates à la présidence de l'Assemblée. Le cas échéant, c'est donc le premier tour de l'élection qui servirait en quelque sorte de primaire. "Chers députés d’aujourd’hui et de demain, faites comme moi il y a deux ans : votez Yaël Braun-Pivet !", a écrit sur X (ex-Twitter) Jean-Louis Bourlanges l'ancien député Démocrate et président de la commission des affaires étrangères, qui a décidé de ne pas se représenter aux législatives, mais qui a tenu à faire savoir son "plein soutien à cette candidature ô combien légitime à la Présidence de l’Assemblée nationale". Image retirée.

Chez Ensemble, certains auraient souhaité un changement, comme ce député qui estime qu'"il y a un problème sur la personne et sur le fait d'envoyer le signal 'on ne change rien, on continue'". Au contraire, d'autres comme Karl Olive estiment que Yaël Braun-Pivet a été une "très bonne présidente" et considèrent comme Mathieu Lefèvre qu'elle est donc tout à fait "légitime" à se représenter. Pour un autre, elle est en outre "la mieux placée pour additionner nos voix avec celles des Républicains et s'assurer que le Nouveau Front populaire, et donc par alliance La France insoumise, ne montera pas au Perchoir". "Je pense qu'on va tomber d'accord avec Yaël Braun-Pivet pour bloquer la gauche", abonde un élu du groupe de La Droite républicaine (le nouveau nom du groupe LR) cité par l'AFP. 

L'enjeu est d'autant plus stratégique que le président de la République, Emmanuel Macron, a plusieurs fois laissé entendre, ces derniers jours, que l'issue de l'élection à la présidence de l'Assemblée donnerait une indication sur la capacité des uns ou des autres à dégager une majorité au Palais-Bourbon et donc à prétendre former un gouvernement.  

  • Vers une candidature unique du Nouveau Front populaire

Le Nouveau Front Populaire l'a acté lors d'une réunion lundi 15 juillet au soir : il présentera une candidature unique pour briguer la présidence de l'Assemblée nationale. L'alliance de gauche, qui n'arrive pas à s'entendre sur le nom d'un Premier ministre à proposer à Emmanuel Macron, a jusqu'à jeudi pour choisir une personnalité qui puisse faire consensus en son sein pour l'élection au Perchoir. Selon nos informations, après de première discussions mardi, ce devrait être chose faite mercredi. Plusieurs noms ont été mis sur la table, comme celui du socialiste Boris Vallaud, celui de l'écologiste Cyrielle Chatelain et celui du communiste André Chassaigne, qui président leurs groupes respectifs. 

"Il est évident que si l'on veut former un gouvernement, il faut remporter cette élection", analyse Paul Vannier (La France insoumise), faisant référence au propos du chef de l'Etat. "La façon dont ça se détermine à l'Assemblée c'est une indication, ça donne une orientation pour la suite. Si une présidence de gauche sort du chapeau on aura du mal à expliquer qu'il ne doit pas y avoir de gouvernement de gauche. Si c'est quelqu'un de droite ou de centre-droit, ça laisse ouverte la perspective d'une majorité alternative", décrypte d'ailleurs l'un des participants à une réunion qui a eu lieu lundi autour d'Emmanuel Macron. "Si nous sommes unis, nous pouvons l'emporter", considère Paul Vannier. 

Malgré la menace d'une mobilisation anti-LFI, Paul Vannier n'écarte pas l'idée d'une candidature commune issue du parti de Jean-Luc Mélenchon.  Mardi, les noms de Mathilde Panot et d'Eric Coquerel étaient ainsi eux aussi sur la table, au moins pour faire montre ensuite d'un geste de bonne volonté. "La France insoumise a le premier groupe à gauche en nombre de sièges", rappelle le député, qui ajoute que son mouvement est toutefois "prêt à se dépasser" comme il a pu le faire en validant la candidature d'Huguette Bello, dont le nom a circulé pour Matignon en fin de semaine dernière. "S'il faut le faire pour le Perchoir, nous le ferons", affirme Paul Vannier.

Pour être élu à la présidence de l'Assemblée nationale, un candidat doit recueillir la majorité absolue des suffrages exprimés au premier tour ou au deuxième tour. Si tel n'est pas le cas, un troisième tour est organisé et c'est le candidat qui obtient le plus de suffrages qui l'emporte. Parmi les trois grands blocs représentés à l'Assemblée nationale, le Nouveau Front populaire est celui qui détient le plus de sièges. Sauf si les groupes de la coalition présidentielle - Ensemble, Démocrate, Horizons - et celui de La Droite républicaine unissent leurs voix.  

Même si chaque groupe a son candidat au premier tour, Annie Genevard a ainsi annoncé son intention d'être candidate pour La Droite républicaine - des retraits au deuxième ou au troisième tours pourraient permettre de barrer la route au Nouveau Front Populaire. C'est en tout cas le souhait du député de droite Philippe Juvin qui espère "un moment de responsabilité de toutes les forces modérées" pour éviter qu'un candidat du NFP, "et surtout de LFI", n'emporte le "Perchoir".

Une bataille entre les deux principaux blocs dont Charles de Courson (Liot) espère profiter en se présentant comme un candidat transpartisan à la présidence du Palais-Bourbon. 

Et pour les fonctions au sein du Bureau de l'Assemblée ? 

Au-delà du cas de la présidence de l'Assemblée nationale, d'autres élections très incertaines auront lieu cette semaine. Le lendemain, vendredi 19 juillet, les députés devront se prononcer sur la composition du Bureau de l'institution, sa plus haute autorité collégiale.

Les différents présidents de groupes constitués à l'Assemblée nationale se réuniront d'abord le matin, afin d'essayer de se mettre d'accord sur la répartition des six postes de vice-présidents, des trois postes de questeurs et des douze postes de secrétaires. En cas d'échec des négociations, ce qui est le plus probable, il reviendra à l'ensemble des députés de départager les différents candidats par trois séries de votes, selon le même système que celui qui est appliqué pour la présidence de l'Assemblée nationale. Concernant la composition du Bureau, le règlement du Palais-Bourbon indique que celle-ci se fait "en s'efforçant de reproduire (...) la configuration politique de l'Assemblée".  

  • Le Nouveau Front populaire veut faire barrage au Rassemblement national

Les députés du Nouveau Front Populaire ont déjà acté qu'ils feront tout pour empêcher le Rassemblement national d'occuper des responsabilités au sein des instance de l'Assemblée. "Nous appelons au barrage républicain à l'Assemblée nationale pour demeurer fidèles à la mobilisation historique des Français et Françaises qui ont rejeté massivement l'extrême droite", a déclaré mardi la présidente du groupe Ecologiste et social, Cyrielle Chatelain. "Moi, je suis pour que tout le monde soit représenté [au sein des instances de l'Assemblée], sauf le Rassemblement national", renchérit Pouria Amirshahi, qui siège au sein du même groupe.

Ce même mardi, les présidents des quatre groupes du Nouveau Front Populaire ont écrit à Gabriel Attal (Ensemble pour la République), Laurent Marcangeli (Horizons), Marc Fesneau (Démocrate) et Laurent Wauquiez (La droite républicaine) "pour convenir d'une rencontre afin d'aborder ensemble les enjeux de la mise en place de ce barrage républicain à l'Assemblée nationale".

  • La coalition présidentielle partagée entre ni RN - ni LFI et respect du règlement

Lundi 15 juillet, lors d'une réunion de groupe, les députés d'Ensemble pour la République se sont largement prononcés pour "s'abstenir face à des candidats RN ou LFI", a indiqué un des participants. "Cela ne veut pas dire qu'on ira battre RN ou LFI. Cela veut dire qu'on les laisse (...) l'un face à l'autre", a expliqué un autre auprès de l'AFP. Ce qui, compte tenu des forces en présence dans l'hémicycle, pourrait avoir pour effet de priver le Rassemblement national - premier groupe en nombre de députés, mais seulement troisième bloc - de toute fonction au sein du Bureau.

La position d'Ensemble n'est cependant pas partagée par les alliés du groupe présidé par Gabriel Attal. "Les Français ne comprendraient pas que l'on écarte des gens", estime un député Horizons (le groupe qui émane du parti d'Edouard Philippe), qui considère que Caroline Fiat (députée LFI sortante qui n'a pas été réélue) était une vice-présidente appréciée lors de la précédente législature, tout comme Sébastien Chenu (RN), qui "conduisait bien les débats". 

"On est complètement contre cette idée du ni-ni", abonde un élu Démocrate (le groupe émanant du MoDem de François Bayrou), estimant que "le respect des droits de l'opposition protègent l'institution et le futur". "Ce précédent serait très dangereux", ajoute ce député, qui explique par ailleurs que le Bureau est une instance de "gestion" de l'Assemblée nationale et qu'elle n'est pas "politique". La présence en son sein de députés issus du RN ne serait donc pas, selon lui, problématique. Lors de la réunion du groupe Ensemble, quelques députés ont, en outre, fait savoir leur désaccord avec cette stratégie qu'ils jugent en substance contreproductive. 

La tonalité venant de La Droite républicaine est la même. "L'esprit du règlement de l'Assemblée est qu'il y ait une représentation de l'ensemble des députés présents dans l'hémicycle. On ne doit ni exclure ni privilégier personne", a notamment confié Annie Genevard dans Le Figaro daté de mardi. Au final, malgré les réticences des uns et en fonction du vote des autres, le RN pourrait tout de même être représenté au Bureau. 

De son côté, le Rassemblement national affirme vouloir "jouer le jeu des institutions". Selon Laurent Jacobelli (RN), le groupe présidé par Marine Le Pen présentera donc ses candidats au Bureau "sans stratégie particulière". Le député met cependant en garde contre l'exclusion éventuelle du RN des postes à responsabilité au sein du Palais-Bourbon : "Ce serait un geste de défiance envers des millions de Français", considère-t-il ajoutant qu'il s'agirait d'un "déni démocratique" et d'un "symbole terrifiant". Laurent Jacobelli rappelle qu'en 2022, son groupe avait obtenu deux vice-présidence avec un groupe de 89 députés. Et de conclure : "Je ne vois pas comment nous pourrions avoir moins que cela avec 126 députés".