Abolition de la corrida : la proposition de loi d'Aymeric Caron repoussée en commission

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Arles - Corrida
par Soizic BONVARLET, le Mercredi 16 novembre 2022 à 15:12, mis à jour le Jeudi 17 novembre 2022 à 12:22

La commission des lois de l'Assemblée a rejeté, mercredi 16 novembre, la proposition de loi visant à abolir la corrida, présentée par La France insoumise. Évoquant un "signal terrible", le rapporteur du texte, Aymeric Caron, a pris date en vue des débats qui auront lieu dans l'hémicycle lors de la journée d'initiative parlementaire du groupe LFI, jeudi 24 novembre. 

"Est‑ce que ce monde est sérieux ?" : c’est par les paroles de la chanson de Francis Cabrel, La Corrida, qu’Aymeric Caron a choisi d’introduire l’exposé des motifs de sa proposition de loi "visant à abolir la corrida".

Actuellement, les spectacles taurins s’achèvent le plus souvent par la mise à mort de l’animal, permise par une dérogation à l’article 521-1 du Code pénal, qui réprime les actes de cruauté envers les animaux. Une exception qui concerne ce qui relève d’"une tradition locale ininterrompue", et qui s’applique dans les faits aux combats de coqs et en matière de tauromachie. Un argument qui ne tient pas pour Aymeric Caron, qui fait valoir que "la corrida n’est en rien une tradition française, mais espagnole".

La tradition n'a jamais justifié la validité morale d'une pratique. L'excision aussi est une tradition, et pourtant, cela ne viendrait à l'idée de personne dans cette salle de la défendre. Aymeric Caron

Lors de l'examen de son texte en commission des lois, mercredi 16 novembre, le rapporteur a estimé que "la tradition n'a jamais justifié la validité morale d'une pratique. L'excision aussi est une tradition, et pourtant, cela ne viendrait à l'idée de personne dans cette salle de la défendre". Quelques minutes auparavant, le député, usant du terme de "barbarie", avait décrit avec force détails les différentes étapes du déroulement d'une corrida et les sévices infligés au taureau en amont de sa mise à mort.

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Clivage moral ou territorial ?

Avant le rejet du texte, suite à l'adoption des amendements de suppression de son article unique présentés par Les Républicains et le Rassemblement national, les débats ont été vifs et ont montré des divergences, voire des divisions, au sein de la plupart des groupes politiques. Du côté de la Nupes, La France insoumise et le groupe Écologiste ont été unanimes pour soutenir la proposition de loi. Mais le groupe Socialistes n'a pas su trouver de position commune. Si Cécile Untermaier, présente en commission mercredi, a estimé qu'"aucun patrimoine local ne mérite d'être âprement défendu dès lors que l'inhumanité est au cœur de son dispositif", elle a tenu à préciser qu'elle s'exprimait à titre strictement personnel. Interrogé lundi par LCP sur ce que pourrait être le vote du président du groupe Socialistes, élu dans une terre de corrida, les Landes, Aymeric Caron a répondu : "Si Boris Vallaud ne votait pas le texte, ce serait scandaleux", évoquant un réflexe "anachronique".

Pierre Dharréville (Gauche démocrate et républicaine) a, pour sa part, déclaré en commission : "Dans ma circonscription il y a des manades, où l'on élève des taureaux, il y a des arènes, il y a des corridas et des jeux taurins, et je crois qu'il n'y a pas de barbares". Le député des Bouches-du-Rhône a également assumé ne pas partager "l'horizon antispéciste", relayé par Aymeric Caron.

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La dichotomie entre la notion de bien-être animal et celle de tradition réputée ancestrale, n'a pas été résolue au sein du Rassemblement national. Bien qu'il ait été à l'origine d'un amendement de suppression de l'article unique du texte, le groupe RN a laissé ses membres libres de leur vote. Les groupes Horizons et Démocrate, majoritairement hostiles au texte, ont fait le même choix. 

Les Républicains ont, en revanche, exprimé une position de groupe contre la proposition de loi, développant notamment l'argument environnemental, selon lequel l'élevage très extensif de taureaux de combat favoriserait la préservation de la biodiversité, les animaux eux-mêmes jouant un rôle d'"outils de gestion écologique".

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Du côté du groupe Renaissance, Marie Lebec a dénoncé dans le texte d'Aymeric Caron, "le choix de la radicalité et de la caricature", avant de s'étonner qu'il ne se propose pas de mettre un terme aux combats de coqs, populaires dans le nord de la France et certains territoires d'Outre-mer qui, selon plusieurs députés, bénéficieraient d'un traitement d'exception de la part de La France insoumise pour des raisons électoralistes. Aymeric Caron a répondu qu'il présenterait en séance un amendement pour mettre fin aux combats de coqs.

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Quelles chances pour le texte dans l'hémicycle ?

Bien que rejetée en commission des lois, la proposition de loi est à l'ordre du jour de la journée d'initiative parlementaire réservée au groupe LFI, le 24 novembre. Le texte étant en quatrième position pour son examen en séance, derrière notamment, la proposition de loi visant à constitutionnaliser l'IVG et la contraception, il n'est pas certain qu'il puisse être examiné jusqu'au bout, les députés ne disposant que d'une seule et même journée pour débattre de tous les textes présentés par La France insoumise. Le groupe LFI estime cependant que la proposition pourra bel et bien être débattue dans l'hémicycle. Et après un vote serré en commission, les partisans de l'abolition de la corrida veulent croire que la donne sera inversée dans l'hémicycle, où siègent l'ensemble des députés.

Le gouvernement s'opposera quant à lui à la proposition de loi. Le ministre de la Justice, Eric Dupond-Moretti, ainsi que le ministre de l'Agriculture, Marc Fesneau, y sont notamment hostiles. Le 8 novembre, ce dernier a évoqué un texte qui ne serait "pas opportun". Jeudi prochain, en séance, c'est la secrétaire d'État à la Ruralité, Dominique Faure, qui représentera le gouvernement et qui défendra le maintien de l'exception culturelle en matière de tauromachie. Si Aymeric Caron a déploré lors de l'examen de son texte en commission, un dénouement qui serait, selon lui, le "résultat d'une grosse pression des lobbies, d'une minorité bien organisée", il a déclaré ne pas douter "que l'Assemblée nationale, en séance publique, saura exprimer une position courageuse et ambitieuse".

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