Dans le cadre du projet de loi visant à accélérer la production d'énergies renouvelables, les députés ont adopté, mercredi 14 décembre, l'article relatif à l'agrivoltaïsme en prévoyant un certain nombre de garde-fous, le gouvernement ayant affirmé que la vocation du texte était d'encadrer la pratique, là où certains députés de l'opposition ont craint qu'elle soit facilitée au détriment de la souveraineté alimentaire.
Le projet de loi relatif à l'accélération de la production d'énergies renouvelables (EnR) risque-t-il, en accroissant la souveraineté énergétique de la France, d'obérer sa souveraineté alimentaire ? C'est en tout cas la crainte qui a été formulée par un certain nombre de députés, mercredi 14 décembre, alors que les débats portaient sur la définition et les règles relatives à l'agrivoltaïsme, qui constitue l'un des points clés du texte.
Dès le début de l'examen de l'article 11 decies, Charles Fournier (Ecologiste) a dit la volonté de son groupe d'aller vers une pratique plus encadrée par rapport au projet initial du gouvernement, et insisté sur la notion de "terres incultes", qui, si elles sont reconnues comme impropres à la culture, et pourraient à ce titre être livrées sans contrainte à des projets d'EnR, n'en sont pas moins des réservoirs de biodiversité.
Alors que Dominique Potier (Socialistes) a évoqué la nécessité de se prémunir des "marchands de soleil" dans le monde agricole et de mener une "réflexion socio-économique majeure", Aurélie Trouvé (La France insoumise), a pour sa part estimé que le volet sur l'agrivoltaïsme résumait à lui seul l'esprit du projet de loi, en visant avant tout à "lever les contraintes pour les entreprises qui voudraient investir dans les EnR". La députée a notamment dénoncé, concernant la pose de photovoltaïque sur des terrains agricoles, le risque de dérives liées à l'appât du gain généré chez certains propriétaires fonciers, l'activité étant réputée plus rentable que la culture et l'élevage. Aurélie Trouvé a également insisté sur la nécessité de privilégier l'installation de dispositifs photovoltaïques sur toiture, afin de limiter l'artificialisation des sols.
Si l'article 11 decies précise qu'une installation agrivoltaïque doit pouvoir être "réversible", et la production agricole maintenue en tant qu'"activité principale de la parcelle agricole", Delphine Batho (Ecologiste) a souhaité préciser cet aspect en faisant adopter un amendement soulignant que l'agrivoltaïsme ne peut constituer qu'"un complément de l’activité agricole", et non son déterminant. Cet amendement de précision a recueilli les avis favorables de la ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, et du rapporteur Eric Bothorel (Renaissance).
Contre les projets agricoles dits "alibis", plusieurs groupes dont Les Républicains et les Socialistes ont souhaité apporter une nouvelle précision, afin que l'agrivoltaïsme soit adossé à une production agricole "significative" "en quantité et en qualité". L'amendement n'a pas été retenu.
L'amendement de Dominique Potier prévoyant l'édiction d'un décret pour déterminer les conditions de déploiement et d’encadrement de l’agrivoltaïsme, a en revanche été adopté. Parmi les conditions requises : "le respect strict de la réglementation agricole en vigueur", ou encore "le maintien du potentiel agronomique actuel et futur des sols concernés".
Déjà annoncé en fin de semaine dernière, Eric Bothorel a présenté un amendement précisant qu'aucune installation photovoltaïque au sol ne sera admise sur les terrains agricoles, hors certaines dérogations dont les critères seront définis par les Chambres d’agriculture. Au même titre qu'"on ne fait pas de photovoltaïque au sol en arrachant des arbres", a déclaré le rapporteur au regard de l'interdit posé à l'égard des zones forestières, "il n'y a pas de photovoltaïque au sol sur les terres agricoles".
Concrètement, il s'agira d'autoriser des ouvrages au sol uniquement sur des terres dites incultes et non exploitées depuis un laps de temps déterminé. Un sous-amendement d'Aurélie Trouvé a aussi été adopté afin que cette durée, fixée par décret, soit au minimum de 10 ans. Ces surfaces ne rentreront pas dans la définition de l'agrivoltaïsme, qui concernera des terres cultivées et d'élevage, sur lesquelles pourront être placés des dispositifs en hauteur, limitant l'entrave à l'activité agricole. L'examen du projet de loi se poursuit ce jeudi, en vue du vote solennel qui aura lieu sur l'ensemble du texte le 10 janvier.