Les principaux articles de la proposition de loi "visant à plus de justice et d’autonomie en faveur des personnes en situation de handicap", portée par Aurélien Pradié (LR), n’ont pas résisté aux amendements de suppression de la majorité lors de son examen en commission mercredi 29 septembre. Visant à réformer l’allocation aux adultes handicapés (AAH), mais également la prestation de compensation du handicap (PCH), le texte sera débattu en séance lors de la journée d'initiative parlementaire du groupe Les Républicains, le 7 octobre.
"Un prix de l’amour insupportable pour les personnes en situation de handicap". C'est pour mettre fin à ce type de situation qu’Aurélien Pradié (LR) a défendu, devant la commission des affaires sociales de l'Assemblée, une proposition de loi visant à réformer le calcul de l’allocation aux adultes handicapés (AAH). Le député du Lot, dont un précédent texte présenté au cours de la législature, visait à favoriser l’inclusion des élèves handicapés à l’école, a tenu à rappeler que son rejet avait à l’époque constitué "un échec net, autant pour la majorité, que pour l’opposition".
Formulant le vœu que ses collègues ne reproduisent pas la même erreur, Aurélien Pradié a décliné les trois axes de sa proposition de loi. La fin de la conjugalisation de l’AAH, puisqu’à ce jour, le député considère que "la France viole ses engagements en matière de défense des droits humains". L’élargissement et la modernisation de la prestation de compensation du handicap (PCH), qui selon lui, peut constituer un "terrain de rassemblement", en élargissant notamment l’octroi de la PCH au handicap psychique, mental ou cognitif, et en lui permettant de prendre en charge ce qui relève de la vie sociale et citoyenne des ayants-droit. Enfin, l’humanisation des procédures d’attribution de la PCH, un sujet "tout sauf anodin", alors qu’actuellement 95% des décisions seraient rendues sans que les personnes concernées n’aient été rencontrées une seule fois au cours de la procédure de demande.
"La justice sociale ne peut pas souffrir des positions partisanes", a considéré Aurélien Pradié, qui a été rejoint dans les faits par de nombreux députés de l’opposition. Dans son propre camp, Stéphane Viry (LR) s’est prononcé pour "une réforme indispensable à conduire sans délai". Valérie Six (UDI et Indépendants) a soutenu, au nom de son groupe, la déconjugalisation, afin de susciter "davantage d’autonomie financière au sein du couple". Même Agnès Firmin-Le Bodo (Agir ensemble), pourtant affiliée à la majorité, s’est dite favorable à la déconjugalisation, considérant que "l’AAH n’est pas un minimum social comme les autres, mais bien une prestation individuelle". Elle s’est en revanche montrée plus réservée sur la PCH, non sur le principe de son extension, mais sur la "méthode", souhaitant pour ce faire avancer dans la "co-construction avec les départements", qui délivrent cette aide.
À gauche, Gisèle Biémouret (Socialistes et apparentés), a fustigé la conjugalisation de l’AAH "particulièrement préjudiciable dans certains contextes, notamment de violences conjugales". Adrien Quatennens (La France insoumise), a souhaité remercier personnellement Aurélien Pradié et salué sa proposition de loi "permettant de réparer un affront considérable". Il a notamment évoqué la situation de ceux qui doivent "feindre de ne pas être en couple, pour ne pas avoir d’atteinte sur leur revenu", avant de se livrer à une attaque en règle visant la majorité. "Il y en a des paquets pour celles et ceux qui sont les plus riches, et quand il s’agit simplement de soulager la vie des gens dans leur dignité, vous êtes aux abonnés absents", a-t-il ainsi scandé.
Enfin, Jeanine Dubié (Libertés et territoires), qui avait porté en juin la mesure de déconjugalisation de l’AAH dans l’hémicycle, s’est réjouie "que ce combat continue d’être porté au sein de notre Assemblée". "Cela devient notre proposition de loi", s’est-elle ainsi félicitée, faisant référence à son propre texte, et au soutien transpartisan dont il avait fait l’objet. "Il est urgent de mettre fin à ce mode de calcul absurde et injuste" a-t-elle de nouveau déclaré à propos de l’AAH, avant de revenir sur la mesure gouvernementale consistant en un abattement forfaitaire des revenus du conjoint : "En proposant une réforme fiscale inscrite dans le projet de loi de finances pour 2022, le gouvernement et sa majorité font le choix d’apporter une réponse froide, technocratique, strictement financière et bien en-deçà des attentes des personnes concernées".
Du côté du groupe majoritaire, Christine Cloarec-Le Nabour (LaREM) a considéré qu'il ne suffisait pas "de déclarer que l’on va améliorer les choses pour changer le monde". Prenant pour preuve les "52 milliards d’euros" alloués depuis le début du quinquennat à la cause du handicap, elle a défendu une "vision pragmatique", qui manquerait "cruellement" à la proposition de loi d’Aurélien Pradié.
"Nous persistons à penser que l’AAH, en tant que minimum social, doit être conditionnée à la solidarité entre époux et concubins reconnue par le droit civil, et qui est un principe général d’attribution des différentes allocations de solidarité", a pour sa part déclaré Nicolas Turquois (MoDem), attribuant au texte de son collègue LR une part d’"incantation législative".
"Les arguments expéditifs, les arguments consistant à se planquer pour ne pas prendre de décision, n’ont pas leur place", a répondu Aurélien Pradié, avant d'ajouter : "j’invite chacun à faire preuve d’une rigueur absolue dans les arguments qu’ils peuvent développer, et à ne pas se chercher continuellement des excuses pour ne pas agir".
Il a également directement visé le gouvernement, au travers notamment de son Budget pour l'année 2022. "Je doute que la secrétaire d’État ou les membres du gouvernement se présentent à nous la semaine prochaine en nous expliquant que budgétairement il est aujourd’hui impossible de trouver les moyens d’apporter une réponse aux personnes en situation de handicap. Je suppose qu’entre deux distributions massives aux uns et aux autres, on doit pouvoir trouver le loisir de financer quelques heures d’accompagnement à la vie sociale pour 60 000 de nos concitoyens en situation de handicap", a-t-il ainsi ironisé.
Amendement de suppression après amendement de suppression, la proposition de loi n’a pas pu être adoptée. L’occasion pour Aurélien Pradié de dénoncer "la méthode qui consiste à saboter un texte, en supprimant méthodiquement tous les articles", puis de renchérir en fustigeant "une sale méthode". La proposition de loi sera tout de même examinée en séance le 7 octobre, dans le cadre de la journée d’initiative parlementaire réservée au groupe LR.