Auditionné par la commission spéciale de l'Assemblée nationale sur la fin de vie, ce jeudi 25 avril, le Grand Maître du Grand Orient de France, Guillaume Trichard, a demandé aux députés d'avoir une "attention toute particulière" sur la question de l'ouverture de l'aide à mourir à certains mineurs. Le projet de loi présenté par le gouvernement ne prévoit d'ouvrir cette possibilité qu'aux malades âgés de plus de 18 ans.
"Quand on a 17 ans et six mois, qu'on est autorisé à conduire, à tenir un volant, et donc potentiellement de pouvoir provoquer un accident sur la route, je crois qu'on est en capacité de discerner." Jeudi 25 avril, lors d'une table ronde avec les obédiences maçonniques organisée par la commission spéciale chargée d'étudier le projet de loi "relatif à l’accompagnement des malades et de la fin de vie", le Grand Maître du Grand Orient de France, Guillaume Trichard, a enjoint aux députés de se pencher sur la question de l'élargissement de l'aide active à mourir à certains mineurs.
Dans sa version actuelle, le projet de loi n'ouvre l'"aide à mourir" qu'aux personnes "âgées d'au moins 18 ans". Le Grand Maître du GODF estime nécessaire de prendre en compte les "situations particulièrement dramatiques" touchant certains malades encore mineurs. Ces cas qui "ne concernent bien évidemment qu'un nombre infime de situations (...) méritent que le législateur y accorde une attention toute particulière", a estimé l'ancien secrétaire général adjoint de l'Unsa, à la tête de la première obédience maçonnique de France.
"Il s'agit là d'une question administrative, in fine", a poursuivi Guillaume Trichard, qui a rappelé qu'"il y a encore quelques années, la majorité était à 21 ans". "La majorité sexuelle c'est pas 18 ans, la majorité pénale c'est pas 18 ans", a-t-il encore considéré. Et d'interroger : "Que dira-t-on à un mineur de 17 ans et demi, atteint d'un cancer très douloureux ?", déplorant qu'en l'état il "faudra qu'il continue de souffrir jusqu'à l'âge de sa majorité".
"Lorsque le dispositif a été revu en Belgique et étendu aux mineurs (en 2014, ndlr.), il y avait des cris sur les dérives possibles, finalement c'est, en termes de tristes statistiques, cinq mineurs concernés depuis que la loi a évolué", a indiqué Guillaume Trichard. Une position rejointe par la présidente de la commission nationale éthique bioéthique de la Grande Loge féminine de France, Frédérique Moati, qui était elle aussi auditionnée : "Une loi qui dépénaliserait effectivement les personnes qui sont confrontées ce jour-là à cet acte-là, c'est la moindre des choses pour que l'on puisse avoir des personnes qui vivent dignement."
Les obédiences maçonniques auditionnées par la commission spéciale de l'Assemblée nationale n'ont cependant pas toutes partagé le même point de vue. "Il y a eu un choix qui a été fait dans le texte qui est présenté, je pense qu'il est bon, déjà tenons-nous en à ça", a réagi Michel Hannoun, le représentant du Grand Maître de la Grande Loge de France, soucieux d'éviter les "dérives" belges et hollandaises. "S'il n'y a pas de verrous, il n'y a pas de lois", a-t-il expliqué, jugeant les réponses au cas par cas "intenables sur le plan pratique".
Guillaume Trichard, lui a répondu, affirmant que certains pays comme l'Espagne "à force de mettre trop de verrous" ont construit une loi "qui n'arrive à produire rien". Cette question de l'accès à l'aide à mourir à certains mineurs a également été abordée par Jean-François Delfraissy en début de semaine. Lors de son audition, lundi 22 avril, le président du Comité consultatif national d'éthique (CCNE) a jugé nécessaire de ne pas aborder ce sujet dans l'actuel projet de loi : "Si vous voulez le fond de ma pensée, on a là un projet de loi qui est une étape, je pense qu'il y aura une autre loi sur la fin de vie dans X temps", a-t-il estimé. Une déclaration qui avait interpellé Annie Genevard (Les Républicains) : "On est à peine à l'aube de l'examen de ce texte qu'on en envisage déjà l'élargissement", avait-elle regretté.
Les auditions de la commission spéciale sur le projet de loi consacré à la fin de vie se poursuivront jusqu'en début de semaine prochaine, avant un examen du texte prévu à partir du 13 mai en commission. Et des débats, en première lecture, qui commenceront le 27 mai. dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale.