Votée au Parlement en 2017 puis abandonnée en cours de route par le gouvernement, l'idée d'une banque publique pour financer les partis et les candidats aux élections est remise sur la table par un rapport parlementaire. Une volonté qui fait écho aux difficultés de certains prétendants à l'Élysée, qui ont du mal à emprunter auprès des banques privées.
C'était une mesure phare de la première réforme du quinquennat d'Emmanuel Macron. En juillet 2017, le principe d'une banque de la démocratie, chère à François Bayrou, avait été votée à l'occasion de l'adoption des lois de confiance dans la vie politique. "Cette structure pérenne de financement permettra de pallier les carences du financement bancaire privée", claironnait Nicole Belloubet, alors ministre de la Justice.
Fin des dons déguisés, renforcement du mandataire, banque de la démocratie : les nouvelles règles du jeu pour les partis #DirectAN pic.twitter.com/kmPkWXMuKF
— LCP (@LCP) July 18, 2017
Mais quatre ans plus tard, rien. La raison en revient d'abord à un rapport des inspections générales de l’administration et des finances, qui estimait en 2018 que la création d'un médiateur du crédit pourrait suffir à régler les problèmes de financement des candidats ou des partis politiques. Le gouvernement a suivi cet avis, et la banque publique qui devait être créée par ordonnance est restée lettre morte.
Coauteurs d'un rapport sur le bilan des lois de confiance du 15 septembre 2017, Yaël Braun-Pivet (LaREM) et Philippe Gosselin (LR) s'inscrivent en faux contre ce constat. Les députés, qui ont dévoilé mercredi leurs conclusions, ont rassemblée autour d'une table ronde les principales formations politiques du pays : "Un mouvement politique bien connu sur la place [le Rassemblement nationale, NDLR], preuve à l’appui, présente ainsi cinquante-trois refus écrits, pas toujours motivés, de banques", lit-on dans leur rapport.
Une situation inadmissible pour la présidente de la commission des Lois :
Il est anormal que les banques privées soient décisionnaires de l'ampleur de la campagne de tel ou tel candidat, ou même de la présentation d'un candidat ! Yaël Braun-Pivet, coauteur du rapport
À la veille du scrutin présidentiel de 2022, le Rassemblement national n'est pas le seul parti à éprouver des difficultés à emprunter. Anne Hidalgo pour le PS ou encore La France insoumise ont également du mal à boucler leur budget, selon Philippe Gosselin, sans même parler des "petits" candidats. Car les banques, en plus de veiller à leur réputation, regardent les sondages.
Par exemple pour l'élection présidentielle, les candidats peuvent obtenir le remboursement par l'État de près de la moitié de leurs dépenses s'ils réalisent plus de 5% des suffrages au premier tour – le remboursement est limité à 800 000 euros en-deçà. Or, "les banques considèrent les demandes à partir de 6, 7 parfois 8% points dans les sondages", ajoute Yaël Braun-Pivet.
D'où l'idée des parlementaires, au nom du pluralisme, de ressusciter la banque de la démocratie afin de proposer "un financement bancaire digne de ce nom".
Sans attendre une nouvelle loi, le duo voudrait dans l'immédiat permettre à la Banque postale d'octroyer des prêts et garanties aux candidats et partis pour la présidentielle et les législatives. Mais cette possibilité dépend de la bonne volonté du gouvernement : "Il y a urgence, (...) à nous d'être les porte-voix de cette proposition", a plaidé le député LR auprès de ses collègues. Et au-delà de 2022, une loi pourrait autoriser la Caisse des dépôts à prendre le relais.
"Pour rassurer nos concitoyens, il ne s'agit pas d'avoir des prêts à fonds perdus, qui ne seront pas remboursés. C'est une avance budgétaire - un crédit - qui serait avancé aux candidats", a précisé l'élu de la Manche.
Parmi les autres propositions du rapport figure aussi une réforme du financement des formations politiques. Aujourd'hui, elles reçoivent de l'argent en fonction de leurs scores à la dernière élection législative. Trop réducteur pour les députés, qui proposent de prendre aussi en compte les élections européennes, qui a l'avantage d'être un scrutin proportionnel, afin d'assurer une meilleure représentativité.
De plus, les résultats des deux dernières élections seraient pris en compte dans le calcul du financement afin de lisser les effets d'une victoire ou d'une défaire électorale. Un parti qui passerait du pouvoir à l'opposition ne verrait plus son financement "se trouver en chute libre", justifie Philippe Gosselin.