Éric Poulliat (Renaissance) et Jérémie Iordanoff (Écologiste) ont présenté, mercredi 15 novembre, leur rapport d'information sur "l'activisme violent". Les deux députés font le constat d'une violence moindre que ce qu'elle a pu être par le passé, malgré un "effet de loupe" due aux réseaux sociaux et médias. Le rapport revient également sur les violences contre les élus et la défiance envers les institutions.
"Si l’on peut avoir le sentiment que la société actuelle est violente, force est de constater qu’en prenant un nécessaire recul historique, elle l’est globalement moins qu’avant – tout en étant plus visible." Tel est le principal constat d'Eric Poulliat (Renaissance) et Jérémie Iordanoff (Ecologiste), qui ont dévoilé, mercredi 15 novembre, les conclusions du rapport de la mission d'information sur "l'activisme violent", lancée en février dernier.
"La conflictualité politique violente reste inférieure à un niveau qu'elle a pu avoir", a ainsi affirmé le député de la majorité présidentielle devant la commission des lois. Avant de décrire "l'effet de loupe" joué par les médias - notamment les chaînes d'info en continu - et les réseaux sociaux. "L'activisme actuel reste d'une ampleur mesurée par rapport au temps long", a abondé Jérémie Iordanoff. Reste que cet activisme violent n'est pas éteint, et que la multiplication de violences commises contre des personnes ne sont pas à exclure à l'avenir. D'où la nécessité de combattre cet activisme violent, qui "sape le fonctionnement de nos institutions et notre vie en commun".
Les co-rapporteurs ont mené un travail sémantique pour désigner ce qui rentrait dans le champ d'application de cette notion, caractérisée par "le recours à la violence et le refus de la primauté des normes sociales". Exit, pour eux, de ce cadre, le terrorisme islamiste, le djihadisme ne "cherchant pas à convaincre, mais plutôt à détruire".
Une divergence les a néanmoins opposés au moment de classer les atteintes contre les biens, ces dernières, lorsqu'elles sont "légères", ne "relevant pas du champ de la violence", selon les mots de l'élu écologiste devant la commission des lois. Avant d'insister sur le fait que "la désobéissance civile ne saurait être confondue avec l'activisme violent". "Se limiter aux seules violences contre les personnes laisseraient de côté tout un pan de violences", a rétorqué le député de la majorité.
Les deux députés ont regroupé les activistes violents en cinq grandes "familles" : les séparatistes, les religieux, les professionnels (pour ce qui relève du conflit au travail), les idéologiques (ultragauche et ultradroite) et les sociétaux (environnementalistes violents et animalistes). Parmi eux, les idéologiques et les sociétaux représentent les catégories les plus actives, et donc, à risque.
Les deux élus dépeignent notamment la "menace" que représente l'ultradroite, davantage tournée vers les violences contre les personnes. Quelque 3 300 personnes sont classées derrière cette étiquette, éparpillés entre "accélérationnistes" persuadés de l'imminence d'une guerre raciale, complotistes et "incels" (célibataires malgré eux, communauté misogyne).
À l'opposé, entre 2 000 et 3 000 personnes relèvent de l'ultragauche, davantage motivés par les dégradations idéologiques. Ce mouvement peut, en outre, par capillarité, influencer les activistes "sociétaux" environnementalistes. Ces derniers "représentent peut-être une des menaces sérieuses de demain", a notamment pointé Eric Poulliat. "S'il y a un risque, il pourrait être là."
Une fois ce constat dressé, le rapport liste 28 préconisations destinées à limiter l'impact de cet activisme violent. Toutes ne sont pas partagées entre les deux co-rapporteurs. Classiquement, une partie d'entre elles vise à revenir sur certaines "limites" d'un arsenal législatif "globalement suffisant", "qui tiennent plus à l'application des sanctions qu'à leur définition".
Éric Poulliat (Renaissance) formule plusieurs propositions relatives aux manifestations, comme la mise en place d'une amende forfaitaire délictuelle pour la dissimulation du visage en abord d'une manifestation. Il propose ainsi de relever la sanction prévue en cas de participation à une manifestation interdite, en la transformant en une contravention passible d'une amende de 1 500 euros, et d'une amende forfaitaire de 200 euros. Le député de la majorité plaide également pour instaurer un régime d'interdiction administrative de manifester, à titre expérimental, en tirant les conclusions de la censure du Conseil constitutionnel d'une disposition similaire il y a 4 ans.
Il préconise également d'approfondir la loi contre le "séparatisme", en facilitant la dissolution d'associations ou de groupements violents sur la base d'une provocation "indirecte". Une proposition également faite par la commission d'enquête sur les groupuscules violents.
Les deux députés s'accordent sur l'introduction d'une procédure de suspension temporaire des activités d'une association ou d'un groupement violent, et jugent nécessaire de prévoir une procédure spécifique pour éviter que les biens d'une association dissoute soit transmis à une personne susceptible de poursuivre les mêmes activités.
Le renforcement de l'arsenal juridique ne saurait, en outre, suffire pour lutter contre la défiance envers les institutions, a toutefois alerté Jérémie Iordanoff (Ecologiste). Les deux députés portent la volonté de renforcer l'éducation aux médias et la place de l'enseignement civique et moral, ainsi que de soutenir financièrement les médias associatifs. L'élu écologiste va plus loin en proposant d'instaurer une dose de proportionnelle aux élections législatives et de supprimer le "49.3" de la Constitution. Sans partager cette voie, Eric Poulliat préconise d'élargir le champ des référendum permis par la Constitution, afin d'y inclure les sujets sociétaux.
Jérémie Iordanoff défend également la création d'un "Défenseur de l'environnement", sur le modèle du Défenseur des droits. Celui-ci serait chargé de veiller à la préservation de l'environnement et à la bonne exécution de décisions de justice. Cette proposition figurait parmi les recommandations de la Convention citoyenne pour le climat.
Enfin, les deux élus s'attardent sur la montée "inquiétante" des violences commises contre les élus. "Entre 2021 et 2022, le nombre d’agressions d’élus s’est accru de près
d’un tiers, passant de 1 770 à 2 265", relèvent-ils. Pour les co-rapporteurs, il est donc nécessaire de relever les peines prévues, en les alignant sur celles applicables aux violences commises contre les membres des forces de sécurité.