La déconjugalisation de l’allocation adulte handicapé (AAH) revient à l’ordre du jour, par l’entremise d’une proposition de loi d’Aurélien Pradié (LR). Première sur la pile de la journée d’initiative parlementaire réservée au groupe Les Républicains, elle sera examinée le mercredi 29 septembre en commission, puis le jeudi 7 octobre dans l’hémicycle, et promet des débats intenses.
Suite au tollé qu’avait constitué pour la majorité le rejet de la mesure d’individualisation de l’AAH, au mois de juin dernier, le groupe Les Républicains ouvre un nouveau front. Si la proposition de loi portée par Jeanine Dubié (Libertés et Territoires), n’a pas terminé son parcours législatif, et sera examinée au Sénat le 12 octobre, Aurélien Pradié (Les Républicains) a souhaité revenir sur le sujet, tout en précisant que son texte "va bien au-delà de l'AAH". Car pour le député du Lot, si la problématique liée à l'AAH devra être mise sur la table "aussi longtemps que perdurera l'injustice de la conjugalisation", la question de l'extension de la prestation de compensation du handicap (PCH), est tout aussi importante.
En juin, lors de l’examen par les députés de la proposition de loi Dubié, le gouvernement, opposé à l’individualisation de l’AAH, avait dû faire face à une coalition transpartisane de l’opposition, à laquelle s’étaient ajoutés certains membres de la majorité, et recouru au vote bloqué pour éviter une éventuelle adoption de la mesure contre son avis. Ce dispositif constitutionnel prévoit en effet que "l'Assemblée se prononce par un seul vote sur tout ou partie du texte en discussion en ne retenant que les amendements proposés ou acceptés par le gouvernement." L’opposition, tout comme bon nombre d’associations, avaient alors dénoncé un "coup de force". Plusieurs députés, suite à une intervention du président de la Gauche démocrate et républicaine André Chassaigne, fustigeant "une atteinte grave à la démocratie", avaient même décidé de se retirer de l’hémicycle.
Visant à supprimer la prise en compte des revenus du conjoint pour le calcul de l’AAH, la mesure divise jusque dans les rangs mêmes du gouvernement, ayant notamment recueilli le soutien, à titre strictement personnel, du secrétaire d’État chargé de l’Enfance et des Familles, Adrien Taquet.
Le 17 juin dernier, c’est la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées, Sophie Cluzel, qui avait fait face aux députés. Elle avait alors évoqué une "promesse incantatoire", qui ne serait pas applicable en l’état, et avait défendu en lieu et place un amendement introduisant un abattement forfaitaire des revenus du conjoint.
Une mesure considérée comme bien insuffisante par une large partie de l’hémicycle. Pour ses défenseurs, la déconjugalisation de l’AAH, soit la fin de la prise en compte des revenus du partenaire dans son calcul, est un outil en faveur de l’autonomie et de l’indépendance financière des personnes handicapées. Créée en 1975, l’AAH a pour vocation de compenser l’incapacité de travailler. D’un montant maximal de 904 euros mensuels, elle est versée sur critères médicaux et sociaux, et compte aujourd’hui plus de 1,2 million de bénéficiaires.
Pour que la proposition de loi de Jeanine Dubié soit adoptée et entre en vigueur avant la fin du quinquennat, il faudrait, après son adoption en deuxième lecture par le Sénat, que le gouvernement convoque une commission mixte paritaire, afin que les deux chambres se mettent d'accord sur un texte commun. Scénario qu'Aurélien Pradié juge peu crédible.
Outre l’AAH, la proposition de loi d’Aurélien Pradié "visant à plus de justice et d'autonomie en faveur des personnes en situation de handicap" agit sur un autre levier : celui de la prestation de compensation du handicap (PCH). Versée par le département, cette dernière permet de rembourser les dépenses liées à la perte d'autonomie. Le député du Lot souhaite ainsi étendre son versement à des personnes qui en sont à ce jour exclues, essentiellement atteintes de troubles neurologiques ou psychiatriques. Le texte ajoute également aux charges auxquelles la PCH peut être affectée, celles liées à un besoin d’aide humaine "notamment, de surveillance et d’assistance, de soutien à l’autonomie globale et de participation à la vie sociale et citoyenne". En d'autres termes, actuellement la PCH prend en charge la survie. Et pour cause, "l'esprit de la loi de 2005 sur le handicap assure que les personnes puissent rester propres et s'alimenter", selon Aurélien Pradié, qui souhaite que "l'intégration à la vie sociale" devienne tout aussi prioritaire.
Enfin, le texte vise à "humaniser les procédures" : tout refus de la PCH ne pourra avoir lieu sans que le demandeur ne soit reçu et entendu par les décisionnaires.
Le président de la République s'étant prononcé pour l'extension de la PCH lors de la dernière conférence nationale sur le handicap, Aurélien Pradié estime qu'une opposition à son texte s'avérerait être un exercice particulièrement délicat pour le gouvernement. "Je ne sais pas comment ils vont se dépatouiller. Je les invite à faire preuve de beaucoup de prudence", nous a-t-il confié.
La proposition de loi sera examinée le 29 septembre en commission des affaires sociales, avant les débats dans l’hémicycle le 7 octobre. Si les oppositions sont déjà unanimement favorables au texte, sur le volet AAH comme sur celui de la PCH, Aurélien Pradié ne désespère pas de récolter des voix du côté de la majorité. "Je ne suis pas connu pour être extrêmement consensuel, mais sur ce sujet, j'ai mené des échanges avec l'ensemble des groupes politiques". Le suspense reste donc entier, et les débats sur le texte risquent d'occuper une grande partie de la journée réservée à la "niche" LR, le 7 octobre prochain.